vendredi 24 juin 2016

Le noir, toute une histoire

Michel Pastoureau, historien et spécialiste de la symbolique des couleurs (entre autres), a déjà écrit plusieurs livres passionnants sur les couleurs.
Avec Pierre n'a plus peur du noir, il s'adresse aux enfants pour une découverte toute en nuances du noir. À travers l'histoire d'un petit garçon qui a peur du noir, il évoque les associations négatives liées à cette couleur — la peur de la nuit, de la mort ou du loup —, mais aussi ses aspects positifs et son utilisation par les peintres, dont Pierre Soulages.
L'ouvrage est également l'occasion d'aborder les autres couleurs et de réfléchir aux images que chacune d'elle éveille en nous. La page sur le bleu, notamment, donne envie de plonger dedans.
En effet, le texte est accompagné de magnifiques images de Laurence Le Chau réalisées à l'encre de Chine, aux encres de couleurs et à l'aquarelle. Cette illustratrice a déjà publié un ouvrage sur Soulages, anime des ateliers pour les enfants et propose d'originaux reportages dessinés*.
Tout est bien qui finit bien : finalement, la peur du noir de Pierre n'est plus qu'un mauvais souvenir dont il valait la peine de faire toute une jolie histoire.
De loin ils ont l'air tout noirs, mais, si on s'en approche, de la lumière semble jaillir de chaque tableau.
Éditions Privat, collection jeunesse, 2016, 27 x 21 cm, 32 pages.

* Voir le site de Laurence Le Chau : Croqueuse de mariage.

dimanche 5 juin 2016

Le laboratoire de l'art de Josipovici

C'est toujours un grand plaisir de retrouver Gabriel Josipovici*. Je gardais son dernier livre à portée de main depuis des semaines, attendant le bon moment pour m'y plonger — il faudrait écrire une chronique sur le plaisir rassurant de la pile de bons livres en attente.
Infini - l'histoire d'un moment se présente comme un entretien, à peine une conversation et pas tout à fait un monologue. En effet, celui qui pose les questions, et qui reste anonyme et mystérieux, sert essentiellement à marquer des pauses dans le récit, le relancer ou l'orienter, en fonction de ce que l'interviewé veut bien confier. Ce dernier, Massimo, est un ancien majordome qui a travaillé au service du musicien Tancredo Pavone, inspiré du compositeur contemporain Giacinto Scelsi (1905-1988). C'est donc ce troisième personnage, absent puisque décédé, qui est le sujet du roman. Artiste, auteur d'une œuvre poétique et musicale singulière, aristocrate sicilien, maniaque et excentrique : sa vie est un roman et méritait bien plus qu'une biographie.
Josipovici a donc opté pour un entretien, une forme originale pour mettre en scène le récit et prendre de la distance avec le personnage réel de Scelsi. Comme dans d'autres de ses romans*, il est question du processus de création artistique sans qu'il soit abordé de front. En effet, Massimo ne se place jamais en connaisseur, comme le ferait un biographe ou un narrateur évident et omnipotent. Observateur respectueux de M. Pavone, il rapporte avec une mémoire phénoménale les paroles exactes de son maître qu'il a directement recueillies, sans parfois les comprendre, avouant qu'il ne connaît rien à la musique.
Comme un chercheur dans son laboratoire sur l'art et le processus créatif, Josipovici décortique son sujet et expérimente des formes pour le rendre tout à fait accessible.
Le plaisir attendu était donc au rendez-vous, en attendant le prochain : Dans le jardin d'un hôtel**.

Quidam éditeur, 2016, 164 pages.

* Lire aussi mes chroniques sur :
- Tout passe ;
- Moo Pak ;
- Goldberg : Variations.

** La plupart des livres de Gabriel Josipovici traduits en français sont édités chez Quidam.