mardi 31 janvier 2012

Nouvelle Vague amoureuse

En voyant le film de Bresson, Au hasard Balthazar, Jean-Luc Godard tombe amoureux de Anne Wiazemsky qui tient le rôle principal. Elle n'a que faire de lui jusqu'à ce qu'elle voit ses films Pierrot le fou et Masculin Féminin, et lui écrive une lettre. Commence alors une folle histoire d'amour entre le cinéaste déjà célèbre et la jeune comédienne encore étudiante, de dix-sept ans plus jeune que lui, et mineure (la majorité était à 21 ans à l'époque).
Anne Wiazemsky a écrit une vingtaine de livres et scénarios avant de raconter cette période de sa vie dans le roman Une année studieuse. L'appellation roman est probablement une façon pudique d'exprimer son point de vue sur cette histoire, vue à travers le filtre de la mémoire et de la maturité.
C'est un peu la réponse de la bergère au berger car elle avait été choquée que Godard fasse feu de tout bois en utilisant des scènes de sa propre vie dans ses films. "Je venais de prendre une importante leçon sur les rapports étroits entre la vie intime et la création", écrit-elle.
Les personnages de ce “roman“ ont une dimension réelle puisqu'on y croise, en plus de Godard dans le rôle principal, François Mauriac (le grand-père de Anne), Antoine Gallimard (son ami d'enfance), son frère Pierre (le futur dessinateur Wiaz), mais aussi François Truffaut, Francis Jeanson, Jeanne Moreau, et même Daniel Cohn-Bendit qu'elle a rencontré à la fac de Nanterre en 1967...
Un beau tableau de cette époque, entre Nouvelle Vague et pré-68.

Éditions Gallimard, 2012, Collection Folio n° 5680, 2013, 288 pages.
Lire aussi ma chronique sur Jeune fille. 

lundi 30 janvier 2012

Rachel déballe sa bibliothèque

Ça alors ! Grâce au blog Edible Poisons, je découvre que mon amie Rachel Pothin a lu des textes sur France Culture dans l'émission de Marie Richeux "Je déballe ma bibliothèque". Elle a choisit, en autres, Notes des derniers jours de Pierre-Louis Rivière et Kafka sur le rivage d'Haruki Murakami (cliquer sur les titres pour écouter). Elle aime ces textes pour leur fantaisie, les histoires superposées et les personnages qui deviennent autres, dit-elle, elle qui est comédienne.
Avec, en prime, un extrait de Maraina, le premier opéra d'Emmanuel Genvrin (librettiste) et Jean-Luc Trulès (compositeur).
Je suis fière de vous faire écouter mes amis (Marie Richeux et Haruki Murakami ne le sont pas encore).

Un pavé dans la mare

Je pardonne aisément à Jonathan Franzen ses romans de plus de 700 pages (voir ci-dessous) : il semble qu'aux États-Unis ce soit la seule façon d'être pris au sérieux. Il s'en explique dans Pourquoi s'en faire ?, un recueil de textes revus et corrigés, parus dans la presse américaine, où il s'exprime sur divers sujets, sérieux ou plus légers, qui lui tiennent à cœur : la maladie d'Alzheimer de son père, les méthodes de promotion de l'édition, son goût pour la récup', les livres d'éducation sexuelle, son point de vue sur les livres de William Gaddis...
Ces réflexions sont mille fois plus percutantes que les longs développements de ses romans, mais pour que ses essais soient lus, il lui fallait probablement écrire un gros pavé (dans la mare de la littérature).
Un régal !

Éditions de l'Olivier, 2003, 240 pages.  

Lire aussi la chronique sur La zone d'inconfort et Les Corrections.

mercredi 18 janvier 2012

Dernières nouvelles posthumes

Appelle si tu as besoin de moi ;  
Rêves ; Vandales ; Du bois pour l'hiver et Qu'est-ce que vous voulez voir ? sont les cinq dernières nouvelles retrouvées après la mort de Raymond Carver par sa compagne Tess Gallagher. Elle écrit la postface et nous apprend que Haruki Murakami, l'écrivain contemporain, est son traducteur japonais. Je lis par ailleurs qu'il a déclaré : « Raymond Carver a été sans le moindre doute, le professeur le plus important de mon existence ainsi que mon plus grand ami en littérature ». Comme pour de nombreux autres écrivains, Carver a été et reste un modèle.
Je cite à nouveau Tess Gallagher :
« Ces œuvres nouvellement découvertes diffèrent de celles que Ray a publiées de son vivant, mais elles les complètent et les éclairent à leur façon. Quand on aime un écrivain, on ne se lasse jamais de le lire, on veut s'imprégner de tout ce qu'il ou elle a produit, en savourer toutes les facettes — la transcendance, l'inattendue et même l'inachevée. Ces nouvelles sont précieuses non seulement comme matériau brut, mais aussi dans les petits détails : le phrasé, la syntaxe, les personnages familiers et déconcertants, l'organisation minutieuse du récit. »
Rien à ajouter.

Éditions de l'Olivier, 2011, 128 pages.  

lundi 9 janvier 2012

Au bord de l'inconfort

Plus de 700 pages pour Les Corrections, c'est un peu long et c'est le seul reproche que je ferais à Jonathan Franzen pour ce livre : intéressant mais vraiment bavard, trop rallongé à grands coups de détails et digressions. Enfin, j'en suis venue à bout parce que tout se tient, et prodigieusement bien. Cependant, je pense que l'histoire de cette famille — ses ratages, ses coups bas, ses névroses, ses obsessions, ses problèmes de couples, ses rivalités fraternelles... — n'aurait pas souffert d'être légèrement condensée.
Bref (justement), j'ai nettement préféré La Zone d'inconfort : une série de textes autobiographiques ou inspirés de souvenirs. Il se moque de la gaucherie de l'adolescent qu'il a été, il raconte sa passion pour Charlie Brown ou pour l'ornithologie. Et il faut écrire sacrément bien pour intéresser le lecteur (c'est-à-dire moi) à cette étrange passion qui consiste à attendre des heures derrière un buisson pour voir tel ou tel oiseau rare. Je me demande qui est l'oiseau rare... Il avance en petites touches subtiles, contrairement à la surabondance pesante des Corrections.
Quant à Freedom, qui dépasse également les 700 pages, j'attendrai un peu.

Les éditions de l'Olivier publient la plupart des livres de Jonathan Franzen.   

Lire aussi ma chronique sur Pourquoi s'en faire ?