jeudi 21 février 2013

Si loin du Japon

Julie Otsuka, Américaine d'origine japonaise, s'inspire de la vie de ses ancêtres qui ont immigré aux États-Unis au début du XXe siècle, pour son roman Certaines n'avaient jamais vu la mer. Elle raconte le point de vue de ces nombreuses femmes — la plupart de très jeunes filles — qui ont embarqué sur un bateau, du Japon vers San Francisco, après s'être mariées à distance et avoir choisi sur photo leur futur mari. Ces Japonais qui avaient déjà immigré là-bas ont beaucoup menti pour attirer ces jeunes femmes : si elles avaient su ce qui les attendait, elles n'y seraient surtout pas allées.
Une fois là-bas, piégées, impossible de retourner au Japon.
Julie Otsuka raconte leur traversée en bateau, leurs déconvenues à l'arrivée, leur première nuit, leurs rapports (ou choc) avec les Blancs, comment elles n'ont eu d'autre choix que trimer, les naissances des enfants, leur croissance, puis comment les Japonais ont été considérés comme traitres pendant la guerre, les derniers jours avant leur déportation, puis leur disparition, causant un vide fantomatique dans des quartiers entiers...
Le récit poignant est une succession de différents points de vue pour rendre compte des multiples destins de cette communauté. Un style envoûtant qui lui a valu de nombreux prix — très mérités — dans le monde, dont le Femina étranger 2012. 

Éditions Phébus, 2012, 144 pages.

lundi 18 février 2013

En Lacan j'ai des lacunes

Voilà un titre prometteur qui réjouit : enfin ! je vais Comprendre Lacan ! C'est Hervé Castanet, professeur des université et psychanalyste, qui s'y colle, après avoir déjà débroussaillé le terrain avec Comprendre Freud.
Ce court essai graphique (c'est le principe de la collection des éditions Max Milo qui inclut des illustrations, ici de Yves Rouvière) se fixe pour objectif de résumer ce que Lacan a apporté à la psychanalyse et à l'œuvre de Freud, en abordant ses grands concepts comme le miroir, l'Autre (avec une majuscule), le sujet, le Nom-du-Père, l'angoisse, le réel, le corps, la lalangue (en un seul mot), etc.
Comprendre Lacan est un objectif difficile à atteindre, mais ce petit livre ouvre des portes et permet d'aller plus loin dans ces concepts avec une bibliographie appropriée. Une excellente entrée en matière !  

Éditions Max Milo, 2013, 144 pages.

jeudi 14 février 2013

Un nostalgique à New York

L'énorme album Sempé à New York rassemble des couvertures et des dessins de Jean-Jacques Sempé publiés dans le New Yorker, la revue littéraire américaine également célèbre pour ses illustrations. Il en rêvait depuis l'adolescence, quand Chaval lui avait conseillé de jeter un coup d'œil aux dessins du New Yorker. Et un jour de 1978, le rêve devient réalité : il collabore à la revue mythique. L'aventure est racontée dans un entretien avec Marc Lecarpentier, ancien directeur de la rédaction de Télérama, ainsi que sa vision poétique de la ville gigantesque.
Sempé écrit des histoires, souvent sans texte. Comme on peut méditer sur une estampe de Hiroshige, on peut explorer ses dessins pendant des heures, se fondre dans la mélancolie de ses personnages, ses animaux, ses jardins... et du temps qui passe, comme le bonheur, fugace, que l'on n'arrive jamais à retenir.

Éditions Denoël, 2009, 320 pages. 

La première couverture dessinée par Sempé pour The New Yorker, en 1978.
Le site du New Yorker.

vendredi 1 février 2013

Lecture inachevée d'un roman inachevé

J'avoue : je suis déçue. J'étais ravie de lire un "nouveau" Kawabata, un de mes auteurs japonais favoris, mais je n'ai pas accroché. Je n'ai donc pas achevé ma lecture de ce roman inachevé : Les Pissenlits.
À quoi bon en parler, alors ? Pour le plaisir de s'interroger. D'abord, sur le fait de ne pas finir un livre : parfois, on se force un peu pour aller au bout, même si la lecture n'est pas aussi captivante qu'on le voudrait. N'est-ce pas aussi un manque de disponibilité d'esprit ? Une lecture va nous fasciner selon notre état d'âme à un moment donné et beaucoup moins à un autre.
Ensuite, pourquoi publie-t-on des romans posthumes inachevés ? L'éditeur est sûr de vendre aux fans. Un inédit d'un auteur mort (en l'occurrence, Kawabata a quitté ce monde en 1972), c'est intrigant : parfois on trouve des pépites (dans les tiroirs de Carver, par exemple). Publier un brouillon ou une autre version peut parfois se révéler intéressant. Pour qui aime Proust, ses brouillons publiés dans la Pléiade sont admirables. Mais parfois, on peut se demander si le texte inachevé n'aurait pas mérité une réécriture et si l'auteur aurait accepté sa publication, telle que, de son vivant. Donc, je suis persuadée que cet immense écrivain — de la nostalgie, de la contemplation et de l'érotisme — ne m'en voudra pas de ne pas avoir persévérer dans ma lecture.

Éditions Albin Michel, 2012, 264 pages. 
C'était surtout l'occasion d'évoquer Kawabata, Prix Nobel de littérature en 1968, et de citer deux de mes romans préférés : Pays de neige et Les belles endormies...