jeudi 18 août 2011

La vie est triste et le désir une fin

On m'a offert ce livre de Patrick Lapeyre pour le titre : La vie est brève et le désir sans fin. Tout un roman. Comme quoi, dans une librairie, souvent, on achète un livre parce que le titre nous parle déjà, parce que la couverture est jolie ou parce que l'éditeur est sérieux, en l'occurrence P.O.L.
Le roman a reçu le Prix Fémina, ça aide aussi à choisir.

Au début, j'ai eu du mal à accrocher à l'histoire : deux doubles vies imbriquées, c'est-à-dire un homme et une femme qui en trompent deux autres. Si encore les histoires d'amour se passaient dans la joie et la bonne humeur, mais non, aucun des personnages n'est heureux mais ils poursuivent quand même, portés par un désir plus fort. Le titre pourrait être plus explicite sous cette forme : La vie est triste et le désir une fin. C'est un peu déprimant, je vous préviens.
Ce qui rend le roman intéressant, c'est bien sûr le style délicat : des métaphores surprenantes, donc amusantes, et une certaine distance qui traduit bien la mélancolie et le fatalisme des narrateurs. Les dialogues aussi sont très justes. Et voilà comment on arrive à la fin du roman, dans une légèreté ouatée et engourdie. Finalement, la poésie va bien au spleen.

Éditions P.O.L, 2010, 352 pages. 

mardi 9 août 2011

Livres en randonnée

Faute de partir en randonnée à cause des chaleurs excessives de l'été, ce sont les livres qui se baladent et sortent librement des bibliothèques. C'est le principe de Livres en randonnée, comme celui de Passe-Livre ou BookCrossing ou celui de Lire à la plage.
Cet été, à Vaison-la-Romaine, comme ailleurs dans le monde, des livres sont mis à la disposition des passants, en divers points de la ville, dans la rue, sur un banc ou un muret. Une petite étiquette indique le mode d'emploi : on emprunte, on lit, on remet en circulation l'ouvrage et on le fait voyager.
Plutôt que de jeter ses livres, autant en faire profiter des vacanciers oisifs... L'initiative est belle mais j'ai eu du mal à trouver un titre intéressant jusqu'à ce que je tombe sur Le journal d'une femme de chambre d'Octave Mirbeau.
Et voilà comment "La femme de chambre", rencontrée près d'une fontaine de la vieille ville de Vaison, trouvera peut-être un nouvel emploi sur la plage des Catalans à Marseille, à moins qu'une copine la recueille quelques jours chez elle avant de la confier à quelqu'un d'autre...

dimanche 7 août 2011

L'écrivain analphabète

Agota Kristof, femme de lettres hongroise, est décédée le 27 juillet 2011, dans son pays d'exil, la Suisse.
La vie de cette femme a été marquée par la lecture, l'écriture, les langues... à contre-cœur parfois.
Alors qu'elle sait lire en hongrois à l'âge de quatre ans, le russe devient la langue officielle après la guerre dans son pays, qu'elle fuit à 21 ans avec son mari et son bébé. Réfugiés en Suisse, il faut apprendre encore une autre langue, le français, qui sera celle de son écriture.

Éditions Zoé, 2004, 60 pages.
Dans son récit autobiographique L'analphabète, elle raconte ces années d'enfance, d'adolescence et d'exil qui la coupera à jamais de son pays et surtout de sa famille. Elle raconte que, sur le groupe qui fuit clandestinement la Hongrie occupée, beaucoup ne supporteront pas cette fausse liberté, déracinés, coupés à vie de leurs racines et des leurs. Les autres survivent, dans le déchirement et la solitude qui empêchent à jamais le bonheur.
La lecture de la trilogie — qui commence par Le grand cahier, se poursuit par La preuve et se termine par Le troisième mensonge — a été un véritable choc. L'univers est effrayant : noir, cinglant (cinglé aussi), cru, politiquement incorrect.
Éditions Points, 2014, 192 pages.
Si vos vacances sont gâchées par le mauvais temps ou un quelconque contretemps, le sombre destin d'Agota Kristof vous permettra de relativiser...

Éditions Points, 1995, 192 pages.