dimanche 30 avril 2023

La pionnière de l'écoféminisme

L'autrice, Élise Thiébaut, journaliste féministe au style enlevé et plein d'humour, a redonné vie à Françoise d’Eaubonne qui était tombée dans l'oubli dans cette passionnante biographie : L’Amazone verte. Le roman de Françoise d'Eaubonne.
Trop en avance sur son temps, cette pionnière, qui était de tous les combats, est désormais considérée comme une visionnaire puisqu'elle avait vu pas mal de travers actuels qui ne nous sautaient pas aux yeux autrefois.
C'est notamment l'écoféminisme (écologie + féminisme, un terme qu'elle a inventé, comme phallocrate ou sexocide) qui revient sur le devant de la scène avec la mise en cause du patriarcat destructeur de la planète et oppresseur des minorités, dont les femmes, les homosexuels, les étrangers, etc.
Élise Thiébaut revisite le parcours incroyable de cette femme à la personnalité hors du commun, engagée jusqu'à déposer une bombe sur le chantier de la future centrale de Fessenheim.
Pour nous, elle a rencontré ceux qui l'ont connue et a exploré une bonne partie de son œuvre colossale.
En effet, Françoise d’Eaubonne a écrit plus d'une centaine d'ouvrages très variés, à la fois essais, poèmes, biographies, pamphlets, romans de science-fiction...
Et c'est grâce à
Élise Thiébaut, directrice de collection aux éditions Le Diable Vauvert, que son pamphlet Le Sexocide des sorcières est réédité.
Instructif et passionnant.

Éditions Charleston, mars 2021, 256 pages.

Élise Thiébaut a aussi écrit les excellents essais : Ceci est mon sang. Petite histoire des règles, de celles qui les ont et de ceux qui les font et Les règles... quelle aventure ! pour les jeunes ; et sur l'identité Mes ancêtres les Gauloises. Une autobiographie de la France

samedi 22 avril 2023

Mamie par Fabié

Lors d'une lecture à voix haute, j'ai pleuré de rire en écoutant un extrait de Je serai jamais morte, tant le personnage de cette grand-mère est universel, criant de vérité, qui nous rappelle forcément la nôtre (ou notre mère, selon notre âge).
Fabien Drouet rend hommage à sa Mamie, avec qui il cohabite.
Elle a un sacré caractère et elle est un peu dure d'oreille, ce qui donne lieu à des malentendus, des quiproquos, des incompréhensions de générations ou de joyeuses connivences.
Elle hèle à tous propos son petit-fils d'un Fabiééé tonitruant.
Il y a donc des scènes de la vie quotidienne (celle de la liste de course est excellente), sous forme de dialogues, mais aussi, par petites bribes, des souvenirs de cette femme de plus de 80 ans.
C'est drôle, étonnant, cocasse, émouvant...Vraiment charmant.

Vivre avec sa grand-mère
c'est aussi écrire
une espèce de poème
avec en bruit de fond
Questions pour un Champion

Il faut aussi souligner le travail de la maison d'édition des Lisières, de Maud Leroy, avec ses livres très soignés : une couverture souvent réalisée en typographie au plomb et linogravure (avec les éditions Harpo&).
Bravo.

Éditons des Lisières, 2022, 104 pages.

jeudi 20 avril 2023

La source d'Eaubonne

Voici la réédition d'un pamphlet paru en 1999 de Françoise d'Eaubonne, considéré comme un livre culte par les féministes et écoféministes : Le sexocide des sorcières.
Bien avant Mona Chollet, Françoise d'Eaubonne parle de ces massacres, sujets brûlants s'il en est, où les femmes sont chassées littéralement de la scène publique, interdites de parole et de visibilité, du XVe au XVIIe siècles.
Sous prétexte de sorcellerie, ce sont des milliers de femmes qui sont exterminées. Pourquoi ? Pour différentes raisons : la peur de l'autre, l'incompréhension (notamment du corps et de la sexualité des femmes), l'intolérance, le sadisme, la superstition, le sexisme bien sûr, l'idiotie et la folie des hommes le plus souvent. Il faut bien trouver un bouc émissaire.
De nos jours encore, la menace perdure. Sans parler des droits des femmes en recul, il existe toujours cette croyance tenace en un pouvoir exercé par les femmes et leurs charmes (avec une connotation magique) qui relèveraient de l'envoûtement ! Là encore, l'obsession sexuelle des hommes et leur irrépressible désir retournent la situation.
Tout cela ne serait donc que projections, aux conséquences dramatiques.
Grâce à Élise Thiébaut qui dirige cette nouvelle collection, Nouvelles Lunes au Diable Vauvert, et qui a écrit, entre autres, une biographie romancée, L'Amazone verte. Le roman de Françoise d'Eaubonne*, Françoise d'Eaubonne commence à sortir de l'oubli et reprend son flambeau de précurseuse. Elle était en effet visionnaire, donc un peu trop en avance sur son temps, et probablement incomprise. D'ailleurs, elle en était consciente et déclarait qu'elle ne serait appréciée qu'après sa mort. Née en 1920, elle se déclare très tôt féministe, alors qu'elle est encore enfant, et s'engage plus tard dans le MLF. Elle crée de nombreux néologismes que l'on emploie désormais couramment : écoféminisme, phallocrate, et sexocide.

Éditions Au Diable Vauvert, collection Nouvelles Lunes, 2023, 80 pages.

*Éditions Charleston, 2021, 256 pages. 

Élise Thiébaut a aussi écrit L'Amazone verte, Ceci est mon sang et Mes ancêtres les Gauloises.


samedi 1 avril 2023

L'écriture comme une renaissance


Dans Karen et moi, Nathalie Skowronek* nous invite à découvrir, à travers la vie flamboyante de Karen Blixen, comment la littérature peut être une véritable source d'inspiration. Elle mêle les parcours de la femme de lettres danoise et de la narratrice.
Rappelons que Karen Blixen a notamment écrit La Ferme africaine, un récit d'abord publié sous un pseudonyme masculin, et dont s'est inspiré Sydney Pollack pour son film Out of Africa.
Alors qu'elle était une jeune femme au début du XXe siècle, Karen s'étiolait dans son milieu aristocratique danois. Elle trouve une échappatoire avec la rencontre d'un baron suédois — un aventurier volage qui chasse toutes sortes de gibiers — et le suit au Kenya pour cultiver le café.
En Afrique, elle s'épanouit enfin. Mais, comme la mère de Marguerite Duras dans Un Barrage contre le Pacifique, elle se bat seule et finit par capituler contre ses terres qui n'offrent pas les conditions nécessaires aux plantations.
La narratrice de Karen et moi est fascinée depuis l'enfance par la vie de cette femme de lettres extraordinaire. Elle entreprend l'écriture de sa biographie et part sur ses traces, en Afrique et au Danemark.
Elle voudrait, elle aussi, fuir le parcours que son milieu semble lui imposer et vivre enfin la vie dont elle rêve.
C'est un parcours initiatique émouvant où littérature et écriture offrent une source d'inspiration et permettent une véritable renaissance.

Thomas croit au talent de sa sœur ; il ne cesse de lui répéter qu'elle ne se sauvera qu'en plaçant l'art au centre de sa vie.
— Tu as les moyens de transformer ta souffrance en matière féconde, lui dit-il. Écris, Tanne, écris.
Karen le sait, bien sûr. Tout son être le lui dit. Mais il reste encore à Karen à plonger et faire sienne cette phrase de Van Gogh : « Dans la peinture, je ne cherche que le moyen de me tirer de la vie. » Cela ne saurait tarder. Car ce n'est que lorsqu'on n'a plus rien à perdre que l'art peut commencer. Karen y est. Tout en bas de l'échelle, elle qui a tant eu conscience de son rang.

Arléa, 2013, 176 pages.

* Nathalie Skowronek est élue à l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique.

L'édition originale avec le portrait de Karen Blixen.