vendredi 18 juin 2021

Miscellanées de Christian Garcin

À la manière des Notes de chevet de Sei Shonagon, ou tout simplement de son Vétilles (éditions L'Escampette, 2015), Petits oiseaux, grands arbres creux est un recueil de miscellanées de Christian Garcin.
C'est une île de plus à l'archipel de son œuvre, ou l'extension du réseau souterrain entre ses autres livres, plus personnel.
De ces extraits de carnets de notes, l'écrivain trop discret (qui gagnerait à être connu et reconnu au-delà du petit cercle de happy few qui l'apprécient) se dévoile subtilement, par petites touches, en une phrase ou deux pages.
Notes d'humeur, d'humour, anecdotes douces-amères, aveux, impressions fugaces ou tenaces, souvenirs d'enfance ou de voyage, extraits de lectures, choses entendues, vues ou non vues, réflexions piquantes, politiques ou philosophiques, instants magiques, coïncidences, petits bonheurs et grands malaises, poésie du quotidien, de la nature...
On passe ainsi de l'araignée au blaireau en passant par la grive et le pic mar, de Proust à Balzac en passant par Claude Sautet, de la Patagonie au Japon en passant par l'Inde, de surprise en surprise.
J'ai coché tellement de paragraphes qui me touchent que je ne sais lequel citer, sachant qu'aucun ne sera représentatif dans cet ensemble hétéroclite.

— Et finalement, tu as été heureux ?
Il réfléchit.
— Tu sais, nous, à l'époque, le bonheur, on savait pas ce que c'était. Alors, forcément, on n'était pas malheureux.

Et c'est toujours un bonheur de lecture.

Éditions Finitude, 2021, 176 pages.

D'autres chroniques sur ses nombreux ouvrages :

- Entretien avec Christian Garcin
-
Selon Vincent
- Les oiseaux morts de l'Amérique
- Dans les pas d'Alexandra David-Néel

- Les vies multiples de Jeremiah Reynolds
- Jeremiah & Jeremiah
- Vétilles
- J'ai grandi
- Labyrinthes et Cie, La jubilation des hasards et Carnet japonais
- La neige gelée ne permettait que de tout petits pas
- Sortilège 
- Des femmes disparaissent
- Les nuits de Vladivostok
- Romans pour la jeunesse

mercredi 16 juin 2021

Dix femmes d'esprit

La journaliste Nathalie Calmé s'est entretenu avec dix femmes exceptionnelles, passionnantes et inspirantes. Elle les a parfois rencontrées plusieurs fois sur plusieurs années.
Ce recueil, Aventurières de l'esprit, dix femmes remarquables, a été écrit pendant le confinement et, en fin d'entretien, il est demandé à chacune quel message elle souhaite transmettre au regard de l'année 2020.
Elles ont toutes des parcours hors du commun, étonnants, et sont souvent engagées pour des causes et aussi dans la spiritualité : la navigatrice et romancière Isabelle Autissier et son rapport à la solitude ; la voyageuse Amandine Roche engagée dans des missions humanitaires ; la pianiste coréenne H. J. Lim ; sœur Chân Không bouddhiste zen vietnamienne ; Byron Katie qui a inventé la méthode d'introspection du Travail ; sœur catherine ermite (elle tient à son nom en minuscules) et son expérience extrême de vie solitaire mais encadrée par son église ; la directrice d'orchestre Claire Gibault ; Dominique Loreau qui est installée au Japon et prône l'art de la simplicité ; la pasteure Lytta Basset et enfin la théologienne Annick de Souzenelle

Un recueil très habité, que l'on a envie de garder en livre de chevet.

Éditions du Relié, 2021, 240 pages.

dimanche 13 juin 2021

Un roman très singulier

Métastase ou le caillou rigolo, le titre de ce roman singulier de Jacques Fulgence n'attire pas forcément : il intrigue. Et il annonce le topo. Certes, il sera question de troubles (amoureux parfois) et de névroses, mais aussi d'auto-dérision, d'inventivité et de poésie.
Et cela commence fort avec un poème placé en exergue :

À que te chue l'argaille du vérol,
Si ton bilic s'enfloche d'estiercol ?
Zupe ! zupe le klour nyfule !
Foin de pithor dans nos anchules !

Lucien Boisvert
Les Sonatiques

Ne cherchez pas le poète qui invente ce langage exalté : Lucien Boisvert est le personnage principal du roman. Cet hypocondriaque a la particularité d'écrire un grand poème sur des maladies, histoire de les conjurer. À part cela, il mène une vie de vieux garçon sans histoires, avec ses manies, ses habitudes et sa chienne, qui porte le nom étrange de Métastase.
Jusqu'au jour où il rencontre Laure la bien nommée, elle qui est doreuse, solaire et éclatante de gaieté.
L'imprévu est au coin de la rue, ce qui déstabilise quelque peu notre poète. Malgré des résistances, la lumière semble enfin éclairer son quotidien. 

Elle le pousse à sortir de sa coquille. Si on se voyait ce soir à neuf heures et demie ? Ce soir, ah ! Attendez, je regarde si je n'ai pas... Il fait semblant de chercher, mais il sait bien qu'il n'a pas. La seule chose qu'il ait, c'est l'envie de bousculer le temps à coups de poing pour qu'il soit plus vite neuf heures et demie.


Elle réussit à l'emmener en voyage, lui qui ne quitte jamais Paris.
Et, dans ce roman subtil, étonnant et totalement original, Jacques Fulgence réussit à nous entraîner, de surprise en surprise, où l'on ne s'y attend pas.

Auto-édition, 2016, 192 pages, disponible directement chez l'auteur
(04 90 66 33 73).

Lire aussi la chronique sur L'écrevisse à cheval, un recueil de nouvelles de l'auteur.