jeudi 27 janvier 2011

Eaux (de vie) troubles et trop lucides

Au Diable Vauvert, 2010.
Un petit livre (qui change du pavé de 588 pages de La fonction du balai, mais qui vaut son pesant d'or liquide) de David Foster Wallace, intitulé C'est de l'eau, reprend une allocution faite devant la promotion 2005 de Kenyon College à des étudiants qui allaient recevoir leurs diplômes. Le titre complet est : C'est de l'eau. Quelques pensées, exprimées en une occasion significative, pour vivre sa vie avec compassion.
Cela commence par l'histoire en forme de parabole de deux jeunes poissons qui se demandent : "Tu sais ce que c'est, toi, l'eau ?" Ça continue par "La morale immédiate de cette histoire est tout simplement que les réalités les plus évidentes, les plus omniprésentes et les plus importantes, sont souvent les plus difficiles à voir et à exprimer."
Puis l'auteur raconte l'histoire d'un athée et d'un croyant qui confrontent leurs points de vue "avec cette intensité particulière qui s'installe aux environs de la quatrième bière". Évidemment, personne ne convaincra personne, chacun étant bien ancré dans ses convictions.
La discussion se poursuit par : qu'est-ce que penser, apprendre à penser, penser à quoi, à qui ? Comment supporter l'insupportable quotidien en restant ouvert au monde et aux autres ?
Au Diable Vauvert, 2009.
Et d'autres pensées philosophiques — une par page, afin de bien prendre le temps de réfléchir à chacune d'elle, au lieu de tout lire à toute vitesse jusqu'à la fin sans s'arrêter — comme, par exemple : "La vérité avec un grand V est celle de la vie avant la mort".
J'en passe et des meilleures, comme on dit. Je vous laisse le loisir de plonger dans cette eau lucide qui trouble.
Ce qui me trouble le plus, c'est que David Foster Wallace n'ait pas réussi à mettre en pratique ses propres leçons de vie, puisqu'il a décidé de s'arrêter de vivre à 46 ans. En plus, son éditeur Au Diable Vauvert le présente toujours comme un écrivain "trop lucide". Alors quoi ? Trop lucide = trop désespéré ? Si l'espoir fait vivre, la trop dure réalité inciterait plutôt à rester dans ses illusions pour survivre dans ce monde de brutes ?
On en reparle quand vous voulez.

vendredi 21 janvier 2011

Olivier Adam, profond et touchant...

Au début, c'est nostalgique et déprimant, ces retours au Japon de Kyoto Limited Express et Le cœur régulier d'Olivier Adam, retour sur des lieux après la mort d'un proche. Dans Je vais bien, ne t'en fais pas aussi, il est question d'une absence. La petite fille, le frère, la mère ont disparu. Le temps du bonheur est passé. Ou bien on est passé à côté. La beauté des paysages n'y fait rien, mais elle soulage.
Les belles photos de Arnaud Auzouy pour Kyoto Limited Express apportent un peu d'air frais.
Mais pourquoi, malgré tout, on va jusqu'au bout de ces livres ? Parce que l'écriture est fine, délicate, sensible. Parce que la poésie de la vie, malgré tout, l'emporte sur la tragédie. Au début, c'est déprimant. À la fin, c'est saisissant.
En plus, pour moi, quelqu'un qui aime Sei Shônagon et le Japon de cette façon, me touche forcément. Ce n'est pas suffisant. Que l'on connaisse ou pas le Japon, c'est troublant de toucher le fond à ce point, c'est-à-dire d'être si profond et touchant.