jeudi 25 octobre 2018

Portraits de femmes exceptionnelles

Audacieuses ! rassemble les portraits écrits par Yannick Resch et dessinés par Sheina Szlamla de 50 femmes pionnières dans leurs domaines : femmes de lettres, de pouvoir, de savoir, de création et d'action.
Femmes du XIXe et XXe siècles principalement, elles ont bravé les interdits ou surmonté les épreuves pour relever des défis, battre des records et faire avancer des causes. Elles sont nées femmes mais ne sont pas restées à la place qu'on leur destinait, effacée et rangée.
Leurs réussites n'ont pas toujours été reconnues, comme la réalisatrice Alice Guy-Blaché ou la mathématicienne Mary Jackson.
De la poétesse Emily Dickinson à l'alpiniste japonaise Junko Tabei, nous croisons les parcours hors du commun de Julia de Burgos, Maya Angelou, Anaïs Nin, Harriet Tubman, Louise Michel, La Pasionaria, Germaine Tillion, Indira Gandhi, Simone Veil, Marie Curie, Margaret Mead, Hannah Arendt, Simone de Beauvoir, Hilma af Klint, Natalia Gontcharova, Frida Kahlo, Ella Fitzgerald, Nelly Bly, Alexandra David-Néel, Kwon Ki-ok, Mère Teresa, Jacqueline Auriol...
Exceptionnelles et remarquables.

Éditions Eyrolles, 2018, 128 pages.

mardi 23 octobre 2018

Pelles et râteaux

Les douze râteaux d'Hercule — le titre est à lui seul une belle trouvaille ! — de la dessinatrice de presse Louison est une BD échevelée qui raconte le parcours initiatique d'une jeune femme en douze épreuves.
L'année commence mal pour notre pétulante héroïne — courageuse malgré son abattement — puisqu'elle se fait jeter par son lourdaud de chéri le soir du réveillon.
Alors qu'elle noie son chagrin dans l'alcool, lui apparait Philae, la déesse des cœurs brisés, envoyée par les dieux de l'Olympe pour lui faire retrouver l'amour, en douze travaux/râteaux à surmonter.
Elle devra notamment tester les applis de rencontre, rappeler ses ex, essayer les filles, supporter les remarques acerbes des autres, etc.
Douze épreuves en douze râteaux et autant de pelles monumentales, donc, et qui seront la clé d'une révélation.
Touchant, drôle et plein de surprises, jusqu'à la fin.

Éditions Marabout, collection Marabulles, 2018, 190 pages.

Noirceurs de sons

Son cas décourage les médecins, auxquels d'ailleurs il échappe un soir qu'ils se penchaient sur lui. C'est qu'à la place du cerveau, il possède un cervolcan revolverisé quand cancer vole. Un fouillis fou le fouille fourrageusement. Il se christouille des kystes qui font houille et crie couille tristement. À troute vitesse, des invectives lui invectent d'esses et ivre. Il se patraque à se traquer. Cent motards se marmotent à son moteur mot. Médicinhâtivement, il est divement cinamé et datte. On le conclasse dans les neurodéeux à nœuds mais c'est con et ça classe à nerfs nerporte quoinœud.
À dos de Dieu ou L'Ordure lyrique de Marcel Moreau est réédité par Quidam éditeur, près de quarante ans après sa première publication en 1980, dans une nouvelle collection très justement nommée Les Indociles.
Le sujet et le style sont pour le moins déconcertants, étonnants, sidérants, iconoclastes, impossibles à raconter, comme tentaculaires et jaillis des profondeurs d'une âme tourmentée, d'un magma infernal et indomptable.
"Ce pourrait n'être qu'une œuvre vouée aux rythmes les plus fous, quelque chose d'âpre, de superviscéral, de très indifférent au plaisir d'enchanter", précise l'auteur.
Le personnage principal est un monstre, dont la nature et le nom — Beffroi — font référence à une bête semant l'effroi.
Une expression revient souvent sur ses lèvres : À dos de Dieu.
Un écrivain et un livre hors du commun. Totalement.

Quidam éditeur, 2018, collection Les indociles, 150 pages.

Japonais singuliers et pluriels

Parce qu'il est impossible de rendre compte de la diversité des Japonais (qui se disent pourtant uniformes), Raphaël Languillon-Aussel tente d'en montrer quelques exemples originaux à travers ces entretiens : "Le Japon est un pays de contraires qui ne font pas paradoxes, d'oppositions qui ne sont pas incompatibles, d'inclusion qui ne rend nécessaire aucune adhésion totale"...
Dans le premier chapitre, l'auteur démonte ainsi le mythe d'une société homogène avec tel habitant des îles Ryuku qui raconte les rites funéraires qu'on ne voit nulle part ailleurs ; tel jeune salarié en costume cravate qui raconte sa journée type de travail ; mais aussi une tenancière de taverne ; un homosexuel aux prises avec les discriminations ; une bénévole auprès des abîmés de la vie...
Les chapitres suivants évoquent les questions du peuplement d'un archipel fait d'extrêmes, du rapport au monde ambivalent entre ouverture et repli, de la culture et de la créativité japonaises entre traditions et innovations. Le dernier chapitre traite des enjeux d'un pays vieillissant.
Autant de rencontres graves, émouvantes ou singulières, qui apportent une lumière différente sur ces insulaires.

Ateliers Henry Dougier, collection Lignes de vie d'un peuple, 2018, 160 pages.
Dans la même collection : Marseillais de Patrick Coulomb et François Thomazeau.

jeudi 18 octobre 2018

1 095 trucs bien (écrits)

= 5 h de train avec personne à côté pour pouvoir s'étaler et vagabonder plus aisément
= pousser la grille du jardin pour retrouver ses ami(e)s sous un parasol
= couper une betterave (bio), et voir apparaître des paysages, rouges et blancs, différents sur chaque tranche 
On connaît la technique pour se détendre : le soir, avant de s'endormir, penser à trois choses positives qui nous sont arrivées dans la journée. Mais quand l'exercice est réalisé par une artiste — Fabienne Yvert, plasticienne, céramiste, éditrice, poétesse... —, cela donne un résultat hors du commun, magnifique, écrit pendant une année entière, en 2016.
3 trucs bien est le recueil de ces fameux "trucs" positifs, transformés en haïkus libres, en fragments autobiographiques comme autant de micro histoires poétiques, en instants fugaces repérés dans le quotidien, auxquels "on accorde peu d'importance, mais qui nous aident à vivre au milieu de l'adversité. Qui nous aident à trouver une autre version du monde comme il va".
"Il ne s'agit pas de trouver le monde formidable, mais d'y extraire du formidable au milieu de ce qui ne l'est pas forcément. Pouvoir y trouver son compte, quand bien même on vit avec trois fois rien", commente Fabienne Yvert.
= quand on rajoute de l'eau dans la théière parce que la discussion fait durer le petit déjeuner
= une tarte au citron meringuée comme une pleine lune du dimanche après-midi
= un bon film regardé "en famille" quand il fait pourri dehors 
En tout, 1 095 instant de petits riens et de grandes choses qui inspirent.

Éditions Le Tripode, 2018, 15 x 10 cm, 128 pages. 
Consulter le site foisonnant de Fabienne Yvert.

lundi 15 octobre 2018

La vraie vie des artistes

Les artistes ont-il vraiment besoin de manger ? est un recueil collectif d'entretiens menés par Coline Pierré et Martin Page avec une trentaine d'artistes de différentes disciplines : littérature, dessin, peinture, art plastique, photographie, musique, théâtre, traduction, cuisine, cinéma...
Ils répondent à des questions sur des sujets quotidiens comme leurs conditions de travail, matérielles et financières, leur statut, leur organisation, leurs problèmes existentiels, leurs colères, leurs combats, leurs joies, leur famille, ce qu'il y a sur leur bureau et dans leur frigo...
À Ryoko Sekiguchi : Quelle est la question que tu as toujours voulu qu’on te pose ? 
— Pourquoi a-t-on besoin de toujours poser des questions ? 
— Parce que cela nous permet de ne jamais en finir.
Les artistes sont : Thomas Vinau, Peggy Vialat, Maëva Tur, Antoine Tharreau, Mathieu Sominet, Ryoko Sekiguchi, Laurent Sagalovitsch, Cécile Roumiguière, Dominique Rocher, Melle Pigut, Coline Pierré, Eric Pessan, Eddy Pallaro, Martin Page, Justine Niogret, Marc Molk, Marie Laforêt, Julia Kerninon, Neil Jomunsi, Emmanuelle Houdart, Roland Glasser, Loïc Froissart, Quentin Faucompré, Amandine Dhée, Fanny Chiarello, Julie Bonini, François Bon, Rodrigo Bernardo, Clémentine Beauvais, Audrey Alwett.
Un recueil passionnant de rencontres enrichissantes et foisonnantes, de conversations et de belles réflexions — et des cris aussi — sur l'art, la vie, l'argent, la précarité, la nourriture...
La question du titre du recueil a-t-elle vraiment besoin d'être posée ? Il semblerait puisque l'essentiel ne saute pas aux yeux de tous.
À Quentin Faucompré : As-tu vraiment besoin de manger ? 
— Non. Les structures qui oublient de me payer le savent.
C'est une porte d'entrée dans les coulisses, les ateliers, les cuisines et les bureaux de ces artistes, qui donne envie d'en savoir davantage. On pourrait d'ailleurs imaginer un beau livre de ce recueil avec des portraits, des photos de leurs lieux de travail et bien sûr de leurs travaux.

Éditions Monstrograph, 2018, 353 pages.
Livre vendu sur le site de la maison de microédition associative, un petit atelier d'expérimentation et de sérigraphie en désordre bricolé par Martin Page et Coline Pierré. Ou à commander auprès de votre libraire.

samedi 13 octobre 2018

Mystérieux écrivains

Ah ! Ces mystérieux écrivains !
Le titre du livre d'Élise Costa est des plus clairs : Mystères d'écrivains - 50 histoires secrètes et insolites.
Le talent de conteuse de l'autrice, le ton alerte de son style, humoristique ou émouvant, nous embarque dans une série de chroniques toutes plus piquantes les unes que les autres.
Les histoires sont regroupées  en six parties :
- La naissance d'une œuvre est parfois entourée de mystères...
- L'écrivain est-il toujours celui que l'on croit ?
- Procès, disparitions ou les aléas de la vie d'auteur
- Quand l'écrivain a l'art de dissimuler des secrets...
- Amis ou ennemis ? Les compagnons de route de l'écrivain
- De l'autre côté du miroir
Où l'on retrouve les plus connus — Victor Hugo, Anaïs Nin, Poe, Steinbeck, Stephen King, Faulkner, Nabokov, Hemingway...— et où l'on découvre des moins connus, voire des reclus, qu'on a envie de lire ou relire.
Il ne s'agit pas seulement d'une collection d'anecdotes mais aussi d'une réflexion sur l'anonymat, les supercheries marketing, la diversité humaine...
Bien écrit et très divertissant !

Éditions Armand Colin, 2018, 224 pages.

samedi 6 octobre 2018

Québec mode d'emploi

ElDiablo, artiste multi-casquettes*, vivait en banlieue parisienne et rêvait de grand Nord américain, de froid polaire et de tempêtes de neige.
En 2015, il saute le pas (et l'Atlantique) avec sa petite famille et s'installe à Montréal.
Il raconte sa vie d'immigré dans Wesh ! Caribou, une série de chroniques en bandes dessinées, dont certaines planches ont été publiées dans Fluide Glacial, et transforme tout en gags.
Quatrième de couverture
Par exemple : l'impression étrange d'être chez le garagiste en discutant tarif avec le dentiste ; se faire verbaliser pour avoir traversé la rue hors des clous ; les rapports hommes-femmes ; les pourboires et les taxes qui font croître la note de restaurant ; le mythe de la ville souterraine... mais aussi la vie quotidienne en famille (à Montréal ou à New-York) ou la cause des autochtones.
Cette autobiographie démonte les clichés des Français envers le Québec et les immanquables péripéties et surprises de la vie quotidienne, avec beaucoup d'humour, bien sûr, mêlant ses propres expressions et celles du cru, car "Bienvenue, ça fait plaisir !"
Instructif et drôle.

Éditions Rouquemoute, 2018, 19 x 15 cm, 124 pages. 
Lire les premières pages de Wesh ! Caribou.

* ElDiablo, de son vrai nom Boris Dolivet, vient du hip-hop et du street art. Il est notamment auteur de BD, scénariste et réalisateur de la série animée Lascars (à voir et à revoir), adaptée au cinéma.

lundi 1 octobre 2018

L'inspiration du mont Ventoux

Le mont Ventoux est désormais mythique dans le monde entier comme "Everest des cyclistes", mais aviez-vous imaginé qu'il inspirait autant les poètes, écrivains, explorateurs et chroniqueurs ?
Ils sont plus de 150 à figurer dans la remarquable anthologie Ventoux, versant littéraire, dirigée par Bernard Mondon, avec plus de 200 textes choisis, dont certains ont traversé les siècles et restent emblématiques du Ventoux, comme l'ascension de Pétrarque.
Les textes sont regroupés en trois parties : la montagne à l'horizon, l'ascension et le sommet.
Nuit sur le sommet du Vaucluse. La voie lactée descend jusque dans les nids de lumières de la vallée. Tout se confond. Il y a des villages dans le ciel et des constellations dans la montagne. (Albert Camus, Carnets
On y retrouve également Madame de Sévigné, René Char, Philippe Jaccottet, Noëlle Châtelet, Sylvain Tesson, Frédéric Mistral, Joseph Roumanille, Jean-Henri Fabre, Jean Giono, Jean Proal, Roland Barthes, Antoine Blondin, Emil Cioran, Marie Mauron, Pierre Seghers, Marie Cardinal...
J'ai hanté dix ans le Ventoux. En long, en large et en hauteur. Et en profondeur aussi, car je crois avoir entendu battre son cœur secret. Cette montagne qui m'a paru d'abord dérisoire — tas de cailloux aux marges de la Provence, imitation grossière des vraies crêtes et des vrais sommets, trompe-l'œil à l'usage des épiciers de Marseille — a pris pour moi son sens et sa vertu de montagne. Car les épiciers partis, elle me restait intacte, dédaigneuse des papiers gras et des litres vides. Intacte accessible à l'amour seul. Aussi fermée, aussi secrète, aussi hautaine que les grandes cimes. Vivante aussi, chargée de plantes et de bêtes, baignée de ciel vivant, changeante au gré des heures et des saisons. Tout entière vivante : faite de ruses et de colères et de désarmantes douceurs. (Jean Proal, Bagarres)
Un magnifique livre de chevet à explorer sans modération.

Éditions Esprit des Lieux, 2018, 572 pages, avec notamment des photos de Firmin Meyer et des dessins de Joseph Eysséric.