jeudi 28 mai 2020

Blague à part, d'excellentes nouvelles de Grèce

Blague, le recueil de nouvelles de Yànnis Palavos commence fort avec la mini-nouvelle, ou micro-fiction, Password : si c'est une blague, c'est de l'humour noir et glacé d'indifférence. Excellente.
Dans la deuxième nouvelle, Des vieux, un autre personnage, tout aussi indifférent à la souffrance d'autrui (sa grand-mère en l'occurrence) et léthargique, a un choc et paf ! bascule dans un monde inattendu, contraire, plein de grâce et de complicité.
Autour de nous la neige tombait paisiblement, comme si l'on retournait une boule de verre pleine d'eau et de flocons blancs. La nuit tombait.
Inversement, comme dans la nouvelle Dans la forêt, on passe d'une attendrissante histoire de chien fou-fou à la folie effrayante.
Voilà d'excellentes nouvelles venues de Grèce.

Quidam éditeur, 2020, 116 pages.

mardi 12 mai 2020

Julie Legrand écrit avec le chant des oiseaux

C'est au tour de Julie Legrand, autrice et éditrice, de répondre à mes questions. Elle écrit des romans, des novellas, des pièces de théâtre, des histoires pour enfants, des nouvelles... dont certaines sont publiées dans Kanyar. Elle nous parle d'écriture, d'inspiration, de lectures...

Julie Legrand : "J'aime particulièrement
la littérature américaine".

Depuis quand écris-tu en général, et des nouvelles en particulier? 
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours écrit : dans un carnet à secrets en CP, où je consignais des anecdotes d’école. Des poèmes pour mon grand-père, à 9 ans. Un journal intime, après avoir lu le journal d’Anne Franck à douze ans. Je me souviens avoir éprouvé très tôt des difficultés à sortir de la forme intime. Mes lectures initiaient une envie d’écrire très forte, doublée d’une impuissance à atteindre mes modèles. À douze ans, j’ai rédigé un début de roman de science-fiction inspiré par Dune de Frank Herbert sans réussir à dépasser le premier chapitre. Au lycée, j’aimais les surréalistes, les cadavre-exquis, l’écriture automatique. J’ai été une diariste compulsive entre vingt et trente ans, période au cours de laquelle j’avais décidé que, à défaut de pouvoir écrire de la fiction (par manque d’idées ou de sujet, croyais-je — en réalité, j’avais surtout peur de me lancer), je devais m’imposer une rigueur d’écriture dans laquelle je serai la plus précise possible ; une sorte de pacte d’honnêteté passé avec moi-même-là, duquel naitrait forcément quelque chose. Formée au métier de comédienne, j’ai ensuite écrit des scripts de court-métrages, des formes dialoguées, des monologues. Un stage de commedia dell Arte m’a permis de me familiariser avec la dramaturgie en construisant le canevas d’un spectacle en quelques heures à partir d’improvisations. J’ai ensuite rédigé des critiques de films, proposé (sans succès) des piges sur des sujets variés, et même créée l’épisode d’une sitcom Puis, progressivement, la forme s’est étoffée, la fiction s’est imposée et après avoir écrit deux romans (plutôt brefs), j’ai privilégié la nouvelle, forme qui me permet de mettre en scène toutes les idées et fulgurances qui me traversent.

Tu écris dans Kanyar depuis quelques numéros : comment as-tu rencontré André ?
J’ai connu André par le biais de l’appel à textes publié sur le site de la revue Kanyar où j’ai envoyé par mail ma nouvelle, La petite communion. Il m’a ensuite contactée pour m’annoncer que mon texte était sélectionné. Quelques semaines plus tard, j’ai assisté à la soirée de lancement de Kanyar 3, au café Édouard, à Saint-Denis de La Réunion où je l’ai rencontré avec une partie de la troupe du théâtre Vollard !

Dans quelles autres revues écris-tu ?
 

La première revue dans laquelle j’ai écrit était La Gazette de la lucarne, revue de la librairie parisienne La lucarne de l’écrivain. J’ai ensuite collaboré avec des revues d’éditeurs : Éclat d’encres (éditions Chèvre-feuille étoilée) ou Festival permanent des mots (éditions Tarmac) et plusieurs recueils collectifs initiés par les éditions Jacques Flament.

Quelles autres formes (romans, poèmes, chansons, blog…) ?
J’ai publié deux romans : l’Extinction, chez La P’tite Hélène éditions, et Constellation du corbeau qui paraitra fin avril chez Zonaires éditions. J’ai animé quelque temps le blog La lézarde et le pianocktail, un « gîte de couvert littéraire » inspiré par l’Oulipo. Je m’essaye de temps à temps à la poésie. Et j’ai écrit plusieurs spectacles jeunesse pour une compagnie de théâtre montée par une amie comédienne. Forme qui m’a amenée à développer des projets pour la jeunesse. 

Pourquoi as-tu créé une maison d’édition ? Quelle est sa ligne éditoriale ? 
J’ai créé Alice au Pays des Virgules, après avoir démarché un conte inspiré des mythes du Mahabharata, l’épopée indienne, illustré par ma mère, Nicole Legrand. Suite aux retours encourageants que je recevais ; mais le projet tardant à voir le jour, j’ai décidé de me lancer et créer ma propre structure, ce qui a permis de développer de nouveaux projets en lançant deux collections : Les petits hublots (albums illustrés) et Pierre-feuille-ciseaux (cahiers d’activités) sur le thème de la faune et la flore réunionnaise. En parallèle des éditions, je propose des ateliers créatifs dans le milieu périscolaire.
 
En tant que lectrice, quel genre de littérature préfères-tu ? Quels auteurs/autrices ont pu t’influencer ?  
J’aime particulièrement la littérature américaine. Á vingt ans, j’ai beaucoup apprécié Paul Auster, Siri Hudsvedt, Jim Harrison, John Irving, ou Nancy Huston. J’ai eu un choc esthétique avec Toni Morrison dont l’audace formelle, en plus de la force des sujets, m’a obsédée. Beloved reste un livre de chevet avec ses fulgurances poétiques, l’usage des slash ou de nuée de mots surgissant inopinément dans le récit. Joyce Carol Oates, aussi, m’a impressionnée par son écriture foisonnante et la liberté avec laquelle elle s’empare des sujets de société ou de faits divers. Aujourd’hui j’aime Lionel Shriver ou Chuck Palahniuk pour leur regard incisif et sans concession sur le monde moderne. Laura Kassiscke pour sa poésie vénéneuse. Dans le désordre, j’ai aussi aimé Duras, Racine, Césaire, Tchekhov ou Marie Ndiaye… Et Bilal, Bourgeon, Comès, ou Yslaire pour l’univers BD.
 
Avec le recul, as-tu des sujets de prédilection ? Je veux dire : as-tu remarqué des sujets de prédilection qui se dégagent et dont tu n’avais pas forcément conscience avant ?

Le rapport à l’art est un thème récurrent. Les rapports familiaux, amicaux et la maternité, en sont d’autres. 

D’où te vient l’inspiration ?
De situations vécues ou plus simplement de l’observation de la vie autour de moi et tous ces personnages inspirants qui l’animent !
 
Comment écris-tu (rituels, lieux, horaires, façons de faire…) ? 
Je suis matinale. J’aime l’énergie et la lumière du matin, surtout à La Réunion où le soleil est omniprésent jusqu’en début de journée. J’écris sur mon ordinateur, au milieu du salon avec le chant des oiseaux pour seule compagnie… et c’est délicieux !

Lire aussi les chroniques sur :
- La fleur que tu m'avais jetée
- Bons baisers de l'île. Tableaux-souvenirs de l'île de la Réunion
- L'extinction 
- Petites morsures animales
 

lundi 11 mai 2020

À pied, pour se déconnecter

La journaliste hyperconnectée, Laurence Bril, a pris conscience de son addiction à internet et aux réseaux sociaux et a décidé d'aller marcher.
Elle raconte, dans Passage piéton. Récit d'une détox numérique par la marche, son cheminement à pas comptés, kilomètre après kilomètre, une façon de prendre de la distance avec le numérique, de revenir à soi, au rythme du monde, de la nature, de l'instant présent. 
Une manière de voir les choses de ses propres yeux, au grand air, et non à travers un écran avec ses diktats de likes et de followers.
Elle suit la voie des grands marcheurs, David Breton, Sylvain TEsson... et entame une désintoxication sur une année.
Peu à peu, elle découvre de nouvelles sensations. Elle se métamorphose physiquement et psychologiquement.
Flâneries, balades, randonnées, courses, excursions, trails... Elle progresse. Les temps et les distances s'allongent. 
Après 3 600 km parcourus, elle revient lentement mais sûrement au numérique.
Un itinéraire à suivre pour modérer ses connexions.

Éditions Rue de l'échiquier, 2020, 136 pages. 
 

Chronique que j'ai rédigée initialement pour le magazine Sans transition ! et parue dans le numéro 23 de mai 2019, légèrement modifiée pour ce blog.
Pour cause de confinement, le magazine complet est en lecture libre. Enjoy !
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