jeudi 29 décembre 2016

Paterson, poème de Jim Jarmush

Paterson est une ville de poètes (dont Allen Ginsberg et William Carlos Williams, qui a écrit un poème intitulé Paterson) du New Jersey.
Paterson est aussi le nom du personnage principal du film Paterson, un chauffeur de bus qui écrit des poèmes dans un carnet secret (ce sont les vers de Ron Padgett).
Sa jolie femme, la pétillante Laura, est une artiste qui décline tout ce qu'elle touche en noir et blanc, du sol aux rideaux jusqu'aux cupcakes et aux films qu'elle aime...
Ils ont un bouledogue anglais nommé Marvin (un chien chiant plus comique que poétique).
Paterson (on ne connaît pas son prénom ; sa femme l'appelle honey) croise des gens : un collègue plaintif, un patron de bar sympathique, un amant éploré, une petite fille poétesse, plusieurs paires de jumeaux, des passagers bavards, un poète japonais...
Tout est inspiration.
Ce film qui parle de poésie est un poème, une façon de voir la vie, même si elle semble tranquille et répétitive, dans tous ses détails et variations.
"Juste des mots écrits sur l'eau".
Jim Jarmush est un poète.

Paterson, un film de Jim Jarmush, avec Adam Driver et Golshifteh Farahani, 2016, 1 h 58.

Simplement pour dire
(This is just to say)
J’ai mangé
les prunes
qui étaient dans
le frigo
et que
probablement
tu gardais
pour le petit-déjeuner
Pardonne-moi
elles étaient délicieuses
si sucrées
et si fraîches
William Carlos Williams

mercredi 28 décembre 2016

L'avis textuel des libraires

En attendant les excellents romans de janvier qui vont débouler dans les librairies à partir de la semaine prochaine, voici la revue Page des libraires.
Ça me rend dingue ce genre de revue : tous ces livres que je voudrais lire et pour lesquels je n'aurai jamais assez de temps...
C'est une revue réalisée et écrite par des libraires indépendants pour donner envie de lire des livres en tout genre : littérature française et étrangère, BD, jeunesse, polar, essais & documents, beaux livres, poches...
Page des libraires a été créée il y a 25 ans pour lutter contre les grandes surfaces culturelles et paraît tous les deux mois. Elle est donc naturellement vendue en librairie ou sur abonnement. Un réseau de quelque 1200 libraires l'anime. Un comité de rédaction présélectionne les livres auprès des éditeurs puis quelques libraires s'y collent, lisent et écrivent les chroniques, entretiens et dossiers thématiques. C'est bien écrit, bien présenté, ça sent la passion du livre.
En fait, c'est l'avis textuel des libraires.

Le site de la revue Page des libraires.

samedi 17 décembre 2016

Comment Sfar parle de son père

Joann Sfar fait partie de ces gens boulimiques de travail. Il appelle ça le "complexe de Shéhérazade". Si tu ne lui racontes pas une histoire qui lui plaît, le sultan va te tuer. Et en plus, qui excellent en tout : il est dessinateur, cinéaste et romancier. Forcément, ça énerve et ça force l'admiration.
Son roman ou récit, Comment tu parles de ton père, est un hommage à son père mort récemment, mais aussi à son grand-père Arthur et sa mère morte bien avant, alors qu'il n'avait pas encore quatre ans.
Ce texte tragi-comique, qui passe de l'émotion à la pirouette avec gravité ou légèreté, agace un peu au début, mais relève le défi.
Joann Sfar s'interroge sur les autres en général, son père et lui en particulier, nous fait part de ses culpabilités, névroses, réflexions sur le sens de la vie. Il se livre et finit par toucher.
Je fais ce livre pour ne plus avoir de colère contre rien. Pour demander pardon à Sandrina des choses que j'ai gâchées. Pour dire enfin à ma fiancée, car c'est une certitude, que là où je me trouve, je sais que je me connais bien. Ça date de la mort de papa. J'ai compris en un clin d'œil que je n'allais devenir ni un Don Juan ni un religieux. Au tarot, je n'ai pas les mêmes cartes de vie que mon père. Ça oui, je crois que c'est une prise de conscience que font tous les fils : on a peur qu'à la mort du père, ses fantômes nous envahissent. Et ça n'arrive jamais. Nous en sommes un écho. Une réaction, parfois inversée. Mais n'en déplaise aux freudiens, la redite, c'est très rare.
Albin Michel, 2016, 160 pages.

vendredi 16 décembre 2016

Les jeux de l'amour et de la langue

La couverture du livre de Julien Bosc, Le corps de la langue, donne le ton.
Ce fantastique, fantasmagorique dessin érotique signé par Stéphanie Chardon, suggestif et surréaliste, illustre parfaitement le texte poétique, énigmatique, qui joue sur le sens propre et le figuré, dans un aller-retour permanent entre le mot et la chose.
Le dialogue cru, une véritable bataille érotique — et sorte d'hommage à Bataille — entre deux personnages (mais aussi entre l'auteur et le lecteur) joue sur les mots et la langue, avec un puissant pouvoir d'évocation.
Les mots, la langue, à double sens, prennent corps, font sens, sensuels.
Dans Le corps de la langue, c'est le choc de la langue qui est en jeu : le plaisir du texte sur le plaisir du sexe.
c'est bon
elle a la langue dans la peau
la mienne
un peu la vôtre

Quidam éditeur, préface de Bernard Noël, 2016, 76 pages.