mardi 21 décembre 2010

L'autre écrivain de la jubilation du hasard

Le grand maître des coïncidences qui tombent à pic, de ces "jubilations du hasard" qui passionnent Christian Garcin, est Paul Auster.
Chez l'écrivain américain, j'aime particulièrement les récits autobiographiques et les essais : L'invention de la solitude (comment il est devenu écrivain grâce à l'héritage que lui laisse son père), L'art de la faim (comme Christian Garcin dans Labyrinthes et Cie, il parle de ses auteurs de prédilection, dont Kafka), Le carnet rouge (une collection de concours de circonstances), La solitude du labyrinthe (des entretiens avec Gérard de Cortanze)(décidément encore les labyrinthes !), Le diable par la queue, Pourquoi écrire ? (récits autobiographiques), Je pensais que mon père était Dieu (recueil d'histoires vraies qui dépassent la fiction racontées par les auditeurs d'une radio où Paul Auster animait une émission)...
J'aime bien aussi les passerelles avec l'œuvre de Sophie Calle que Paul Auster décrit dans Léviathan à travers le personnage de Maria. L'artiste française a ensuite réalisé les œuvres inventées par l'écrivain (Gotham Handbook) puis lui a demandé de lui en inventer d'autres.
Voilà d'autres chemins intérieurs, d'autres passages souterrains...

En France, toute l’œuvre de Paul Auster est publiée chez Actes Sud.

vendredi 17 décembre 2010

Labyrinthes et sorties jubilatoires

Je continue mon exploration de l'œuvre de Christian Garcin avec Labyrinthes et Cie (essai, éditions Verdier), La jubilation des hasards (roman, éditions Gallimard) et Carnet japonais (récit de voyage, éditions L'escampette).
Christian Garcin est fasciné, entre autres, par les terriers, les grottes et les souterrains. Au départ, un peu claustrophobe, je finis par y voir plus clair, comprendre son cheminement et prendre mes repères dans son dédale d'écriture. Mais comme je n'ai pas encore lu sa trentaine de livres, je n'ai encore qu'une partie du puzzle et des passerelles entre les différents livres... Car chacun d'eux trace une sorte de topographie de son territoire qui serait, finalement, aussi le nôtre.
Dans Labyrinthes et Cie :
Car l'essentiel bien sûr est de ne pas oublier qu'on ne lit jamais, mais qu'on se lit en autrui.
Dans La jubilation des hasards :
Je fermai les yeux, et acquis la certitude que ce que je venais de penser était l'évidence même : depuis longtemps, je m'échappais à moi-même, c'était une fuite passive, une sorte de très lent effondrement dont j'étais le spectateur impuissant. Il me fallait me récupérer, sinon je finirais par disparaître, va savoir où.
Se perdre, errer, c'est une chose, mais s'échapper à soi-même, s'anéantir, voilà la véritable impasse.





dimanche 28 novembre 2010

Des nouvelles de Carver ?

Raymond Carver a le chic pour nous raconter des histoires dramatiques avec de jolis titres : "Les vitamines du bonheur", "Une petite douceur", "Parlez-moi d'amour"...
Ses personnages vacillent au bord du précipice, démunis à tous points de vue, leurs rêves abandonnés loin derrière... Les dialogues brefs pèsent des tonnes.
Carver capte une atmosphère avec trois fois rien, un détail sculpté ("carver" signifie "sculpteur") en quelques mots. Noirs, très noirs, mais bruts, sans pathos.
Il est considéré comme un spécialiste de la nouvelle, c'est-à-dire de l'histoire courte et tragique, comme la sienne, puisqu'il est mort à 50 ans, noyé de l'intérieur dans l'alcool.
Bon, je ne voudrais pas vous décourager mais c'est tellement réaliste que cela vous prend à la gorge et vous happe en entier.
Vous m'en direz des nouvelles...

En France, les éditions de l'Olivier publient l'œuvre complète de Raymond Carver.

samedi 27 novembre 2010

Indigènes de tous pays, indignons-nous !

Stéphane Hessel, 93 ans, est un homme très Résistant et indigné depuis le nazisme (et sûrement avant) car le "motif de base de la Résistance, c’était l’indignation". Contrairement à ce qu'on pourrait croire en temps de paix, aujourd'hui, les raisons de s’indigner ne manquent pas. "Cherchez et vous trouverez", incite-t-il : "l’écart grandissant entre les très riches et les très pauvres, l’état de la planète, le traitement fait aux sans-papiers, aux immigrés, aux Roms, la course au "toujours plus", à la compétition, la dictature des marchés financiers et jusqu’aux acquis bradés de la Résistance : retraites, Sécurité sociale…"
En plus, j'aime bien ce monsieur amoureux de poésie qui a écrit une anthologie "Ô ma mémoire : la poésie, ma nécessité". Et je me souviens de cette interview sur France Inter où il racontait que sa mère était celle qui avait inspiré le roman "Jules et Jim".

Le texte "Indignez-vous", qui appelle à une insurrection pacifiste, est édité par Indigène Éditions et fait un carton : déjà 200 000 exemplaires. La spécialité de ce petit éditeur de Montpellier est l'indigène au sens très large : Aborigènes, Indiens d'Amérique, Inuits, Maoris, Papous, Tibétains… mais aussi "tous ceux qui, chez nous, se sentent les otages de systèmes culturels, politiques et économiques dans lesquels ils ne se reconnaissent pas".
Dans la même collection "Ceux qui marchent contre le vent" (textes militants en faveur d'une révolution des consciences à 3 euros), on trouve aussi "Je suis prof et je désobéis", "L'art de vivre au maximum avec le minimum"...
Indigènes de tous pays, indignons-nous !

Indigène Éditions, 2010, 30 pages.


samedi 20 novembre 2010

Comment aborder Nietzsche sans se fatiguer

Vite dit, d'aborder Nietzsche sans se fatiguer... Nietzsche, Se créer liberté s'adresse plutôt à des lecteurs qui ont déjà un minimum de références. Ne serait-ce que pour comprendre que, par exemple, le personnage de Paul est Paul Rée, que celui de Lou est Lou Salomé. Quoique, l'horrible sœur détestée nous le confirme à la fin...
Personnellement, cela me donne envie d'en savoir plus, d'entrer dans les détails. Justement, la BD serait-elle parfois une porte d'entrée vers des œuvres plus complexes ?
En attendant, moi qui ne suis pas une lectrice de BD, je me suis laissée absorbée par l'ambiance de ces dessins, souvent sans bulles. Le dessinateur Maximilien Le Roy s'est inspiré d'un script cinématographique de Michel Onfray : L'innocence du devenir, La vie de Frédéric Nietzsche. Il a aussi suivi les traces du philosophe allemand en voyageant en train à travers l'Allemagne, la Suisse et l'Italie, d'où ces paysages et ces nombreuses gares, comme un fil conducteur. Et ces scènes silencieuses qui en disent long sur l'isolement d'un homme préoccupé par sa recherche, incompris de son vivant et trahi par sa sœur.
À suivre, donc, puisqu'il s'agit du tome 1 (signe d'une suite annoncée ?).

Éditions Le Lombard, 2010, 126 pages.

vendredi 19 novembre 2010

J'ai aimé "J'ai grandi"

Oui, j'avoue, je débarque : je "découvre" Christian Garcin. Combien d'auteurs quasi inconnus (de moi seule, peut-être...) et qui ont publié plus de trente ouvrages ? Comme quoi, on parle toujours des mêmes...
Donc, je le découvre en lisant un livre passionnant regroupant une série d'entretiens avec des écrivains qui parlent de leurs grands-parents (À nos aïeux de Sylvie Tanette, judicieusement offert par mon amie Nadine).
Est-ce son séduisant portrait qui m'attire ? Son enfance à Marseille ?
Je cours à ma bibliothèque préférée (L'Alcazar) et j'emprunte notamment J'ai grandi.
Quelle trouvaille ce style, aussi alambiqué et savoureux que Proust, avec cette mise en page astucieuse en paragraphes qui permettent des digressions sans perdre le fil du récit !

Éditions Gallimard, Collection L'un et l'autre, 2006,168 pages.

dimanche 7 novembre 2010

Suivez les guides

Vous cherchez des idées de lectures, si possible passionnantes ?
Moi aussi ! 
Un bon filon est de suivre les conseils des écrivains que vous aimez : dans les interviews, on leur demande souvent quels auteurs les ont eux-mêmes influencés, leur ont donné envie d'écrire, ou quels livres ils auraient aimé écrire... 
Dany Laferrière cite souvent les auteurs qu'il aime et je sais que je vais les aimer aussi. 
Mais, alors que je ne suis pas passionnée par les livres de Philippe Djian (néanmoins fan de ses chansons pour Stephan Eicher), je lis avec plaisir ses interviews sur sa façon d'écrire et ses goûts de lecture. Par exemple, dans le magazine Lire, il citait Jay McInerney : "Je viens de finir son dernier recueil de nouvelles, Moi tout craché : j'aurais aimé l'écrire.
Hop ! je suis le guide, et en effet : c'est sidérant ! Moi aussi, j'aimerais bien avoir ce talent et son humour pour décrire ce type ivre dans une boîte de nuit qui fuit sa solitude dans la drogue et les sorties nocturnes et qui a finalement un brin de lucidité pour se rendre compte de sa vanité et des rencontres illusoires où cela l'entraîne. Et d'autres personnages incroyables mais si bien crachés dans les autres nouvelles...

Éditions de l'Olivier, 2009, 304 pages.

vendredi 5 novembre 2010

On n'est pas sortis de la bibliothèque !

On parle beaucoup de certains livres sans les avoir lus et les plus virulents adversaires sont souvent ceux qui n'ont pas ouvert une page.
Je me suis donc dit : "Tiens, je vais lire le pavé (dans la mare) du philosophe Michel Onfray sur Freud : Le crépuscule d'une idole, l'affabulation freudienne."
Ah ! il n'y va pas avec le dos de la pelle... L'avantage, c'est qu'il écrit très bien et que le style est clair. C'est séduisant. On ne demande qu'à croire sa méthode d'avoir lu l'œuvre complète, les correspondances et les biographies, et d'apporter un éclairage différent...
Mais du coup, on se demande pourquoi il a besoin de frapper si fort : l'idole est-elle si solide ou les croyances si profondément ancrées ? Certainement.
Dans la foulée, j'ai lu aussi la réponse à la tentative de démolition : Mais pourquoi tant de haine ?, d'Élisabeth Roudinesco, historienne et psychanalyste. Elle est convaincante, elle aussi, apparemment plus apaisée donc plus crédible.
Alors que croire ?
D'aucuns prétendent que les traductions déforment les propos : pour comprendre Freud, il faudrait lire Lacan, Deleuze, Derrida... Et dans la foulée, "Le livre noir de la psychanalyse", puis "L'anti livre noir de la psychanalyse"...Vaste programme qui ne laisse entrevoir que la surface de l'iceberg !
Vu à Marseille, dans une traverse.
On n'est pas sortis de la bibliothèque !

PS : Je viens d'apprendre que Michel Onfray répond à son tour avec "Apostille au crépuscule" que j'attends de lire avec impatience quand il sera disponible à la bibliothèque...
Affaire à suivre !

lundi 1 novembre 2010

Pina Bausch, toujours là !

Que l'on connaisse ou non Pina Bausch, ce documentaire est très émouvant. Des adolescents reprennent un des spectacles de la chorégraphe allemande, sous la direction de deux danseuses de la compagnie du Tanztheater. Issus de différentes écoles de la ville de Wuppertal, ils n'ont jamais dansé et se lancent dans l'aventure. C'est leur cheminement que les réalisateurs, Anne Linsel et Rainer Hoffmann, ont filmé en 2008 dans "Les rêves dansants, sur les pas de Pina Bausch". La grande dame apparaît peu dans le film et pourtant sa personnalité plane en permanence.
Ceux qui connaissent le travail de celle qui a inspiré toute la danse contemporaine depuis les années 70, retrouveront avec émotion ce style bien à elle qui met en scène toute l'étendue des rapports humains, de la tendresse à la violence... Ce n'est pas seulement de la danse, pas tout à fait du théâtre, puisqu'elle a complètement révolutionné le genre, au-delà de l'expression corporelle, qui inclut des fragments de scénettes, voire des gags, la parole ou le cri, la poésie ou le choc du geste, le quotidien et l'extraordinaire.
Depuis la disparition en 2009 de la chorégraphe, les danseurs de la compagnie continuent à monter son œuvre, soit plus de 40 spectacles.
Ouf ! Pina Bausch est toujours là.

jeudi 14 octobre 2010

Le bonheur est (presque) parfait

Pour mon anniversaire, Valérie m'a offert L'homme qui voulait être heureux, que j'avais déjà lu et moi-même offert plusieurs fois... Du coup, je l'ai passé à Romuald.
Hé oui ! comme des milliers de lecteurs, puisqu'il cartonne en tête des ventes, les livres de Laurent Gounelle (lire aussi Dieu voyage incognito) m'enchantent par le plaisir constructif qu'ils procurent.
Ce spécialiste du développement personnel a eu l'excellente idée d'écrire des romans pour donner ses recettes du bonheur et faire passer des messages positifs.
Bon, tout n'est pas parfait... le seul bémol, c'est le style : pas très littéraire à mon goût, parfois un peu maladroit, notamment dans les descriptions. Mais le propos n'est pas là, je lui pardonne volontiers : le fond est tellement passionnant qu'on oublie les petits inconvénients de la forme.
Le bonheur est (presque) parfait !

samedi 2 octobre 2010

Mail art et boîtes à l'être

Jusqu'au 30 octobre 2010, à Marseille, à la Maison de l'artisanat et des métiers d'art, cours d'Estienne d'Orves : Les Feuillets voyageurs, une très riche exposition de lettres d'art et de calligraphie, dont un hommage à Saint-Exupéry... Un passionnant travail, ou violon d'Ingres, de virtuoses et de passionnés.
Cela donne envie d'écrire des lettres, d'envoyer des courriers délirants, de lancer des défis postaux...
J'y suis allée, je n'ai pas tout vu et j'y retournerai !

mardi 28 septembre 2010

Biographe, ou la mémoire de nos pairs

Vous connaissez mon autre activité de biographe pour particuliers (sinon, voyez mon site : www.mariemartinez.fr). C'est ainsi que mon amie Viviane tombe sur un roman qui parle d'un biographe et, ni une ni deux, me l'expédie en direct de son libraire préféré.
C'est La légende de nos pères de Sorj Chalandon : l'histoire d'un homme qui a laissé partir son père sans vouloir écouter ce qu'il avait à lui dire, notamment sur son passé de combattant.
Cet homme est devenu biographe, il écrit la vie des autres (faute d'avoir pu écrire celle de son père ?). Un jour, il écoute le récit d'un homme, ancien résistant, comme son père. Mais parfois, les secrets et les non-dits crient plus forts que le silence...
Je ne vous en dis pas plus : c'est excellent !
Je me demande d'ailleurs pourquoi Sorj Chalandon n'a pas eu de Prix littéraire... comme quoi, il doit y avoir trop de talents et pas assez de Prix. Ou bien le talent n'a pas de prix.

Éditions Grasset, 2009, 256 pages. 

dimanche 19 septembre 2010

Fan de Trinidad

Dans la série "spectacles vivants", option one-woman-show, je suis fan de Trinidad.
Les titres de ses spectacles valent à eux seuls le déplacement : "Peut-on avoir été conçu dans l'amour et faire la gueule dans les transports en commun ?", "La conversion de la cigogne ou l'avantage de naître avec le sens de l'humour dans un milieu hostile" ou "Le Miroir ou comment savoir à ce point ce qu'on veut faire de sa vie et avoir autant de mal à y arriver".
J'ai tout vu, voire revu (je suis vraiment fan) et j'y ai chaque fois emmené des ami(e)s qui ont été également enchantés. Hé ! c'est l'occasion de témoigner en commentaires, les ami(e)s !
On pleure beaucoup pendant ses spectacles : surtout de rire et aussi d'émotion.
Et comme on voudrait tout retenir de ses tirades percutantes et de ses préceptes... on peut lire et relire le texte grâce au livre ou revoir la pièce grâce au DVD.
Devenez fans de Trinidad !

Toutes les infos, les programmes, la boutique sur :
www.trinidad-g.com

mercredi 15 septembre 2010

Jusqu'au 22 septembre à La Criée !

Hier soir, je suis allée voir Product, une pièce d'un Anglais, Mark Ravenhill, mise en scène par Sylvain Creuzevault, au théâtre de La Criée de Marseille. J'ai adoré.
Le numéro d'acteur de Christian Benedetti est impressionnant ! C'est l'histoire d'un producteur qui veut convaincre une actrice de jouer dans son film : il lui joue littéralement son rôle, décrivant le scénario, les images, le montage, ce qu'elle ne dira pas avec des mots et qu'elle dira avec les yeux. Bref, il y met toute son énergie et c'est épatant, souvent très drôle.
Donc, pour ceux qui habitent à Marseille (ou qui verront la pièce programmée dans leur ville), allez-y vite, vous m'en direz des nouvelles. Product passe jusqu'au 22 septembre à La Criée.

mercredi 8 septembre 2010

Le livre de la jungle, version Ingrid

Serge Scotto, excédé par la mascarade politico-médiatique de l'affaire Ingrid Betancourt, a eu l'idée de raconter en BD cette histoire tellement burlesque qu'elle était servie sur un plateau. "La farce et les gags étaient si énormes qu'on n'aurait pas pu les inventer sans avoir l'air d'exagérer", précise-t-il. Eric Stoffel a été le seul inconscient à accepter de le suivre dans cette aventure "overpunk" pour co-écrire le scénario. Le dessinateur Richard Di Martino l'a mis en images en un temps record, façon Spirou classique : inutile d'en rajouter dans le délire. C'est à peine caricatural et parfaitement documenté sur les faits réels.
Le scoop ! Et voilà que cette BD, qui sortira le 15 septembre 2010 chez Fluide Glacial, intrigue déjà les médias du monde entier — même les Colombiens — curieux de connaître le point de vue français de cette affaire.
J'ai eu la chance de rencontrer les trois auteurs hier soir, lors d'un dîner-débat au Don Corleone, le restaurant d'Alfred et Sophie Mauro (qui ont également apporté leur grain de sel à la BD).

samedi 4 septembre 2010

Voleurs et menteurs ?

Et pourquoi on ne parlerait pas de cinéma dans ce blog ?
Surtout s'il s'agit d'un bon moment à passer en compagnie, entre autres, d'écrivains qui se font traiter de "voleurs et menteurs".
Tamara Drewe, de Stephen Frears, est inspiré du livre graphique de Posy Simmonds.
Une crème (de comédie) anglaise !

Éditions Denoël, 
collection Denoël Graphic, 2010, 136 pages.


La vie textuelle de Marie M.

Le titre de ce blog, L'avis textuel de Marie M. a une petite histoire, que voilà.
Cela remonte au début des années 2000. Mon ami André Pangrani avait lancé le journal Le Margouillat, petit frère du Cri du Margouillat, revue mythique de bande dessinée de l'île de La Réunion créée par Boby Antoir. Il souhaitait ouvrir les pages à d'autres courants artistiques que la BD.
Il avait notamment demandé à Pierre-Louis Rivière d'écrire un feuilleton, à Laurent Segelstein de parler d'art contemporain et à moi-même de rédiger des chroniques de livres. Nous avions décidé que je les signerai Marie M.
André me faisait parfois des suggestions de sujets, et m'avait notamment proposé de parler du récit de Catherine Millet, La vie sexuelle de Catherine M., qui venait de sortir et faisait scandale.
J'avais lu Catherine Millet, spécialiste de l'art contemporain et fondatrice de la revue Art Press et, comme beaucoup, j'avais été surprise par l'exposé de ses expériences sexuelles à la cadence infernale. La polémique autour du livre ne faisait bien sûr référence qu'au sujet de fond, sa vie sexuelle, alors que son intérêt est surtout dans sa forme artistique.
C'était la belle surprise du livre : son style, rigoureux et distant, et une réflexion intellectuelle pour le moins originale pour parler de sexe. En effet, en critique d'art, l'autrice ne se contente pas d'énumérer et relater. Elle analyse sa vie sexuelle comme une collection d'œuvres d'art en quatre chapitres (Le nombre, L'espace, L'espace replié, Détails) et l'organise comme une visite guidée de l'innombrable collection d'une obsessionnelle. En littérature, tout est question de style.
Donc, le titre de mon blog vient de cette chronique dans Le Margouillat car, à la fin, pour faire un jeu de mot, j'avais prévu comme chute : "Voilà, c'était l'avis textuel de Marie M."
Mais la phrase avait été coupée à la maquette, prétendument parce qu'elle créait une répétition inélégante avec ma signature qui suivait. J'avais été frustrée en découvrant la suppression à la parution du journal. C'était comme si on m'avait coupé la parole. Aussi, lorsqu'il a été question de trouver un titre à ce blog (que j'ai créé pour faire suite à cette expérience très heureuse et drôle de chroniqueuse littéraire du Margouillat), je me suis libérée de l'unique petite frustration de cette aventure, et j'ai ressorti mon jeu de mot, d'autant que j'allais pouvoir écrire librement, sans qu'on me coupe.

Éditions Points, 2002, 264 pages.

jeudi 2 septembre 2010

Les allumés Suédois

Deux romans suédois à faire fondre la banquise.
Le titre du premier, Le mec de la tombe d'à côté, est déjà tout un programme. Une intellectuelle citadine et un éleveur de vaches s'assoient sur le même banc au cimetière : une rencontre invraisemblable. Et pourtant, "il n'y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas"... Ces deux-là sont si attachants qu'on aimerait vraiment les voir heureux ensemble... Que vont-ils trouver pour vivre leur passion alors que leurs univers sont incompatibles ? L'auteur, Katarina Mazetti, leur donne la parole à tour de rôle, chapitre par chapitre, dans un style plein d'humour et de tendresse. Oui, j'avoue : à la fin, j'avais le cœur serré et les larmes aux yeux.
Les chaussures italiennes de Henning Mankell : c'est tout simplement prenant comme la glace qui, l'hiver, relie cette minuscule île à la terre. Ici, vit reclus un ancien chirurgien, depuis la "catastrophe". Il a un chat, un chien et une fourmilière qui envahit son salon... Il a beau se planquer, le passé le rattrape et tout chavire. Ce sont des femmes (évidemment !) qui vont le sortir de son isolement et l'obliger à réagir : son premier amour, une activiste excentrique et une éducatrice pas si manchote... Une belle galerie de portrait d'originaux qui ont choisi de vivre différemment, fidèles à leurs idéaux. Un régal !

Le mec de la tombe d'à côté de Katarina Mazetti, éditions Actes Sud, Babel Poche, 2013, 256 pages.

- Les chaussures italiennes de Henning Mankell, éditions Points Poche, 2013, 384 pages. 

mardi 31 août 2010

Un poète (presque) japonais

Je partage avec Dany Laferrière le goût des écrivains japonais. D'ailleurs, c'est lui qui m'a orientée vers Junichirô Tanizaki qu'il citait dans l'un de ses livres comme le plus grand auteur érotique. Pourtant, son roman Je suis un écrivain japonais est bien le seul qui m'ait déçue. Je ne l'ai pas suivi dans ces méandres.
J'ai adoré tous ses livres sur son enfance à Haïti : L'odeur du café, Pays sans chapeau, Le charme des après-midi sans fin... Je lirais Dany Laferrière sans fin : un style simple, lucide, tendre... On y sent l'odeur des mangues trop mûres qui s'écrasent dans le jardin et qui me rappelle une autre île où l'on parle français et créole : La Réunion. On y sent l'odeur du café que sa grand-mère Da buvait interminablement sur sa terrasse. Cependant, la situation politique à Haïti est plus que tendue avec les Duvalier qui se succèdent au pouvoir. Son père a dû fuir la dictature sous Papa Doc et Dany doit s'enfuir à son tour sous Baby Doc. Le cri des oiseaux fous parle des vingt-quatre heures qui ont précédé son exil.
Il y a aussi ses romans érotiques façon "Bukowski Noir" : Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer, Éroshima... où il s'amuse des clichés sur les écrivains et l'alcool, les Noirs, la musique et le sexe...
Et puis c'est le désarroi avec Je suis fatigué, où il annonce sa décision d'arrêter d'écrire après ce qu'il appelle son "autobiographie américaine" de dix premiers romans. Qu'il oublie vite, fort heureusement.
Justement, c'est avec L'énigme du retour que Dany Laferrière devient un écrivain japonais. Il ne le dit plus, il le prouve. Sur les traces d'Aimé Césaire et son "Cahier d'un retour au pays natal", il découpe ses phrases comme des poèmes en prose et son style photographique flashe comme des haïkus.

Éditions Grasset, 2009, 304 pages. 

mardi 24 août 2010

Que justice soit faite...

Éditions Grasset, 2009, 288 pages.
Voilà un autre livre que je n'avais pas spécialement envie de lire, pour d'autres raisons : la drogue, la vie des people et des clubbers... ne me passionnent pas plus que ça. Mais, la rumeur laissait entendre que Frédéric Beigbeder avait livré "Un roman français" plus profond que ses précédents, et le prix Renaudot allait dans ce sens. Dans les mêmes conditions que "Le quai de Ouistreham", l'occasion m'est donnée de le lire (merci Mimi, merci maman). Ma très-belle-sœur Françoise l'attrape au vol et ne m'en dit que du bien. Lorsque mon tour vient, en effet : c'est fin, c'est bien écrit, c'est touchant (d'autant que, de la même génération, nous avons des références communes) et plein d'humour (il ne lésine pas sur l'autodérision).
D'ailleurs, le sujet des conditions épouvantables des gardes à vue me fait penser au récit émouvant et violent de René Frégni : "Tu tomberas avec la nuit". Âmes (trop) sensibles s'abstenir.

Éditions Gallimard, 
Collection Folio n° 4970, 2009, 176 pages.

Contre toute attente...

Le quai de Ouistreham : j'en avais beaucoup entendu parler et j'admirais la démarche de Florence Aubenas, mais je rechignais à la lire, de crainte de me plomber le moral... Puis l'occasion m'a tendu les bras et j'ai pris mon courage à deux mains.  
Et, contre toute attente, j'ai trouvé du plaisir dans cette lecture ! 
D'abord, la journaliste écrit formidablement bien, ce qui est très agréable. Elle a le don des descriptions poétiques dans un détail, une lumière...
Ensuite, elle raconte des situations difficiles en glissant de temps en temps une pointe d'humour qui détend l'atmosphère et rend son récit humain et chaleureux. 
Alors je dis : chapeau pour la démarche et chapeau pour le style !  

Éditions de l'Olivier, 2010, 276 pages. 

L'énigme du retour

Et pour bien recommencer, je suis en train de lire le dernier Dany Laferrière : L'énigme du retour.
C'est l'auteur avec lequel j'avais commencé mes chroniques dans Le Margouillat, suivant la suggestion d'André Pangrani, rédacteur en chef, avec qui j'avais rencontré l'auteur dans un salon du livre.
Au passage, j'en profite pour lancer un appel à la personne à qui j'ai prêté mon exemplaire dédicacé de Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer. Je la remercie d'avance chaleureusement de me le retourner. Oui, c'est l'énigme du retour...

Éditions du Rocher /Le Serpent à plumes, Collection Motifs, 
1999, 170 pages.


lundi 23 août 2010

Je recommence...

J'aime lire. J'aime écrire. J'aime partager mes lectures.
J'ai donc créé ce blog pour livrer mon avis sur les textes que j'ai aimé et échanger mes passions, mes points de vue... Il s'agit bien de chroniques littéraires et non de critiques. L'objectif est de donner envie.
En fait, je recommence l'excellente expérience du Margouillat, journal culturel de l'île de La Réunion, pour lequel je rédigeais la rubrique Livres.
À suivre !