dimanche 29 avril 2018

Vive les sales gosses !

Franchement, au premier abord, la couverture de la Down with the kids (À bas les enfants) ne m'attirait pas. En inculte de la BD, je ne connaissais même pas Dav Guedin ni ses travaux antérieurs. Ça commençait mal.
Mais l'avant-propos commence bien :
Pourquoi faire un tel livre ? Parce que l'enfance peut être un moment magique dans la vie d'un être humain. Parce que les enfants sont magiques eux-mêmes, Déjà, ils m'ont réconcilié avec l'humanité ! J'ai commencé à travailler avec des gosses à seize ans, en pleine crise adolescente. Ça m'a fait un bien fou et je n'ai jamais complètement arrêté. J'ai toujours préféré les enfants aux adultes ou ceux qui prétendent l'être.
Et plus loin :
C'est ma première bande dessinée en couleur, à l'aquarelle qui plus est. Et ce sera sans doute aussi la dernière... Quelle galère ! Je voulais trancher avec mes publications plus trash en noir et blanc et me mesurer à la couleur. Le résultat est parfois inégal mais, au final, cela donne à l'ensemble un certain charme.
Il s'agit donc des confessions d'un animateur un peu foufou et très inventif.
La préface de Pierrick Starsky, rédac chef de feu la revue de bande dessinée Aaarg, donne envie de lire le livre et de mieux connaître l'auteur. Allons-y !
Et là, je souris et je ris, du début à la fin : c'est drôle, charmant, touchant. Beaucoup d'humour et autant d'amour.
Pourtant Dav Guedin ne se la raconte pas, ne se montre pas toujours sous son meilleur jour. Il est cash, voire trash avec les enfants — souvent de sales gosses qu'il arrive à mettre dans sa poche.
Finalement (on ne devrait jamais trop se fier à sa première impression sur la couverture), c'est vraiment une belle découverte. Je suis très agréablement surprise.

Éditions Rouquemoute, 2018, 19,4 x 28,6 cm, 104 pages couleur (aquarelle) avec un carnet de croquis.
Lire un extrait (dont l'avant-propos et la préface)

mercredi 25 avril 2018

La bataille du saumon

Taqawan, nom du saumon qui revient pour
la première fois dans sa rivière natale
et nom d'un personnage du roman.
Éric Plamondon est né à Québec et vit en France depuis une vingtaine d'années. Il a réussi avec Taqawan un roman puissant et touchant, brûlant d'actualité, sur fond social et historique.
Il met en lumière des événements méconnus — même par les Québécois — qui se sont déroulés en 1981 entre les forces de l'ordre et la communauté des Mi'gmaq, des Amérindiens ou autochtones du Québec. Ces derniers vivent notamment de la pêche du saumon dans une réserve et, pris entre querelles politiques, sont, encore aujourd'hui, totalement niés dans leur identité, leur culture et leurs droits.
C'est aussi l'histoire quelque peu occultée et remaniée des autochtones et des colons, c'est-à-dire des Français et des Anglais — dont les premiers n'auraient jamais survécu à l'hiver rigoureux sans l'aide de ceux qu'on appelait les Sauvages.
Un roman très prenant, impossible à lâcher, bien qu'assez violent puisqu'il y a des coups, du sang, des larmes, des arrestations, des humiliations, des viols... (des faits qui font écho à d'autres violences : plus de 1200 femmes autochtones assassinées ou portées disparues entre 1980 et 2012).
Heureusement, l'auteur nous ménage des pauses, en courts chapitres instructifs et passionnants, sur l'histoire des Mi'gmaq, leurs légendes et leur mode de vie, mais aussi sur les mystères du saumon ou sur l'étymologie des noms... Où l'on apprend des mots en langue mi'gmaq et d'autres qui ont un léger accent québécois : un maringouin est un moustique, un char est une voiture, un ski-doo est un motoneige...
Et des moments de pure poésie, comme celui où un garde forestier parle de l'hiver et des beautés de la nature à une Française :
Je suis né dans le froid. La glace et la neige sont dans mes veines. Il n'y a pas de ciel plus clair et d'air plus pur qu'au milieu de l'hiver. Il n'y a pas d'odeur plus parfumée que celle de la neige fraîchement tombée sur les branches des sapins. Il n'y a pas de silence plus parfait que celui d'une nuit étouffée sous les flocons d'un début de tempête. J'aime cette saison parce que les choses y sont claires. On sait exactement ce qui se passe dans les bois quand tout est blanc. La moindre forme de vie laisse une trace. Les branches sans feuilles permettent de voir clairement les corneilles en haut des cimes. Les rivières sont des routes pour s'enfoncer au plus profond de l'inconnu. On n'est pas emmêlé dans les broussailles, on file droit, en raquettes ou en ski-doo. C'est une sensation de fuite qui n'est possible que dans la neige. Ceux qui se plaignent du froid n'ont jamais passé une nuit dehors à moins quinze devant un feu de camp et sous la lune qui éclaire comme en plein jour.

Que dire de plus ? Mille choses encore, mais surtout qu'il faut lire Taqawan absolument.

Quidam éditeur, 2018, 208 pages.

Lire aussi mes chroniques sur :
- Aller aux fraises
- Oyana.

samedi 21 avril 2018

Pirates des Mascareignes

Un beau livre
avec de nombreuses illustrations.
Pirates de l'océan Indien, de Charles-Mézence Briseul et Emmanuel Mezino, est une passionnante anthologie historique et littéraire sur les pirates dans la région des Mascareignes, de la fin du XVIIe au début du XVIIIe siècle.
Ce recueil de textes administratifs, récits de voyages, fictions — de Daniel Defoe, Isidore Guët, Jules Hermann, Élie Pajot, Charles de La Roncière, Jean-Baptiste de Villers — dévoile notamment des pans méconnus de l'histoire et du patrimoine de La Réunion.
On entend davantage parler des pirates des Caraïbes, mais ces aventuriers corsaires, forbans ou flibustiers (des statuts quelque peu différents) se sont ensuite repliés vers Madagascar et l'île Bourbon (rebaptisée La Réunion).
Certains y ont été pendus, d'autres se sont installés là et ont fondé des familles. Leurs histoires, leurs modes de vie et leurs utopies sont fascinants.
Tout aussi fascinant : des pirates célèbres, bien réels ou plus légendaires, comme La Buse, ont probablement caché des trésors. On peut encore voir, sur différents sites de La Réunion, les traces de signes qu'ils auraient gravés, quand ils n'ont pas été vandalisés. En effet, ces butins attirent forcément des pilleurs peu scrupuleux.
Ils ont de tout temps fait rêver des chercheurs, comme Bibique ou le grand-père de Jean-Marie Gustave Le Clézio (lire Le Chercheur d'or et Voyage à Rodrigues).
D'autres passionnés encore, comme Emmanuel Mezino, président d'Âme de pirates (association pour l'étude et la mise en valeur du patrimoine lié à la piraterie à l'île de La Réunion et autres territoires exotiques) sont convaincus de l'existence du trésor enfoui mais surtout de l'importance de protéger ces vestiges, véritables trésors en soi.
L'aventure continue !

Éditions Feuille songe, 2017, 296 pages.

À suivre : une très intéressante conférence des auteurs, Charles-Mézence Briseul et Emmanuel Mezino :
- première partie ;
- deuxième partie.

En complément, explorer le catalogue des éditions du Corridor bleu dirigées par Charles-Mézence Briseul.

dimanche 15 avril 2018

La fascination du Tibet

C'est peu dire que le Tibet fascine, qu'il n'est "pas tant une région qu'un itinéraire intérieur, un trésor enfoui en chacun de nous".
En leurs temps, des explorateurs ont bravé l'interdiction d'entrer dans la cité interdite de Lhassa, comme Alexandra David-Néel en se faisant passer pour une mendiante, quand d'autres n'ont pas réussi. Même Hergé avec son Tintin au Tibet a participé au mythe, sans parler de la figure de l'actuel dalaï-lama.
Voilà où nous emmènent Christian Garcin et Éric Faye, compagnons de route et d'écriture : Dans les pas d'Alexandra David-Néel, du Tibet au Yunnan.
Dans ce très bel hommage, on voyage avec eux et avec elle. Ils racontent les différences, les similitudes, le Tibet et la Chine actuels et ceux de l'extraordinaire femme de lettres et exploratrice, un siècle auparavant. Leurs périples se superposent, s'entrelacent, se croisent, dans le temps, sur la carte et dans le récit. Ils commentent et nous font revivre ses aventures à elle, dans des conditions si éprouvantes. Elle est présente avec eux et nous faisons un peu partie aussi du voyage, littéraire.
Ils partagent leurs exaltations devant certains paysages :
Les étendues de plateaux traversées tournaient à la steppe mongole et les chaînes brutales, blanches, comme neuves, laissaient parfois tomber d'un épaulement un glacier vertigineux, comme une écharpe en hermine : le Tibet sortait le grand jeu. Toutes les dix minutes, nous demandions à faire halte quelques minutes, le temps d'une énième photo. Nos appareils photo n'en pouvaient plus.
Des splendeurs photographiées qu'on regrette de ne pouvoir admirer en grand format et en couleurs : chaque chapitre commence et s'achève par une de leurs prises de vue en noir et blanc. Ce qui donne déjà une petite idée.
Mais ils se désolent aussi en traversant des lieux entièrement refabriqués pour le tourisme de masse ou envahis par les plastiques et les détritus.
Passionnants voyages dans les pas d'Alexandra David-Néel, puis dans les pas d'Éric Faye et de Christian Garcin.

Éditions Stock, 2018, 320 pages. 

D'autres chroniques sur les livres de Christian Garcin dans ce blog :
- Les oiseaux morts de l'Amérique
- Les vies multiples de Jeremiah Reynolds
- Jeremiah & Jeremiah
- Selon Vincent et un entretien sur Selon Vincent, entre autres
- Vétilles
- J'ai grandi
- Labyrinthes et Cie, La jubilation des hasards et Carnet japonais
- La neige gelée ne permettait que de tout petits pas
- Sortilège 
- Des femmes disparaissent
- Les nuits de Vladivostok
- Romans pour la jeunesse

Sur les livres d'Éric Faye :
- Malgré Fukushima - Journal japonais
- Nagasaki

samedi 14 avril 2018

Louanges de l'hiver

À lire en toute saison, si possible dehors.
Dans Une promenade en hiver, Henry D. Thoreau veut redonner ses lettres de noblesse à l'hiver, à la neige et au givre dans les campagnes, mais aussi aux hommes modestes, comme le bûcheron et le pêcheur qui ont toute leur place dans la nature.
Cet essai très court nous invite à une promenade contemplative, à une réflexion sur le soi-disant endormissement de la nature en hiver, à une expérience sur notre rapport au monde, à la nature et à l'ordinaire, à des souvenirs jubilatoires de neige immaculée qui crisse sous la semelle dans une nature silencieuse...
Si Thoreau est à la recherche du divin qui se cache dans la nature, il est également engagé dans une quête poétique pour décrire ses observations et ses émotions, jetant ainsi un pont entre nature et culture.
Une introduction et des commentaires de Michel Granger permettent de replacer cette œuvre dans son contexte.
Autant de choses en un si petit livre dont le plaisir est décuplé s'il est lu en immersion dans la nature.
Je me hâte fébrilement vers la vallée,
Comme si je venais d'apprendre une belle nouvelle :
La nature offre un splendide festival
Qu'il ne faudrait surtout pas manquer.
Éditions Le mot et le reste, introductions et postfaces de Michel Granger, 2018, 80 pages, 11 x 17,6 cm.

Lire aussi mes chroniques sur :
- Marcher et Teintes d'automne. ;
- Vivre une vie philosophique - Thoreau le sauvage de Michel Onfray ;
- La Nature de Ralph Waldo Emerson.

vendredi 13 avril 2018

Un certain art de vivre à Berlin


J'avais adoré La Halle (lire ma chronique) et le second roman de Julien Syrac, Berlin on/off, est tout aussi réussi !
Dans un autre registre, on retrouve son humour cru et grinçant, sa critique revendicative mais aussi sa sensibilité. Après avoir taillé en pièces un petit patron dans La Halle, cette fois-ci il s'attaque au monde de l'art.
Berlin on/off est un triptyque de trois monologues d'un apprenti artiste français dans le milieu artistique berlinois.
Dans la première histoire, le narrateur prend son mal en patience à l'aéroport en attendant une poétesse israélienne qui tarde à arriver. Il est accompagnateur de poètes pour un festival de poésie dont le directeur, entre autres, en prend pour son grade.
Dans la deuxième histoire, il pose nu dans un cours de dessin et se retrouve dans une situation aussi comique que gênante en apercevant sa colocataire à qui il a emprunté sans le lui dire le châle qui lui sert de cache-sexe.
La troisième histoire commence très violemment avec son maître sculpteur qui le menace avec un marteau !
Peut-être que le Pr Steinberger ne sait tout simplement pas dessiner. Peut-être que comme moi avec mon CV de modèle aux Beaux-Arts de Paris, le Pr Steinberger a falsifié le sien de peintre diplômé de la Kunsthochschule de Berlin. Peut-être que le Pr Steinberger était facteur ou chauffeur-livreur sous la RDA et qu'après la chute du Mur, il a profité de la confusion pour se lancer dans la compétition capitaliste comme professeur d'art. Peut-être que comme tous les modèles de nu, tous les professeurs d'art sont des imposteurs. Peut-être que l'art tout entier est une vaste imposture. Peut-être que le monde en général est une immense imposture, peut-être que tous les diplômes, les discours et les sourires sont faux.
Une verve ironique, drôle et savoureuse.

Quidam éditeur, 2018, 142 pages.

mardi 10 avril 2018

Mission inconnue

Rue Prume. Passe une voiture. Personne dedans. Et sans doute le dysfonctionnement est-il aussitôt signalé, car un peu moins de cinq minutes plus tard, de nouveau passe une voiture, la même et avec un conducteur cette fois-ci. 
Il y a des missions impossibles parce qu'inconnues : dans Clonck et ses dysfonctionnements de Pierre Barrault, deux personnages aux noms étranges, Aughrim et Podostrog (et s'il n'y avait que les prénoms qui soient étranges dans cette histoire !), sont en quête de... on ne sait pas trop quoi au juste, et eux non plus d'ailleurs, entre autres d'un personnage nommé Perstorp.
Clonck est une ville à géométrie variable.
Et Clonck sonne comme une anomalie, un bug informatique (l'écrire bogue semble encore plus bizarre). Il peut y arriver tout et contraire, parfois les deux à la fois, parfois alternativement. Il suffit alors de recommencer pour que tout s'arrange, par magie. Ou pas.
Mais peu importe si Clonck est une ville où ça dysfonctionne à tous les coins de rues : l'univers de Pierre Barrault est aussi surréaliste que poétique, plein de surprises et d'humour.
Merci pour ce voyage fantastique à Clonck !

Le tout est joliment illustré par Claire Morel.
Et toujours, chez Louise Bottu, cette élégance des beaux livres, au beau papier vergé des couvertures et à la typographie chic.

Éditions Louise Bottu, 2018, 174 pages.
Le blog de Pierre Barrault.

lundi 9 avril 2018

L'écrivain qui en savait trop

L'histoire de La Confession, de John Herdman, est celle d'un écrivain qui accepte d'écrire l'autobiographie d'un certain Torquil Tod.
Dès les premières pages on comprend que, nécessité faisant loi, il s'est laissé entraîner sur une voie dangereuse, il en sait trop et la fameuse confession le lie inexorablement à son commanditaire.
Le suspense est installé. Très vite, l'intrigue plonge dans le paranormal, la névrose, la paranoïa et la manipulation, dans un magistral et subtil jeu de dédoublements et de tiroirs.
Qui est le mystérieux Tod ? Pourquoi vouloir confier et écrire ses souvenirs encombrants ? Et surtout pourquoi à un écrivain ?
Le titre original, Ghostwriting — quand un livre est écrit par quelqu'un d'autre —, fait référence à une écriture fantôme et donne une idée de l'aspect fantastique du roman.
Justement, La Confession ensorcelle prodigieusement : un diabolique roman, impossible à lâcher.
En attendant de découvrir le prochain roman de John Herdman, Le cabaret sinistre, à paraître également chez Quidam, lisez Imelda, déjà paru en 2006.

Quidam éditeur, traduit de l'anglais (Écosse) par Maïca Sanconie, postface de Jean Berton, 2018, 192 pages.

dimanche 8 avril 2018

Failles profondes

Gourmande, premier roman d'Isabelle Kichenin, est actuel à tous points de vue. Actuel dans sa forme, actuel par son sujet. Dans un style simple et enlevé, elle aborde les sujets les plus courants de la vie comme les plus difficiles : pédophilie, inceste, avortement, abandon...
L'histoire se passe à La Réunion où vit l'autrice*.
Les trois principaux personnages — Mathilde, Damien et Marie — ont pour point commun de profondes failles d'enfance qu'ils colmatent tant bien que mal dans une gourmandise de la vie. Or, le passé, à fleur de peau, finit toujours par se manifester...
Mathilde enquête sur les énigmes de sa famille, d'autant qu'elle traîne ses propres fardeaux. Elle croit trouver une solution radicale pour stopper la spirale des répétitions de la tragédie familiale.
Malgré tout, son destin aura des conséquences sur ceux de son entourage : son compagnon, Damien, qui tentera de réparer à sa manière, et son amie Marie dont la volte-face est pour le moins inattendue.
Autant de trajectoires surprenantes et paradoxales qui laissent dans un état de stupeur et de questionnement sur les capacités de chacun à se délester, ou pas, d'un passé trop lourd.
Quant au fils de Mathilde, on se demande ce qu'il fera de cet héritage... Peut-être un prochain roman d'Isabelle Kichenin ? On l'espère !

Éditions Orphie, 2017, 136 pages.
* Le blog d'Isabelle Kichenin

dimanche 1 avril 2018

Science-fiction à très court terme

Meurtres, en toute intelligence, de Jacques Attali, est un roman policier de science-fiction à court terme, c'est-à-dire qu'il se passe en octobre 2018 et nous interpelle sur les dangers possibles, dans un avenir proche, de l'intelligence artificielle, des drones et de leur utilisation à des fins destructrices.
On ne présente plus Jacques Attali : ancien conseiller de Mitterrand, éditorialiste, fondateur d'institutions internationales, dont Action contre la faim et Positive Planet.
S'il s'agit d'un roman, on en apprend tellement sur ces questions d'intelligence artificielles associées aux stratégies commerciales, financières, géopolitiques et terroristes, qu'il s'agit presque d'un essai !
Autant dire que cela fait froid dans le dos...
De quoi s'agit-il ? Au départ, du mystérieux meurtre d'un homme d'affaires américain dans un palace parisien. Comme dans Le Crime de l'Orient-Express d'Agatha Christie, plusieurs suspects ont de bonnes raisons d'avoir commandité le crime.
Soit dit en passant, les références littéraires sont nombreuses, du Seigneur des anneaux aux écrits de Thoreau, Emerson, Whitman... Les références aux séries policières foisonnent également : elles en apprendraient davantage sur la criminologie que l'école de police...
Mais ce n'est pas tout : cet assassinat serait lié à l'attentat le plus meurtrier de l'histoire.
Or, la talentueuse commissaire Fatima Hadj — magnifique personnage féminin — est aussi courageuse qu'intelligente.
Dans une mise en abîme pour le moins malicieuse, Jacques Attali se permet de raccrocher encore davantage le lecteur de sa fiction à la réalité :
Un journaliste anglais en poste à Paris rappelle qu'un roman, publié quelques mois plus tôt en France, a raconté exactement cet attentat, au même endroit, avec le nom exact des bateaux concernés et le mode opératoire. À l'époque, on n'y avait pas fait attention plus que de mesure. Mais, aujourd'hui, ce n'est plus la même chose : comment l'auteur a-t-il pu être au courant ? Est-il suspect ? Ou seulement plus imaginatif que les policiers aveuglés par leur routine ? Faut-il, comme le font les Américains avec les scénaristes de Hollywood, associer des écrivains à la prévention antiterroriste ? L'auteur, en tout cas, n'est plus à Paris ; sans doute même plus en France.
De plus, un personnage du livre existe réellement et apparaît sous son vrai nom, Stuart Russell. Professeur de l'université de Berkeley, il est spécialiste de l'intelligence artificielle.
Alors, la domination des machines sur l'homme et la démocratie, c'est pour demain ?

Éditions Fayard, 2018, 336 pages.