Dans son dernier livre, New York sans New York, Philippe Delerm fait le pari — réussi — de parler de la ville américaine sans jamais y être allé. Il a failli y aller une fois, mais le séjour a été annulé et depuis, il préfère la rêver. Et il nous prouve qu'il n'est parfois pas nécessaire de connaître réellement un lieu pour s'en faire une idée et en parler avec justesse.
Je me sens aussi peu new-yorkais qu'il est possible de ne pas l'être. De là sans doute aussi cette envie de New York, sans tout gâcher par le voyage.
Il est vrai que New York est un mythe, une légende, le berceau d'une culture qui rayonne dans le monde entier.
Certains mots, comme skyline, fire escapes ou gratte-ciel, évoquent automatiquement l'image que l'on s'en fait. Des noms de lieux emblématiques parlent à tout le monde : Wall Street, Central Park, Harlem, Bronx, Manhattan, Brooklyn...
L'écrivain décortique et développe des images poétiques à partir de films, d'acteurs (James Dean), de réalisateurs (Woody Allen), de musiciens et chanteurs (un quarante-cinq tours de Bob Dylan, le son de Simon et Garfunkel), de livres (Paris vs New York du graphiste Vahram Muratyan), d'écrivains (Paul Auster, Herman Melville, Walt Whitman), de films (West Side Story), de dessins et photos, la revue The New Yorker... Et même les restaurants où il ne mangera jamais et l'hôtel Bowery où il ne séjournera jamais non plus.
Tous ces films regardés, toutes ces photos, tous ces albums, tous ces livres, non pas pour aller à New York un jour, mais un peu bizarrement pour ne pas y aller, pour préserver le secret d’une ville essentielle qui ne supporterait pas d’être tant soit peu violée par la réalité.
Oui, toutes ces fenêtres ouvertes sur New York avec étrangement le sentiment de ne pas les ouvrir pour en connaître davantage. J'ai toujours sur que j'étais fait pour regarder, pas pour apprendre ni comprendre.
Un délicieux voyage dans le temps et à New York. C'est la magie de la littérature.
Le Seuil, 2022, 208 pages.
D'autres chroniques sur les livres de Philippe Delerm :
- La vie en relief ;
- L'extase du selfie et autres gestes qui nous disent ;
- Et vous avez eu beau temps ? La perfidie ordinaire des petites phrases ;
- Journal d'un homme heureux ;
- Je vais passer pour un vieux con et autres petites phrases qui en disent long ;
- Elle marchait sur un fil ;
- Les eaux troubles du mojito et autres belles raisons d'habiter la terre.
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