dimanche 22 novembre 2020

L'amour au temps des guerres de religion

En préparant un reportage sur le village de Monieux, situé sur le versant Est du Ventoux, pour Les Carnets du Ventoux, je découvre l'histoire de ce village, il y a mille ans, dans un magnifique roman basé sur une histoire vraie et une véritable enquête historique.
L'écrivain belge Stefan Hertmans vit à Monieux une partie de l'année. Un jour, il entend parler d'un pogrom qui aurait eu lieu dans ce village il y a mille ans et d'un trésor caché. Il découvre l'existence d'un manuscrit datant de 1096 retrouvé au Caire et conservé à l'université de Cambridge en Angleterre : une lettre de recommandation écrite en hébreu à propos d'une jeune femme qui a vécu un drame à Monieux.
Ce précieux document inspire à l'écrivain un roman, Le cœur converti, sur cette jeune chrétienne qui s'est convertie au judaïsme par amour et a dû fuir plusieurs fois dans sa vie, à l'époque des Croisades et des guerres de religions. Elle a longtemps vécu à Monieux qui comptait alors, en 1091, une importante communauté juive.
Mais le roman est aussi contemporain car l'écrivain raconte comment il a suivi ses traces à travers la France, de Rouen à Narbonne et Marseille, et jusqu'au Moyen-Orient, et bien sûr à Monieux où, dit-il, « je me suis senti plus heureux que nulle part ailleurs en ce bas monde ». En effet, sa description du village et ses environs donne envie d'aller y admirer le paysage et y goûter la douceur de vivre.
La beauté et la quiétude du village d'aujourd'hui ne nous laisse pas soupçonner son riche passé ni les terribles événements qui s'y sont déroulés autrefois.
Ce roman très prenant nous fait découvrir ce qui se cache sous ces vieilles pierres.

Gallimard, 2018, 370 pages.

Lire aussi la chronique sur Guerre et Térébenthine.

vendredi 13 novembre 2020

Bienvenues catastrophes

C'est avec grand plaisir que nous retrouvons l'univers tragicomique poético-délirant de Pierre Barrault. Après Tardigrade chez L'Arbre vengeur (que je n'ai pas lu) puis Clonck et ses dysfonctionnements et L'Aide à l'emploi chez Louise Bottu, voilà Catastrophes chez Quidam !
Autant dire que ces Catastrophes sont les bienvenues : inventives, surprenantes, réjouissantes et tellement ingénieuses ! Et pourtant, il s'agit bien de péripéties extravagantes, de dysfonctionnements, de cauchemars, d'histoires à dormir debout, avec une logique qui sort des sentiers battus du réel, là où on ne l'attend pas du tout mais qui déboule à nouveau au coin de la rue ou à bord d'un hélicoptère.
scènes se répètent avec une impression étrange et pas forcément rassurante de déjà-vu. L'absurdité de certaines histoires est tout à fait plausible.

Une infinités d'histoires qui, arrivées à destination, n'en feront finalement qu'une...

Car oui, il y a une certaine logique, inspirée de la physique quantique, de l'univers holographique et du livre de Bernard d'Espagnat, À la recherche du réel , entre autres.
Pierre Barrault dit : "Je ne m'intéresse pas au réel, mais aux possibilités des réalités. Elles sont à la fois restreintes et multiples, infinies tout autant qu'incomplètes. Chaque perception du monde n'est qu'une quantité de trous, et celui ou celle qui perçoit n'a de cesse de les combler avec ce qu'il ou elle croit être conforme à la logique et au bon sens."

Une série de catastrophes dont on ne se lasse pas, pleines de trous, de fantastique et de poésie.

Quidam éditeur, 2020, 132 pages.

Le blog de Pierre Barrault.

Lire aussi mes chroniques sur Clonck et ses dysfonctionnements et L'Aide à l'emploi.

jeudi 12 novembre 2020

Les déracinés de La Réunion

Tehem est l'auteur d'un superbe et émouvant album de bande dessinée sur l'affaire des "enfants de la Creuse" : Piments zoizos. Les enfants oubliés de La Réunion.
L'historien et membre de la commission d'information sur les enfants dits de la Creuse, Gilles Gauvin, en a supervisé l'histoire.
Bien que les personnages et leurs cheminements soient fictifs, les faits sont donc tout à fait plausibles, inspirés de parcours qui ont pu exister. En imaginant l'histoire de Jean et de sa petite sœur Didi, Tehem se rapproche donc de la grande histoire, celle de cette "utopie dangereuse" où des familles d'accueil, des parents adoptifs et des acteurs sociaux étaient persuadés d'agir dans l'intérêt de près de 2 000 enfants.
Pour mieux comprendre comment cette affaire sensible a pu se dérouler de 1962 à 1984, en parallèle de l'histoire de Jean et d'autres enfants, comme Michel ou Madeleine, l'auteur a inséré des extraits d'un journal fictif, La Gazette de l'île de La Réunion, qui donnent un contexte historique et le cadre du fonctionnement de l'Aide à l'enfance de l'époque.
De fait, en plus d'être poignant, l'ouvrage est très instructif.
Et heureusement, l'humour de Tehem réussit à pointer son nez au fil des pages !

Éditions Steinkis, 2020, 160 pages.