mardi 31 août 2010

Un poète (presque) japonais

Je partage avec Dany Laferrière le goût des écrivains japonais. D'ailleurs, c'est lui qui m'a orientée vers Junichirô Tanizaki qu'il citait dans l'un de ses livres comme le plus grand auteur érotique. Pourtant, son roman Je suis un écrivain japonais est bien le seul qui m'ait déçue. Je ne l'ai pas suivi dans ces méandres.
J'ai adoré tous ses livres sur son enfance à Haïti : L'odeur du café, Pays sans chapeau, Le charme des après-midi sans fin... Je lirais Dany Laferrière sans fin : un style simple, lucide, tendre... On y sent l'odeur des mangues trop mûres qui s'écrasent dans le jardin et qui me rappelle une autre île où l'on parle français et créole : La Réunion. On y sent l'odeur du café que sa grand-mère Da buvait interminablement sur sa terrasse. Cependant, la situation politique à Haïti est plus que tendue avec les Duvalier qui se succèdent au pouvoir. Son père a dû fuir la dictature sous Papa Doc et Dany doit s'enfuir à son tour sous Baby Doc. Le cri des oiseaux fous parle des vingt-quatre heures qui ont précédé son exil.
Il y a aussi ses romans érotiques façon "Bukowski Noir" : Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer, Éroshima... où il s'amuse des clichés sur les écrivains et l'alcool, les Noirs, la musique et le sexe...
Et puis c'est le désarroi avec Je suis fatigué, où il annonce sa décision d'arrêter d'écrire après ce qu'il appelle son "autobiographie américaine" de dix premiers romans. Qu'il oublie vite, fort heureusement.
Justement, c'est avec L'énigme du retour que Dany Laferrière devient un écrivain japonais. Il ne le dit plus, il le prouve. Sur les traces d'Aimé Césaire et son "Cahier d'un retour au pays natal", il découpe ses phrases comme des poèmes en prose et son style photographique flashe comme des haïkus.

Éditions Grasset, 2009, 304 pages. 

2 commentaires:

  1. Dany Laferrière était invité au mini-salon du livre organisé par le secrétariat à l’Outremer, dans le cadre des manifestations Lire en Fête. Je ne me souviens pas de l’année, mais c’était un doux mois d’octobre du début de ce siècle, peut-être même de la fin du siècle dernier (ok, je ne me souviens pas de l’année).
    Il en était l’invité d’honneur, destiné à recevoir LE prix du ministère. Ce pourquoi un auteur québécois , même d’origine nationale haïtienne, était destiné à recevoir un Prix de l’outremer français reste une énigme, ou une claque singulière – salutaire ? - pour la dite création littéraire domtomienne. Le prix lui avait été remis dans un joyeux brouhaha, le buffet tant attendu ayant été ouvert au préalable. Aussi n’avions nous pas été très nombreux à relever dans son discours de remerciements son étonnement à peine feint de ne pas recevoir un chèque en sus du prix proprement dit. Quelle incongruité de sa part ! Le ministère s’était pourtant fendu d’une création très originale : il lui avait été remis sous un cadre photo bon marché sa propre photo (celle du service de presse) et la couverture du livre concerné (ce n’était pas « Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer»).
    Dany Laferrière était à Haïti lors du séisme dévastateur. Pour un grand raout de littérature haïtienne. Il s’en est tiré. On peut lire deux fois « L’énigme du retour » pour fêter quand même ça.
    C'est probablement un peu long et hors sujet pour pour un "commentaire" de blog. Je ne recommencerais plus Marie.
    C’est toujours agréable de te lire : c'est juste ça que je voulais dire. Longue vie textuelle !

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  2. Cher Antioche : je t'ai reconnu !
    Ah ! ça, c'est du commentaire... Merci !
    Oui, citons le très beau texte de Dany Laferrière après le séisme à Haïti pour le Nouvel Obs : "J'entends encore ce silence".

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