vendredi 4 juillet 2025

Plumes et coquilles

Élodie Llorca joue sur les mots, avec délice et férocité, dans La Correction
Son personnage François est correcteur dans une revue. Plutôt introverti, il est hanté par la mort de sa mère dont il ne se remet pas. Il fantasme sur sa patronne qui le fascine. Son collègue exubérant, qui est tout son contraire, l'appelle le Recteur et ne lui pardonne pas ses corrections. Jusque là, tout est à peu près normal. 
Mais l'autrice, de sa belle plume inventive, insuffle une tension et une poésie dans cette histoire, presque banale, écrite à la première personne du singulier ; car, en effet, notre François est singulier. 
Quelqu'un lui voudrait du mal en sabotant son travail, pourtant méticuleux et obsessionnel. Tout en faisant la chasse aux coquilles, il fuit la réalité et se réfugie dans sa coquille. Ce drôle d'oiseau se fabrique des pensées tourmentées, entre fantasmes, hallucinations et réminiscences du passé. 
Sa femme, avec qui il est franchement distant, lui tend des perches pour ouvrir le dialogue, ce qu'il refuse obstinément, même par écrit. 
Il recueille un oiseau moribond et se comporte bizarrement avec lui. En effet, il est beaucoup question de volatiles et de subtils décalages dans le vocabulaire (coquille, plume...), à une lettre près (mort/mot ; cage/page ; calotte/culotte), ce qui crée des coquilles, des lapsus écrits et de magnifiques perles.

Rivages poche, 2025, 208 pages. 

mercredi 25 juin 2025

Darwin intime

C'est la biographie en bande dessinée la plus désopilante, incroyable mais vraie : Dans les pantoufles de Darwin (je vous laisse apprécier le titre), de Camille Van Belle et Adrien Miqueu
Les auteurs sont scientifiques (donc très sérieux) et se sont basés notamment sur l'immense correspondance de Charles Darwin, soit 15 000 lettres éditées en 30 volumes. Et visiblement, ils se sont beaucoup amusés de découvrir le personnage tel qu'on ne l'imagine pas.
Cela donne un portrait en creux, intime, du chercheur, également vu par son entourage, sa famille, ses amis... un sacré caractère, mais aussi drôle et attachant. 
On y apprend notamment qu'il a élevé des pigeons pour les étudier, puis s'est passionné pour les orchidées. Il s'est aussi beaucoup intéressé à ses enfants, d'abord pour ses expériences scientifiques, puis s'est il extasié sur leurs comportements (dixit sa femme). 
Il avait aussi de nombreux amis (et on les comprend) qui l'ont beaucoup soutenu.
Un régal !

Éditions Alixio, 2024, 200 pages.


mardi 24 juin 2025

Apprendre de ses erreurs

C'est bien connu : les erreurs font partie de l'apprentissage, voire l'accélèrent. Lorsqu'on "paye" une erreur, on ne la refait pas. Dans le milieu professionnel, c'est monnaie courante. 
Et c'est bien ce droit à l'erreur que revendique Cécile Gevrey-Guinnebault dans son essai-récit : Chères erreurs : 40 chroniques pour transformer les boulettes en pépites
L'autrice est coach
et s'inspire de la démarche de Palo Alto. Au lieu de camoufler ses bévues et ratages, elle nous les raconte avec beaucoup de verve et d'humour. 
Elle a pris soin de transposer ses expériences et de modifier les noms des personnes pour que personne ne puisse se reconnaître, et respecter ainsi la confidentialité des missions qu'on lui a confiées. 
Ses erreurs sont classées en différentes catégories : commerciales, marketing,  contractuelles, politiques, stratégiques, éthiques, relationnelles, émotionnelles, etc. 
Son livre s'adresse à tous ceux qui travaillent en entreprise ou à leur compte, et notamment dans les domaines du management, des ressources humaines, du conseil et du coaching. 
On la lit avec grand plaisir, parce que c'est drôle, instructif et surtout cela décomplexe : oui, faire des erreurs arrive à tout le monde. 

Enrick B. Éditions, 2025, 218 pages.

Bien vieillir

Le scandale du groupe Orpéa (qui a changé de nom depuis, pour tenter d'améliorer son image), révélé par Victor Castanet dans son livre Les Fossoyeurs, a fait prendre conscience de la façon dont nos personnes âgées étaient traitées, et surtout des travers de la financiarisation des maisons de retraite. Certes, il y a un net progrès depuis les dortoirs collectifs des auspices du début du siècle dernier, mais ce n'est pas encore l'idéal. 
Les trois auteurs de Bonjour Vieillesse, dont le sous-titre est Quand le bien vieillir devient un projet de société, sont Guillaume Desnoës, Thibault de Saint Blancard et Clément Saint Olive.  
Ils sont aussi les trois cofondateurs d'Alenvi, une entreprise qui propose un service d’accompagnement des personnes âgées à domicile. Ils nous invitent à réfléchir aux différentes manières de mieux nous occuper de nos aïeux, et donc de réfléchir à notre propre futur... 
Ils citent en exemple des initiatives heureuses où les personnes âgées se sentent plus utiles et où les personnes qui s'occupent d'elles sont davantage considérées. 
Il s'agit notamment de se demander ce que cela apporte aux unes et aux autres, et moins de ce que cela coûte. 
Et, surtout, ils proposent de réfléchir et participer à un Manifeste du bien vieillir. Vaste et beau programme !

Éditions de l'Aube, 2025, 120 pages.

jeudi 24 avril 2025

Marcher rend meilleur

Voilà un petit essai qui nous conforte dans l'idée que marcher fait du bien ! Thierry et Mary Anne Malleret exposent en dix chapitres Dix bonnes raisons d'aller marcher.
S'appuyant sur leur propre expérience et sur les études scientifiques, ils détaillent pourquoi c'est bon pour le corps, le cerveau, l'esprit, la prise de décision, pour s'ajuster à l'accélération du monde, mais aussi pour l'égalité, l'économie, l'environnement, l'inspiration, la créativité et la pensée... et pourquoi cela devrait être rendu obligatoire vu les profits.
La marche tout simplement nécessaire. Car, comme les auteurs l'écrivent en conclusion : 

On peut décider d'aller marcher avec l'idée spécifique d'engranger les différents bénéfices qu'offre cette activité : la garantie d'être en bonne santé et tout un tas de raisons utilitaires ; mais on peut aussi aller marcher pour le seul plaisir de le faire, et pour le bonheur de vivre le moment présent, pour un instant d’euphorie ou d'apaisement.

En effet, il y a des jours où on a la flemme, mais en se forçant un peu, on ne le regrette jamais.
Et inutile d'aller au bout du monde, de gravir des montagnes, même si c'est plus bénéfique et agréable au milieu des arbres, il suffit de faire le tour du pâté de maisons.

Éditions Paulsen, 2025, 160 pages (version poche et initialement publié en 2017).

D'autres livres sur la marche :
- Marcher de Henry D. Thoreau ;
- Marcher, Éloge des chemins et de la lenteur de David Le Breton ;
- Randonneuses, le guide de Clémence Blot et Camille Chrétien ;
- Passage piéton. Récit d'une détox numérique par la marche de Laurence Bril ;
- Rando-vin Provence et Corse de Romy Ducoulombier.



mardi 22 avril 2025

Marcher seule ou en groupe

Pour celles qui apprécient les bienfaits de la randonnée, voici LE guide pour les randonneuses, c'est-à-dire pour les femmes, jeunes et plus âgées. Même s'il s'adresse en priorité aux femmes, comme il est très instructif, le guide est également à recommander aux messieurs qui pourraient s'étonner de certains conseils et déconstruire certains préjugés ou croyances.
Contrairement à ce que disent les autrices, Clémence Blot et Camille Chrétien (avec la participation scientifique de Chloë Chaudemanche), sur les limites de leur ouvrage pratique, il est très complet. Il aborde aussi bien les points techniques de la randonnée (préparation et itinéraire) que les aspects physiques particuliers aux femmes, des règles à la ménopause.
Il y a notamment ces questions qui préoccupent et freinent les femmes, comme la sécurité et la confiance en soi, car il est souvent délicat de partir marcher seule.
De nombreux témoignages de femmes de tous âges qui marchent enrichissent les propos et les nombreux conseils et astuces au fil des pages. Très agréable à lire, c'est le guide indispensable à avoir et à offrir pour les marcheuses !
Et bons chemins !

Éditions du Chemin des Crêtes, 2025, 256 pages.

chez le même éditeur : Rando-vin Provence et Corse


jeudi 17 avril 2025

Une indéfectible amitié

Anton est un adolescent qui vit dans une famille d'accueil. Son meilleur compagnon est un chien-loup avec qui il arpente la forêt.
Il est témoin d'une scène où une petite fille échappe à des passeurs. Il l'aide à se cacher.
À partir de là, leur amitié est scellée. Pour éviter les rouages administratifs qui la ferait placer dans une famille d'accueil, il demande de l'aide à un voisin énigmatique, manchot mais rompu à l'art de la guerre.
Dans le roman Pamoja !, Jérôme Lafargue nous embarque dans un périple mystérieux de réseaux clandestins et de caches souterraines dans la forêt.
Il est aussi question d'anciens guerriers et d'enfants cobayes... mais surtout de solidarité et d'une indéfectible amitié car Pamoja signifie ensemble en swahili.

Anton avait appris à éviter avec soin les lieux dans lesquels les embrouilles fleurissaient comme pâquerettes et boutons d’or au printemps. Son instinct le guidait, et ne le trahissait jamais. Là, il le somma d’aller voir de plus près.

Quidam éditeur, 2025, 172 pages.

Lire aussi la chronique sur le superbe roman L'ami Butler.