mardi 21 juin 2011

Dans le dragon de Cortazar

Julio Cortazar, avec Épreuves, nous invite dans sa cuisine, c'est-à-dire dans sa Volkswagen rouge qui lui sert de bureau ambulant et qu'il a surnommé "le dragon Fafner". Ce court ouvrage est un livre sur "Livre de Manuel", que je n'ai pas lu, d'ailleurs, mais cela n'a aucune importance car le rapport à ce livre en particulier n'est qu'un prétexte. En effet, il évoque son travail de relecture et réécriture des épreuves, les bien nommées (en espagnol, on les appelle galeras, ce qui n'est pas mieux).
Le travail de création reste un mystère et j'espère toujours que les écrivains sauront, mieux que les peintres ou les musiciens, commenter la préparation, la maturation de leurs textes et leur élaboration jusqu'au point final.
En fait, Épreuves est une sorte de journal des vagabondages géographiques et littéraires d'un écrivain en exil — Argentin qui vit en Provence — et qui travaille à distance sur son œuvre et avec ses typographes argentins.
Il se trouve que je connais bien les paysages où il fait étape (Avignon, les Baux de Provence, Malaucène, Vaison-la-Romaine, les Dentelles de Montmirail...), ce qui me rend son journal encore plus familier.

Éditions de La Différence, Collection Les Voies du Sud, 1991.

lundi 6 juin 2011

C'est le lecteur qui fait le livre

Alberto Manguel a connu Jorge Luis Borges lorsqu'il était jeune homme, d'abord pour lui avoir vendu des livres alors qu'il travaillait dans une librairie de Buenos Aires, puis plus intimement pour lui avoir fait la lecture chez lui, alors qu'il était devenu aveugle. C'est donc un écrivain qui parle d'un autre écrivain, et surtout de sa vision des livres.
"Pour Borges, l'essentiel de la réalité se trouvait dans les livres ; lire des livres, écrire des livres, parler de livres."
Dans Chez Borges, on rencontre aussi des amis, comme Adolfo Bioy Casares et Silvina Ocampo. "Borges se définit moins comme l'ami des écrivains qu'il fréquente que comme leur lecteur, comme s'ils n'appartenaient pas à l'univers quotidien mais à celui de la bibliothèque."
Son monde était celui de la littérature, mais Borges se considérait comme "éminemment oubliable" et les grands absents de sa bibliothèque étaient ses propres livres. "Il y a des écrivains qui tentent de mettre le monde dans un livre. Il y en a d'autres, plus rares, pour qui le monde est un livre, un livre qu'ils tentent de lire pour eux-mêmes et pour les autres. Borges était de ceux-là", affirme Alberto Manguel.
"Après Borges, après la révélation du fait que c'est le lecteur qui donne leur vie et leur titre aux œuvres littéraires, la notion de littérature comme création exclusive de son auteur devient impossible."
J'aime bien l'idée que ce soit le lecteur qui fasse le livre.

Éditions Actes Sud, Collection Babel n° 683, 2005, 96 pages.