mercredi 17 janvier 2018

Viva Quichotte !


Je plains les gens qui ne lisent pas.
Moi aussi. Surtout ce Quichotte, autoportrait chevaleresque.
Déjà, l'idée est réjouissante : reprendre aujourd'hui le flambeau (ou la lance) du chevalier Quichotte. En guise de Rossinante, le cheval de bataille d'Éric Pessan sera la littérature.
Ce livre s'en tient à la littérature, à décrire un désir de fiction qui vienne contrer la cécité, la surdité, l'obstination, la mauvaise foi et la sécheresse du réel.
Le projet est aussi périlleux qu'ambitieux, mais l'auteur s'en sort brillamment, avec humilité, légèreté, humour, lucidité et toute la dose d'idéalisme nécessaire.
On sourit dès le prologue où l'auteur nous expose son projet de surmonter la misère du monde d'aujourd'hui, grâce à son moteur : la joie d'écrire. Et sa joie est communicative.
Il rend notamment hommage à tous les héros des temps modernes et leurs actes héroïques, souvent du quotidien, invisibles, silencieux et si nombreux.
Selon la coutume de l'époque de Cervantès, il demande également des lettres de recommandation à quelques amis écrivains vivants : Antoine Volodine, Nicole Caligaris, Christian Garcin, Pierre Senges, Marie Cosnay, Emmanuelle Pagano, Arno Bertina, Christophe Fourvel...
Il convie à une fête imaginaire ses auteurs de prédilection : Cervantès, bien sûr, mais aussi Pessoa, Kafka, Borges, Beckett, Duras, Melville...
Un jour un journaliste m'a demandé si j'écrivais pour changer le monde, et j'ai répondu : oui, bien sûr. Le monde change entre les pages d'un livre, quelque chose qui n'était pas là arrive peu à peu. Je crois en la littérature. J'insiste sur ce verbe : je crois. Elle m'a offert de si beaux moments de lecture, elle m'a offert des pensées, des inquiétudes, des regards obliques sur la société, elle m'a offert de la beauté et de la compréhension, elle m'a offert cette vibration qui partout me saisit : à l'estomac comme à l'esprit, au bout de mes doigts comme dans mon sexe, et me donne à mon tour envie d'écrire. Je n'ai aucune certitude, je ne sais jamais si le texte que j'écris deviendra un livre.
Ce texte est devenu un livre, pour notre plus grand plaisir.
Et que vivent tous les Don Quichotte !

Éditions Fayard, 2018, 420 pages.

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