samedi 27 février 2016

Être une femme libre

Catherine Bensaid, psychiatre et psychanalyste, est une femme qui sait parler aux femmes, avec bienveillance et simplicité.
Dans son dernier livre, Libre d'être femme, à travers sa propre histoire, des paroles entendues en consultation et des écrits littéraires, elle analyse et nous aide à mieux comprendre les liens, les épreuves et les choix possibles (ou impossibles) à chaque étape de la vie : naissance, puberté, unions, maternité, avortements...
On parle beaucoup de libération des femmes, mais à quel point est-on vraiment libre ? Et que signifie cette liberté, en tant que filles et en tant que femmes, entre nos propres désirs et ce que l'on attend de nous ?
"Nous évoluons vers plus de liberté quand nous prenons conscience des conditionnements que nous subissons, empreintes familiales, contraintes sociales, image archétypale du féminin, profonde et archaïque, qui pèse sur la femme depuis la nuit des temps."
Le sommaire pourrait être un hymne à la liberté : 
Libre de naître fille
Libre de ses besoins de bébé
Libre de ses peurs d’enfant
Libre de ses rêves de petite fille
Libre de ses révoltes d’adolescente
Libre de n’être pas sa mère
Libre de son amour pour son père
Libre d’être belle
Libre de son plaisir
Libre d’être mère
Libre d’aimer
Libre de son désir.

"Être libre, c’est être capable d’inventer une existence qui nous ressemble."
Éditions L'iconoclaste, 2016, 270 pages. 

vendredi 19 février 2016

Le dictionnaire qui manquait !

Voilà un brillant ouvrage qui manquait : le Dictionnaire des mots manquants.
Dirigé par Belinda Cannone et Christian Doumet, au total quarante-quatre écrivains — d'Élisabeth Barillé à Julie Wolkenstein — se sont prêtés au jeu de cerner le mot qui leur manque pour désigner une situation, une idée, un sentiment... Chacun d'eux a relevé le défi en répondant de façon totalement libre et personnelle, selon son style, sa poétique, sa forme particulière. Cela donne un tout d'une grande richesse, une véritable œuvre collective littéraire, très agréable à lire. Et l'occasion, au passage, de découvrir des écrivains qui manquent à nos lectures et qui donnent envie d'explorer davantage leurs œuvres.
Les mots en questions manquent toujours car l'objectif du dictionnaire n'est pas de créer des néologismes mais de décrire des territoires de sens de la langue française. Et ce qui ne manque pas, en revanche, ce sont les mots pour le dire. Bien sûr, la liste n'est pas exhaustive.
Pour citer quelques exemples, un mot manquant a inspiré plusieurs écrivains : cette notion qui exprimerait un sentiment entre amour et amitié, notamment quand on a aimé quelqu'un d'amour et qu'on l'aime ensuite d'amitié (tous les ex ne se transformant pas en monstres).
Et en parlant d'amour, Claire Tencin pointe cette appellation manquante qui pourrait désigner ce "compagnon-petit-ami-chéri" qui n'est ni un ami, ni un mari et ne se réduit pas à un amant. Aucune proposition n'est satisfaisante.
Sans parler des mots qui n'ont pas de féminin, ce qui est tellement injuste ou parlant, justement, en termes d'influence sur la langue des rapports hommes-femmes. Véronique Ovaldé se penche sur les mots en -eur censés avoir leur féminin en -ice. Et ce fameux auteur qui donnerait auteure. Personnellement, je lui préfère autrice qui sonne un peu faux, mais qui remet les pendules de l'Académie française à l'heure : elle aurait sciemment écarté la version féminine du mot, arguant du fait qu'une femme ne pourrait pas être un auteur. Alors je crie à l'imposteur ! d'autant que le féminin d'imposteur n'existe pas non plus.
Ce dictionnaire est un pur régal pour qui aime les mots car, comme l'écrit Renaud Ego : "Il y a une joie enfantine à découvrir le nom juste des choses". Il y a surtout un plaisir sans fin à lire le talent de ces écrivains pour dessiner les contours de ces mots absents.

Éditions Thierry Marchaisse, 2016, 216 pages.

mercredi 17 février 2016

Que se passe-t-il dans le passage ?

Surprenant nouveau petit livre des éditions Louise Bottu que ce Dans le passage un pope du mystérieux auteur russe Lev Nicolaïevitch Petrov-Blanc, mort en 2003, à l'âge de 39 ans.
Le lieu principal est donc un passage, une sorte de galerie commerciale couverte, le genre d'endroit où l'on n'a pas spécialement envie de flâner ni de s'attarder, tout ce qu'il y a de plus ennuyeux et banal, à première vue.
Car, à y regarder de plus près, ce qui n'est pas banal, c'est la forme, ou plutôt les formes, pour décrire, par petites touches de textes courts, ce qu'il se passe dans ce passage, heure après heure, jour après jour, saison après saison. L'auteur joue allégrement avec les formes : la technique du cut-up et la typographie, par exemples.
Car il s'en passe des choses dans ce passage, entre ceux qui ne font que passer comme ce fameux pope qui y passe souvent, et ceux qui y passent plus de temps : les commerçants, les vendeurs à la sauvette, les ouvriers, les mendiants...
Une jeune vendeuse prend sa pause-déjeuner et rapporte une salade Olivier ? Voilà la recette détaillée de la salade en question pour deux personnes.
Et notre pope réapparaît au fil des pages, parfois sous la forme de définitions tirées du dictionnaire, autant de points de vue, de façons de voir.
Toute une cohue, un monde grouillant, que l'auteur observe à la loupe et nous donne à voir dans un vertigineux bric-à-brac littéraire et visuel, car "Dans ce qu'on voit on voit toujours plus qu'on ne voit".
Il nous donne aussi à réfléchir, non sans humour, sur la tentative de voir avec, au passage, de nombreuses références à la littérature : Anouilh, Dostoïevski, Pessoa, Thoreau, Céline...
Dans le brouhaha du passage on croit entendre voir. Penché sur la petite vieille il lui glisse à l'oreille quelques mots, dans ce qu'on voit on voit toujours moins que ce qu'il y a à voir, ce que l'on voit privé du reste, qu'on ne voit pas ou qu'on voit sans le voir, que la plupart du temps on ne soupçonne même pas, peut-être ajoute-t-il père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils voient, peut-être pas.
Décidément, avec son catalogue plein de poésie et de surprises, Louise Bottu (poétesse fictive de Monsieur Songe de Robert Pinget) nous fait sortir des sentiers battus et/ou nous fait entrevoir des passages secrets dans ces passages rebattus que l'on pourrait ne plus voir.

Éditions Louise Bottu, traduit du russe par Pauline J. A. Naoumenko-Martinez, 2016, 120 pages.

Chez le même éditeur :
- Ozu, de Marc Pautrel
- Vie des hauts plateaux - fiction assistée de Philippe Annocque
- L'air de rin de Bruno Fern

lundi 15 février 2016

Tokyo, mode d'emploi

© Ph. Matsas
Pourquoi Tokyo ? est le récit d'une année passée dans la capitale japonaise par une jeune parisienne, Agathe Parmentier, sous la forme d'un journal de voyage doublé d'une étude sociologique toute personnelle et empirique.
Le ton est décalé, enjoué, non dénué d'humour.
À l'aventure ! Agathe prouve que, avec quelques rudiments de la langue et peu de ressources, on peut (sur)vivre dans cette ville au niveau de vie réputé élevé. Elle gagne de quoi payer son loyer en participant à des tournages publicitaires et surtout en donnant des cours de français. Malgré les difficultés de sa précarité et l'impossibilité de s'intégrer, Agathe goûte la liberté de son mode de vie à la marge. Elle raconte ses découvertes, expériences et (més)aventures — somme toute courantes pour une étrangère — et ses rencontres avec des personnages inattendus ou déconcertants...
Loin des clichés ou les prenant à revers, Agathe nous fait entrevoir le vrai Tokyo, pas tel qu'on se l'imagine ou tel qu'on nous le sert : c'est du vécu.
"Je suis toujours un peu surprise du traitement de l'actualité japonaise par les médias français. Comment se débrouillent-ils pour être si subtilement à côté de la plaque ? Le moindre tremblement de terre représente un événement majeur, alors que je ne peux relever qu'un peu de thé renversé sur la table. De la même façon, chaque typhon est filmé à grand renfort de parapluies cassés et de jupes qui se soulèvent. Pourtant Tokyo est généralement épargné et jusque-là, les trombes d'eau n'ont pas changé quoi que ce soit à mon quotidien."
Alors, pourquoi Tokyo ? Peut-être parce que cette immense et fascinante ville garantit une source inépuisable de réjouissances et d'étonnements en même temps qu'un sentiment de sécurité, et que les Japonais, très souvent, savent faciliter la vie des autres. Mais surtout, "la gastronomie est l'un des principaux atouts du pays".
On en salive de gourmandise et cette amoureuse du Japon sait partager ses bonheurs.

Éditions Au Diable Vauvert, 2016, 320 pages. 
Le livre est le condensé d'un blog tenu Par Agathe Parmentier pendant son séjour nippon : Pourquoi Tokyo ? Pourquoi pas. 

samedi 13 février 2016

C'est quoi une vie passionnante ?

Les éditions de l'Aube ont lancé une collection pour les adolescents sous forme d'entretiens entre un collégien, Émile, et une personnalité, avec des illustrations de Pascal Lemaître. Ces personnalités sont ceux qui pensent le monde d'aujourd'hui : poètes, scientifiques, artistes, philosophes, linguistes...
C'est passionnant, aussi bien pour les jeunes que pour les adultes.
Dans C'est quoi une vie passionnante ?, Émile interroge Armand Gatti. Sa première question est : Vous avez écrit une masse incroyable de livres, de scénarios, de pièces de théâtre. Pourquoi écrire ? Armand Gatti répond :
Écrire, c'est une façon d'exister, de se réaliser. Je suis le fils d'immigrés italiens. Mon père, Auguste Gatti, m'a envoyé à l'école pour que j'apprenne cette langue, le français, celle du pays où mes parents s'étaient réfugiés. On m'a fait comprendre que la chose importante dans la vie, c'est d'essayer de se réaliser, de se construire, d'être, en quelque sorte.
Armand parle de ses parents, de son parcours, de son amour des mots, de la poésie, de la guerre, de la prison, de ses rencontres... C'est vivant, clair, passionnant, inspirant.

Parmi les autres titres de la série : 
Dans C'est quoi être poète ?, Émile interroge Julos Beaucarne.
Dans C'est quoi être féministe ?, Émile interroge Annie Sugier.
Dans C'est quoi l'écologie ?, Émile interroge le regretté Jean-Marie Pelt.
Dans C'est quoi être riche ?, Émile interroge Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon.

Éditions de l'Aube, Collection Les grands entretiens d'Émile, 2015.


dimanche 7 février 2016

La meilleure part de nous-mêmes

Dans L'ombre de nos nuits de Gaëlle Josse, la narratrice entre dans un musée pour passer le temps et reste sidérée devant le chef-d'œuvre de Georges de La Tour : Saint Sébastien soigné par Irène. Cette femme penchée tendrement sur un homme blessé lui rappelle une histoire d'amour qui hante encore sa mémoire.
Les chapitres se succèdent entre l'histoire tourmentée et passionnante du tableau — et celle du peintre et de son entourage — et les souvenirs tourmentés et passionnés de la narratrice. Peinture et littérature. Passé et présent. Tourments et passions.
Tu m'aimais beaucoup. Tu ne m'aimais pas. Je pensais que ce terrible mot de trop finirait par disparaître. Je t'aimais tellement qu'il ne pouvait en aller autrement.
Gaëlle Josse, tout en poésie et justesse, met en lumière, malgré leurs zones d'ombre, ceux qui donnent le meilleur d'eux-mêmes pour une cause personnelle et inexplicable, une passion, un art, un amour.
Je regarde le visage attentif, amoureux, d'Irène. Ma seule certitude, maintenant que le temps a apaisé ce qui devait l'être, est de t'avoir offert la meilleure part de moi-même, et de te garder, par-delà ce qui me semble des siècles, une ineffaçable tendresse. Je n'ai pas réussi à te donner l'envie de m'aimer ni celle d'être heureux. Tu étais seul à écrire ton histoire. J'ai tout éprouvé avec toi. Après la joie, le plaisir, le ravissement, il y a eu de la place pour la déception, le doute, la colère, le dégoût, la lassitude, la tristesse. J'avais fui, comme toi-même tu avais fui une autre histoire. Je repartais seule, blessée de ce que nous avions vécu. Ou bien étais-je seule à l'avoir vécu ?
Et par-delà ces récits croisés, bien sûr, un parallèle se dessine entre le travail du peintre et celui de l'écrivain, par petites touches de couleurs, d'émotions posées sur la toile ou la page, pour livrer le meilleur d'eux-mêmes.

Éditions Noir sur blanc, collection Notabilia, 2016, 192 pages.

Des extraits de ce roman seront lus à haute-voix par le collectif Les Livreurs lors du Bal à la Page du 14 février.

mercredi 3 février 2016

Rendez-vous au Bal à la Page du 14 février !

On danse, on écoute des textes lus à haute voix, on rit, on s'émeut, on découvre des écrivains, on rencontre ceux qu'on admire déjà, on bavarde avec eux, on se fait dédicacer leurs livres... C'est le principe du Bal à la Page qui prouve que la littérature est une fête.
Pour fêter comme il se doit la Saint-Valentin, le joyeux et talentueux collectif des Livreurs, professionnels de la lecture à haute voix, du festival Livres en tête, revient pour Le Bal à la Page, le 14 février, à l'auditorium Saint-Germain (Paris 6e).
Fête des amoureux oblige, l'amour est à l'honneur, célébré sur tous les tons : humour, sensualité, scandale...
Cette année, les invités sont : Pierre Assouline, Gaëlle Josse (lire la chronique sur L'ombre de nos nuits), Denis Lachaud, Jean-Marie Laclavetine et Éric Naulleau.

Au menu des festivités : 
La soirée s'ouvre par un cours de danse convivial assuré par Leonardo. Puis, les Livreurs lisent des extraits de romans d'auteurs vivants et présents. Ensuite, le public peut soit aller à la rencontre des écrivains qui dédicacent leurs ouvrages, soit danser sur les rythmes du groupe MAM "Human Swing Box". Puis, à nouveau, d'autres textes sont lus et la fête continue !

Toutes les infos sur le site du Bal à la Page.