vendredi 26 mai 2023

Retrouver la flamme

Pour fuir la flemme et retrouver la flamme, le plus dur est souvent de s'y mettre et de dépasser la page blanche. Mais comment trouver l'étincelle ?
Guillaume Lamarre propose 365 façons de dé-procrastiner, de débloquer sa créativité, parfois en prenant un peu de recul en allant se promener : une excellente façon de retrouver l'inspiration.
C'est l'objectif de ce petit pavé à conserver toute l'année sur son bureau (il est un peu épais pour la poche ou le sac) : L'étincelle du créatif. 365 jours pour réinventer votre pratique créative.
Rien n'empêche de lire plusieurs pages, jusqu'à ce que la source jaillisse à nouveau. On peut aussi ouvrir le livre au hasard et méditer sur la phrase, le conseil, l'exercice proposé.

Quelques exemples : 

Plus d'une fois, il s'agira de commencer votre projet par LA FIN.

La création, c'est de la répétition. Jour après jour, vous vous dédiez à votre projet jusqu'à ce que la magie opère.

Prenez l'habitude de vous parler à vous-même comme vous parleriez à votre meilleur ami.

Arrêtez immédiatement de vous comparer aux autres ! Immédiatement.

Faire a le pouvoir de rendre heureux.

Voilà de quoi apporter quelques surprises dans vos réflexions et un peu de magie dans vos projets.

Éditions Pyramyd, 2023, 372 pages. 

Guillaume Lamarre est aussi l'auteur, aux éditions Pyramyd de trois autres ouvrages : La voie du créatif, L'art du storytelling et Festins
Lire aussi ma chronique sur L'art du créatif.


jeudi 25 mai 2023

La vie selon Annie E.

Couverture sobre
pour un volume foisonnant

Ce Cahier de L'Herne dirigé par Pierre-Louis Fort a été publié en 2022, juste avant qu'Annie Ernaux soit lauréate du prix Nobel de littérature.
Fidèle à son concept, ce Cahier rassemble toutes sortes de documents, photos, souvenirs, articles d'autres personnes (artistes, écrivains, cinéastes, chercheurs...), et surtout de nombreux inédits sortis des archives d'Annie Ernaux : extraits de journaux, correspondances, discours, entretiens et autres textes. 

Comme l'écrit Pierre-Louis Fort dans l'avant-propos : 

Porté par l'enthousiasme de ses participants et enrichi par ses très nombreux inédits, ce Cahier de L'Herne consacré à Annie Ernaux propose une promenade stimulante et innovante dans les multiples chemins que dessine une des œuvres les plus denses et les plus belles de notre temps. Une œuvre qui, dépassant les frontières génériques et refusant les assignations rigides, ne cesse d'interroger sa forme au regard de son projet, et d'engager le lecteur dans "ce temps vécu, de l'avoir été, qui concerne tous les vivants."

On plonge alors dans les coulisses d'une écriture particulière, factuelle et comme elle l'énonce elle-même dans Une femme

"Ce que j'espère écrire de plus juste se situe sans doute à la jointure du familial et du social, du mythe et de l'histoire."

Quant à la comédienne Dominique Blanc, elle ose un souhait qui s'est réalisé : 

"Il faut rêver d'Annie Ernaux pour le prix Nobel de littérature (ne riez pas, Annie). Son œuvre qui est en cours est pure lumière."

Et pour finir, un grand entretien avec Pierre-Louis Fort où Annie Ernaux reste étonnée par le regard porté sur son travail, se dit heureuse par l'appropriation collective de ses textes : "C'est ça, pour moi, la plus grande joie, qu'on s'empare de ce que j'écris."

Une somme — plus de 300 pages en grand format — passionnante, éclairante et inspirante.

Cahier de L'Herne, éditions de l'Herne, 2022, 320 pages.

Autres chroniques sur ce blog :

- Écrire la vie.
- Hôtel Casanova.
- L'autre fille.
- Les Années Super 8, Le jeune homme et Retour à Yvetot.
- L'Usage de la photo.

vendredi 19 mai 2023

Ce monde à part de l'enfance

Le nouveau livre de Julie Legrand, L'Antichambre de la pluie, est un récit en dix-huit courts chapitres comme autant de fragments, de souvenirs.
Il est revêtu d'une jolie couverture aux couleurs tendres de l'enfance, illustrée par Nicole Legrand, comme les dessins des pages intérieures.
Le ton est donné : l'autrice nous embarque en voyage dans ce monde à part, complétement étranger à celui des adultes et de leurs conversations ennuyeuses.
Elle fait revivre une atmosphère familiale particulière — que l'on suppose être la sienne — et tend à l'universel avec ces moments que nous sommes nombreux à avoir connu, comme le rituel de la galette des rois ou la splendeur de Noël, ou bien qu'elle nous fait ressentir comme réels et palpables.

Est-ce pour conjurer l'ennui des discussions passant au-dessus de leur tête que les petits enfants de la rue de Fleurus disparaissaient systématiquement de table entre la poire et le fromage ?

Le récit est jalonné d'objets, de parfums et de goûts de sa mythologie personnelle et sensuelle : les boudoirs Brossard (tels des madeleines), la desserte à roulettes, un téléphone orange, le bain moussant Obao, des billes de plomb, le calendrier de l'Avent, la barbe à papa, les émissions de divertissement ou politiques assorties des commentaires du grand-père, le parfum Shalimar et le "pépin" de la grand-mère.
Deux personnages sans noms, figures des grands-parents, simplement désignés par La Cuisinière et Le Grand Garagiste, traversent le recueil. C'est justement dans le (presque) huis-clos de leur appartement de la rue de Fleurus que se déroulent ces histoires les jours de pluie et lors des interminables repas familiaux.
Dans cette unité de lieu, pièce par pièce, de la fameuse antichambre à la chambre bleue, reléguée au fin fond du couloir, en passant par la salle de bain et sa baignoire à pieds de lions, tout est prétexte à un jeu, une aventure, une espièglerie ou une chute cuisante sur le tapis.
Ce pays de l'enfance est celui de la joie, mais aussi celui de la mélancolie du dimanche soir et d'un monde qui n'est plus.
Un récit tout en finesse et sensibilité, très réussi.

Éditions Zonaires, 2023, 80 pages.

Lire aussi :
- un entretien avec Julie Legrand ;
- des chroniques sur ses précédents livres : Sur le rivage ; Bons baisers de l'île ; Petites morsures animales ; La fleur que tu m'avais jetée ; L'extinction.

vendredi 12 mai 2023

L'écriture et la vie

C'est toujours un plaisir de retrouver l'écriture d'Anna Dubosc
Ce nouveau récit, Plus vivant que la vie, forme une trilogie avec Koumiko et Bruit dedans, un hommage à sa mère, dont elle parlait déjà dans les nouvelles du recueil Spéracurel.
L'autrice crée, au fil de ses ouvrages, un univers singulier, très vivant et agréable à lire.
Sa vie est un roman. L'écriture est sa vie, toujours au centre de ses récits, comme un moteur, une véritable obsession textuelle :

Je me suis encore raccrochée à l'idée d'une scène pour mon prochain bouquin.

Elle écrit et se livre comme si elle nous confiait ses tribulations, sans filtre et sans complaisance, ni envers elle-même ni envers les autres.
Même si le fond du récit est grave — le deuil après la mort de sa mère et un avortement —, il y a toujours une scène cocasse ou inattendue qu'elle restitue avec une justesse des mots et un franc parler, cru, drolatique, ou bien terriblement émouvant, troublant. 

Il me traque avec sa tablette pour me montrer des photos de Koumiko. Déjà, au Père-Lachaise, il voulait qu'on les regarde ensemble, mais j'avais coupé court. Je ne pouvais pas voir des photos de ma mère, pas pour l'instant. Il insiste, il est venu exprès pour ça. Je lui répète que je ne peux pas. J'ai l'impression d'avoir affaire au Chinois fou dans Le Lotus bleu, qui poursuit Tintin avec un grand sabre en lui assurant qu'il va simplement lui couper la tête.

La fantaisie, l'angoisse, la panique ou l'humour se succèdent dans le récit ; ce qui fait que, comme d'habitude, Anna Dubosc réussit à nous embarquer et nous tenir en haleine jusqu'au bout.

Quidam éditeur, 2023, 170 pages.

Lire aussi les chroniques sur :
- Bruit dedans ;
- Koumiko (dont une édition poche, revue et augmentée, est prévue chez Quidam) ;
- Spéracurel ;
- Nuit synthétique.

mercredi 10 mai 2023

Mystère et magie de l'art

Denis Couchaux nous entraîne dans ses investigations et questionnements à partir d'un souvenir d'enfance et de sa rencontre avec un peintre qui illustre avec humour l'expression "l'essence de l'art".
L'auteur — qui est graphiste, photographe, illustrateur et architecte de formation — s'interroge sur ce qui fait une œuvre d'art, et sur ce que les œuvres nous procurent quand nous les regardons, les lisons ou les écoutons, voire quand nous créons.
Pourquoi ces sensations, parfois très fortes, au contact d'une œuvre ou lors d'un spectacle ? Qu'est-ce qui éveille soudain notre attention et qui résonne en nous ? Que se passe-t-il dans notre cerveau et dans notre corps ?
Nous voilà transportés dans des états seconds, méditations ou expériences spirituelles.
En décortiquant ces réactions, propres à chacun, il nous rappelle aussi que l'art est une invention. Il n'est pas universel et perçu de la même façon partout dans le monde.
Si les raisons qui poussent les artistes occidentaux à créer restent mystérieuses et multiples, ce que nous ressentons, en tant que regardeur ou spectateur, s'apparente parfois à de la magie.
Un essai passionnant, accessible et clair.

L'essence de l'art. Une investigation, éd. Thierry Marchaisse, 2023, 224 pages.