jeudi 31 août 2023

Plaidoyer pour la nature

Gorge d'or est le premier roman de la Finlandaise Anni Kytömäki.
La nature sauvage, la forêt et ses animaux sont au centre de cette fresque qui se déroule entre 1903 et 1937 en Finlande.
La description de la nature est si détaillée qu'on la sent vivre, bruisser et exhaler ses parfums, parfois effrayante, parfois protectrice et souvent enchanteresse.
Le récit est imprégné de réalisme magique et de contes traditionnels, avec notamment l'histoire d'une ourse et son ourson. En effet, une légende nordique veut que les humains se changent en ours et les ours en humains.
Les destins des personnages, qui ont tous un lien fort à la nature, seront bouleversés en raison des événements de l'histoire du pays (Première Guerre mondiale, Indépendance de 1917, guerre civile de 1918...). 
C'est un roman impressionnant (pas seulement par son volume) et envoûtant, un véritable plaidoyer, un manifeste de défense de l'environnement.

D’île en île, dans l’onde engourdie par le froid de cette fin d’automne, elle traverse à la nage le grand lac. Elle évite les barques à la proue desquelles brûlent des torches, se pétrifie en rocher à fleur d’eau en entendant des voix – et atteint l’autre rive, car les flots, dans la nuit, l’enveloppent d’une brume protectrice.

Éditions Rue de l'échiquier, 2023, 656 pages.

Impressions du Japon

Calligraphie de Yukako Matsui
Quand je range ma bibliothèque (ou mes piles de livres), je trouve des ouvrages géniaux que j'accumule et que je n'ai pas encore lus.
C'est ainsi que je tombe sur Le Japon imaginaire de Pierre Vinclair. Superbe (re)trouvaille !
Le narrateur est lauréat d'une résidence d'écriture à la Villa Kujoyama de Kyoto. Puis il poursuit son séjour de quelques mois à Tokyo avec sa compagne avant de partir pour la Chine.
Il raconte sa vie quotidienne japonaise en quatre parties, entre chroniques et haïkus : Sanctuaires, Chaos demeure, La ville tremble.
La quatrième partie, Mots imaginaires, est un glossaire extraordinaire.
Pour un gayjin (celui de l'extérieur, l'étranger), les aventures et découvertes étonnantes sont au coin de la rue (quand on ne s'y perd pas par manque de lisibilité des plans et absence de noms de rues).
Le choc des cultures, l'incompréhension et les déconvenues sont également au rendez-vous, comme si l'étranger ne pouvait rester qu'à distance, coincé dans son imaginaire.
Merci pour ce voyage poétique !

Le Corridor bleu, 2014, 136 pages.

Le blog de Pierre Vinclair. L'auteur a, entre autres, fondé la revue Catastrophes avec Laurent Albarracin, auteur du merveilleux Grand Chosier.

mardi 29 août 2023

La sauvagerie des conquistadors

Le dernier roman de David Vann, La Contrée obscure, se passe à l'époque des conquistadors espagnols à l'époque des premiers contacts avec les Cherokees.
L'auteur de Désolations et de Sukkwan Island nous plonge cette fois dans l'histoire.
Il remonte aux sources de ses propres origines cherokees puisqu'il s'inspire d'une légende que lui racontait son grand-père sur un enfant sauvage né dans les flots.
Il s'appuie également sur un ouvrage historique de Charles Hudson et développe toute l'horreur de l'interminable expédition espagnole menée par le chef, complètement fou, Hernando de Soto et ses hommes.
En cherchant de l'or, ils s'enlisent dans les marécages et ne sèment que violences, massacres, cruautés.
Ils se conduisent en véritables sauvages envers les Autochtones qui résistent âprement.
Un choc des cultures et un vibrant hommage aux Cherokees.

L'homme s'appelle Kana'ti, qui signifie chasseur chanceux, et la femme s'appelle Selu, qui signifie maïs. Ils ont érigé une maison de branches et d'arbrisseaux tressés en forme de petit dôme qu'ils ont enduite de boue et couverte d'écorce de peuplier. Ils dorment avec leur fils entre eux, afin de le protéger. Ils sont installés dans cet endroit, ils le connaissent et ils y sont chez eux. C'est le pays cherokee, à l'époque où le monde est encore neuf, où la terre humide sèche encore.

Gallmeister, 2023, 508 pages.

Lire aussi mes chroniques sur Désolations et Sukkwan Island.

mercredi 23 août 2023

Les cartes et les territoires

La couverture (56 x 65 cm)
C'est un événement éditorial pour les amoureux des cartes! La magnifique œuvre cartographique de Cassini (c'est-à-dire quatre générations d'astronomes, de mathématiciens, de topographes, de dessinateurs et de graveurs) fera l'objet d'une superbe publication l'an prochain !
Les premières feuilles avaient été publiées en 1756 puis pendant une trentaine d'années.
Cette édition limitée à 900 exemplaires numérotés reproduit l’intégralité des 181 feuilles numérotées de la carte de Cassini, grandeur nature.
Il s'agit d'une version dite « de la Reine » rehaussée en couleurs à l'aquarelle.
L’ouvrage sera accompagné d’une introduction de Jean-Luc Arnaud, historien de la cartographie, directeur de recherches au CNRS, ainsi que des légendes et index des noms de lieux.
Grand luxe pour un ouvrage exceptionnel !

Éditions Conspiration, 2024, format 56 x 65 cm, 392 pages.
Pour plus de détails sur l'ouvrage et les souscriptions (avant le 31 octobre : 1 800 euros au lieu de 2 400 euros), suivre ce lien.

mardi 22 août 2023

Le rendez-vous attendu avec Delerm

Depuis La première gorgée de bière, le rendez-vous avec Philippe Delerm est fidèle à nos attentes.
On le déguste à petites gorgées en prenant notre temps car ces Instants suspendus obligent à ralentir, à apprécier ces moments précis, presque imperceptibles et fugaces, ou ces expressions savoureuses que l’écrivain nous débusque et nous décortique.
Un geste anodin, une façon de tenir une veste ou remplir un récipient d'eau et ce mot d'enfant que nous avons tous entendu ou prononcé : il en parle comme personne.
Aviez-vous remarqué cet instant où le train sort du tunnel, ou celui où le train s'arrête en pleine voie ? De quel sportif oublié vient le nom de cette paire de chaussures iconiques ?
Il pousse la mise en abîme jusqu'à nous raconter, en fin de recueil, comment Trouver un sujet de texte court.
Il est vrai qu'on se demande comment il fait pour capter ces instants — où il nous suspend/surprend — et pour nous les restituer avec autant de grâce.

Seuil, 2023, 128 pages.

D'autres chroniques sur les livres de Philippe Delerm :
-
New York sans New York ;
La vie en relief ;
- L'extase du selfie et autres gestes qui nous disent ;
- Et vous avez eu beau temps ? La perfidie ordinaire des petites phrases ;
- Journal d'un homme heureux ;
- Je vais passer pour un vieux con et autres petites phrases qui en disent long ;
- Elle marchait sur un fil ;
- Les eaux troubles du mojito et autres belles raisons d'habiter la terre. 

mercredi 2 août 2023

Ultra poétique attitude

Comme une suite au premier recueil de Notes sur les noms de la nature, voici de Nouvelles notes sur les noms de la nature, toujours magnifiquement illustrées par Florence Lelièvre.
Ce sont à nouveau des courts poèmes — des texticules — qui dissèquent et viennent tordre le sens des noms botaniques ou des espèces fongiques ou animales, pour jouer sur les mots et les noms, en extraire toute la contradiction, la fantaisie, l'analogie, l'humour et la poésie.
Un régal à lire et à relire.

Éditions des Grands Champs, 2023, 40 pages.

Lire aussi mes chroniques sur les romans de Philippe Annocque parus chez Quidam et Louise Bottu :
- Notes sur les noms de la nature ;
- Seule la nuit tombe dans ses bras ;
- Élise et Lise ;
- Pas Liev ;
- Liquide ;
- Vie des hauts plateaux
- Biotope et anatomie de l'homme domestique
- Les Singes rouges.