samedi 20 avril 2013

Kanyar vous raconte des histoires

Je n'arrive pas à trouver le bon angle pour parler de la revue Kanyar. Et pour cause : je suis très impliquée dedans. 
Donc, voici l'édito d'André Pangrani, directeur de publication :
"Kanyar est une nouvelle revue semestrielle indépendante qui compte promouvoir la création et la lecture de nouvelles, scénarios, récits, pièces de théâtre et autres poèmes d'auteur(e)s de l'île de La Réunion et du monde entier qui l'entoure.
Pour lancer cette aventure, des auteurs ont confié à la revue Kanyar des nouvelles, des récits ou encore des scénarios, tous inédits et surprenants, rassemblés dans un ouvrage de 208 pages et d’un beau format de 18 x 24 cm. 
Des rues du quartier du Chaudron à l’île de La Réunion à celles de Tuléar à Madagascar, des trottoirs de Salvador au Brésil à ceux de Dakar au Sénégal, d’une route nationale à l’autre, d’une plage de l’océan Indien à la Côte d’Azur, d’un sous-bois des bords de la mer Noire à la jungle entourant le fleuve Congo, Kanyar a l’ambition folle et modeste d’embrasser les singularités du monde, d’où qu’elles viennent et quelle que soit la langue dans laquelle elles souhaitent nous, vous, parler."

Au sommaire

Vous découvrirez, au sommaire de ce premier numéro de Kanyar, par ordre d’apparition : Tulé ! Tulé ! d’Emmanuel Genvrin - Double salto arrière de Pierre-Louis Rivière - Une île, immonde et Un galet dans le pare-brise d’André Pangrani - Plaid de Marie Martinez - Nationale 4 d’Emmanuel Gédouin - Dakar blues de David-Pierre Fila - La méthodologie du jeu d’acteur et Ulimina de Bertrand Mandico - Les garçons d’Edward Roux - Longing (Désir) en version bilingue (anglais-français) d’Elina Löwensohn - Le pouvoir de Cordélia de Xavier Marotte - Chambre verte de Cécile Antoir - Le Prophète et la Miss de l’Équateur d’Olivier Appollodorus (dit Appollo).
Et l'illustration de couverture est d'Emmanuel Brughera.

Le lien

Pour visiter le site de la revue Kanyar.

vendredi 19 avril 2013

Des mots sur les maux

La femme qui tremble - Une histoire de mes nerfs, de Siri Hustvedt, est un essai — ou une enquête, qui se lit comme un roman — sur l'univers de la neurologie, de la psychiatrie et de la psychanalyse. Prenant appui sur de nombreuses études scientifiques et œuvres philosophiques et littéraires, ainsi que sur des témoignages d'autres patients (elle anime notamment des ateliers d'écriture dans un hôpital psychiatrique), l'auteur s'interroge sur l'origine des phénomènes dont elle souffre : tremblements, migraines, hallucinations visuelles et auditives...
"A l'origine de ce livre, il y a une communication que j'ai prononcée au New York Presbyterian Hospital dans le cadre d'une série de conférences placées sous l'égide du Programme de médecine narrative de l'Université de Columbia. Rita Charon, directrice de ce programme, m'avait invitée à y prendre la parole. Le généreux enthousiasme dont elle a fait preuve quant au propos qui était le mien a joué pour ce livre le rôle d'un véritable catalyseur."
Un peu à la manière de son mari, Paul Auster, dans Chronique d'hiver (voir ma chronique), Siri Hustvedt écrit une sorte d'autobiographie vue sous l'angle des répercutions de causes psychologiques sur le physique et de la problématique cerveau/esprit.
Un livre indéfinissable mais passionnant.

Éditions Actes Sud, 2010, 256 pages. 

D'autres chroniques sur le cerveau :
- Vivre Penser Regarder de Siri Hustvedt
- 101 astuces pour mieux penser - Débloquez le potentiel de votre cerveau ! de Xavier Delengaigne
- Le cerveau peut-il faire deux choses à la fois ? de Fiamma Luzzati
- La femme qui prenait son mari pour un chapeau de Fiamma Luzzati
- Mon cerveau, ce héros - Mythes et réalités d'Elena Pasquinelli
- Peut-on manipuler notre cerveau ? de Christian Marendaz

samedi 13 avril 2013

Une adolescence universelle

Quarante ans après sa sortie aux États-Unis, Une adolescence américaine paraît pour la première fois en France. Joyce Maynard a dix-huit ans quand elle écrit cette Chronique des années 60 (sous-titre du livre). Malgré son jeune âge, son style est étonnant de maturité et de justesse dans les moindres détails d'un état qui se cherche (et qui demeure universel sur bien des points). Elle le dit elle-même dans sa préface :
"la qualité d'une histoire tient moins à l'exotisme de l'action et de l'intrigue, qu'à l'épaisseur des personnages, aux pouvoirs de pénétration et de description de l'auteur et à l'authenticité de sa voix."
C'est ce livre qui lui avait été commandé par le New York Times, pour développer un article paru dans ses colonnes et qui avait eu un grand retentissement sur les lecteurs et sur sa propre trajectoire, puisque dans l'abondant courrier qu'elle avait reçu, se trouvait une lettre de l'écrivain J.D. Salinger.
Vingt-cinq ans plus tard, dans la fin des années 90, elle approfondit cette autobiographie dans Et devant moi, le monde (voir ma chronique Se retourner sur sa vie) avec plus de recul et d'aplomb pour aborder des sujets trop sensibles pour son premier livre : sa lutte contre l'anorexie, l'alcoolisme de son père, sa relation avec Salinger...
"J'avais assez mûri pour comprendre que plus un écrivain est sincère, plus il fait confiance à la compassion du lecteur, et plus ce dernier, loin de le fuir, s'identifie à lui."
Éditions Philippe Rey, 2013, 192 pages.
L'éditeur Philippe Rey publie en même temps, ce mois d'avril 2013, Baby Love, un roman déjà paru en France chez Denoël en 1983. 

Une vidéo où Joyce Maynard parle de Une adolescence américaine lors de son passage à Paris, il y a quelques jours.

vendredi 12 avril 2013

Cocktail sidérant au bar de la sidérurgie

L'histoire de ce premier roman se passe autour du bar de la Sidérurgie, à Pont-de-Vivaux, un quartier de Marseille qui ne figure pas dans les guides touristiques, vu qu'il n'a rien de pittoresque, ou presque.
Ce qui est pittoresque dans ce Bar de la sidérurgie de Charles Gobi, ce sont les personnages, les situations, les rebondissements, et surtout les dialogues, les jeux de mots et l'humour !
Parmi les règlements de compte de la folie ordinaire à la sauce marseillaise, les parties de pétanque, notamment, sont jubilatoires. 
La quatrième de couverture donne un petit aperçu des ingrédients :
"Marseille
un quartier sans caractère
Un bar
René, son patron
Les habitués
Des gens ordinaires et inouïs
Des joueurs de cartes, des joueurs de boules
Un ex-curé humaniste et obsédé
Loule, homme au marteau, deux légionnaires retraités
Abd-el-Krim et sa bande
Armand, le reporter olympique
De pauvres pêcheurs
De belles femmes, des cadavres
et quelques malotrus
Secouez le tout
Quoique... ils sont déjà assez secoués comme ça."
Ce qui donne un excellent cocktail (à base de pastis ou de Molotov) à siroter, par exemple, à la terrasse d'un bar — de la Sidérurgie ou d'ailleurs — pour rire et vous laisser sidérer au fil des pages.

Pour recevoir le livre, adressez un chèque de 16 € (13 € + 3 € de port) directement à : "Confort Numérique" - 63 rue François-Mauriac - 13010 Marseille.
Ou bien rendez-vous sur le site de Charles Gobi pour commander directement.

* Chaque roman peut se lire indépendamment :
- Les Goudes, c'est de l'anglais...
- Hercules des Trois Ponts
- Chemin des Prud'hommes
- Il est pas con, ce con ?
- La grosse Janine.   

mercredi 3 avril 2013

Les tripes de l'architecte

Rudy Ricciotti ne mâche pas ses mots et ne les envoie pas dire : il parle avec ses tripes et pratique l'art de la rhétorique bétonnée. Son anti-politiquement correct est réjouissant à lire.
Dans L'architecture est un sport de combat, une conversation avec David d'Équainville, le titre annonce la couleur : il va y avoir du sport... et de la baston !
En effet, il n'hésite pas à tirer à boulets rouges, pas vraiment sur tout ce qui bouge, mais de préférence sur ceux qui ne bougent pas, justement, ou qui empêchent les autres de bouger. Certains en prennent pour leur grade. Il est connu pour sa grande gueule et le sait :
"Que ma gueule de métèque énerve, que mon accent méditerranéen horripile, je peux le concevoir, c'est la vie. On n'est pas tous obligés d'être socialement identiques, d'avoir les mêmes mots et les mêmes sourires. Dans la nature aussi il y a des différences, des lapins, des pigeons, des renards, des lézards. Que peut-on y faire ? Ce n'est pas grave. C'est la biodiversité. Et la biodiversité doit survivre ! Mais l'architecte assume toujours les responsabilités."
Car la vocation de cet homme n'est pas de détruire à coups de barre à mine, mais bien de construire : c'est un architecte qui défend son métier avec passion, ainsi que ceux des artisans du bâtiment et des ingénieurs avec qui il travaille.
"Le plus difficile, ce n'est pas de devenir architecte, c'est de le rester." 
"Un vrai parcours du combattant. Près de 70 % des architectes inscrits à l'ordre ne réussissent pas à vivre de leur travail."
"En 1930, il y avait cent mots pour décrire une façade. À l'aube du XXIe siècle, il en reste une dizaine. Si l'on a perdu les mots, on a perdu les signes associés. Et avec ces signes, les savoir-faire, ce qui fait de nous des analphabètes de l'art de construire."
Il défend également avec brio certains matériaux, comme le béton, auquel on trouve soudain un charme fou. Ou il s'insurge contre l'acier, qui n'est pas "aimable", ou contre les tuiles à tout va en Provence. Si le sujet n'était pas aussi sérieux et désolant, on aurait envie de rire, tant la formule vaut son pesant de caillasses :
"De tuile en tuile, insidieusement, on façonne une banalité écrasante, un paysage de mauvais jeux de mots, de cabanes à frites surgelées à réchauffer au micro-ondes avant indigestion."
J'en citerais encore des pages entières.
J'étais curieuse d'en savoir plus sur cet architecte qui a reçu le Grand Prix national de l'architecture et créé, entre autres, le fameux MuCEM à Marseille. Résultat : je ne suis pas déçue.

Éditions Textuel, 2013, 112 pages.

À Marseille, Rudy Ricciotti est l'architecte du MuCEM, au centre. 


mardi 2 avril 2013

L'hiver de la vie d'Auster

Paul Auster entre dans l'hiver de sa vie et nous parle à la deuxième personne du singulier : une façon singulière de nous interpeller alors qu'il ne parle que de lui. Sa Chronique d'hiver est donc une sorte de bilan autobiographique, physique et géographique, en énumérations lumineuses et libres sur les façons de se mouvoir, de souffrir, de jouir, d'habiter un corps et des lieux. Le temps passe et l'évocation de la mort n'est jamais loin : celle qu'il a lui-même frôlée, celle de ses parents qu'il a subie de plein fouet... Il raconte aussi son bonheur avec sa femme dont il semble s'étonner encore.
"À la lumière de tes échecs passés, de tes erreurs de jugement, de ton incapacité à te comprendre et à comprendre les autres, de tes décisions impulsives et incohérentes, de tes gaffes dans les affaires de cœur, il semble curieux que tu aies abouti à un mariage qui dure depuis aussi longtemps. Tu as tenté de démêler les raisons d'un revirement de fortune à ce point inattendu, sans jamais réussir à trouver de réponse. Un soir, tu as rencontré une inconnue et tu es tombé amoureux d'elle — et elle de toi. Tu ne le méritais pas, mais rien non plus ne s'opposait à ce que tu le mérites. C'est tout simplement arrivé, et rien ne peut rendre compte de ce qui t'est arrivé, sinon la chance."
J'aurais aimé que ce livre soit plus long, sans fin...

Une autre chronique sur les livres autobiographiques de Paul Auster : L'autre écrivain de la jubilation du hasard.

Éditions Actes Sud, 2014, Collection Babel n° 1274, 256 pages.