mercredi 3 janvier 2018

Voyage au bout de l'Amérique

Dans Les oiseaux morts de l'Amérique, Christian Garcin nous emmène dans un voyage au bout des États-Unis, dans l'enfer du décor de Las Vegas. Un univers presque invisible, caché, souterrain.
Les souterrains, très présents dans l'œuvre de Christian Garcin, prennent la forme, dans ce roman, de tunnels effroyables de la guerre du Vietnam et de ceux, actuels, des profondeurs de Las Vegas, mais aussi de passages temporels mystérieux dans le passé et le futur, et enfin de voyages dans les profondeurs de l'âme humaine.
Le contraste est frappant avec la ville en surface, sorte de paradis artificiel, symbole d'un rêve américain voué à la fête, au jeu, à l'argent qui coule à flot, dans un délire de décors clinquants.
Juste en dessous, dans la réalité enfouie des tunnels d'évacuation des eaux, vivent des centaines de SDF. Quelques-uns d'entre eux, vétérans et traumatisés des guerres du bout du monde (Vietnam, Irak...) sont les principaux personnages du roman. Oubliés, ils essaient d'oublier les horreurs et tous les morts laissés au combat.
Chaque nuit, chaque matin
Certains sont nés pour la misère.
Chaque nuit, chaque matin
Certains sont nés pour les délices.
Certains sont nés pour les délices.
Certains pour une nuit sans fin.

(William Blake)
S'il y a un côté sombre dans ce roman, il est illuminé par une poésie omniprésente, notamment par de nombreuses citations de poèmes de William Blake et de Les Murray, et sur des airs de chansons de Bing Crosby, comme la bande-son d'un film — on ne peut s'empêcher de penser à certaines œuvres nostalgiques de Jim Jarmush (Mystery Train, Paterson...) ou Win Wenders (Paris, Texas). Et la poésie rayonne bien sûr de l'écriture de Christian Garcin qui donne vie à l'invisible, touchant et profond.
La véritable nature du monde résidait dans l'invisible, pensait-il confusément, là où sont les sentiments, les émotions et la compréhension muette des choses.

Cette histoire américaine n'est peut-être qu'un prétexte pour évoquer des personnages en marge qui demeurent, malgré les nombreuses fêlures et cicatrices, profondément humains et attachants.
L'occasion pour Christian Garcin de nous offrir un de ses meilleurs romans, éblouissant et remarquable.

Éditions Actes Sud, 2018, 224 pages. 
Lire la genèse du roman sur le site de l'éditeur.

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