Taqawan, nom du saumon qui revient pour la première fois dans sa rivière natale et nom d'un personnage du roman. |
Il met en lumière des événements méconnus — même par les Québécois — qui se sont déroulés en 1981 entre les forces de l'ordre et la communauté des Mi'gmaq, des Amérindiens ou autochtones du Québec. Ces derniers vivent notamment de la pêche du saumon dans une réserve et, pris entre querelles politiques, sont, encore aujourd'hui, totalement niés dans leur identité, leur culture et leurs droits.
C'est aussi l'histoire quelque peu occultée et remaniée des autochtones
et des colons, c'est-à-dire des Français et des Anglais — dont les
premiers n'auraient jamais survécu à l'hiver rigoureux sans l'aide de ceux qu'on appelait les Sauvages.
Un roman très prenant, impossible à lâcher, bien qu'assez violent puisqu'il y a des coups, du sang, des larmes, des arrestations, des humiliations, des viols... (des faits qui font écho à d'autres violences : plus de 1200 femmes autochtones assassinées ou portées disparues entre 1980 et 2012).Heureusement, l'auteur nous ménage des pauses, en courts chapitres instructifs et passionnants, sur l'histoire des Mi'gmaq, leurs légendes et leur mode de vie, mais aussi sur les mystères du saumon ou sur l'étymologie des noms... Où l'on apprend des mots en langue mi'gmaq et d'autres qui ont un léger accent québécois : un maringouin est un moustique, un char est une voiture, un ski-doo est un motoneige...
Et des moments de pure poésie, comme celui où un garde forestier parle de l'hiver et des beautés de la nature à une Française :
Je suis né dans le froid. La glace et la neige sont dans mes veines. Il n'y a pas de ciel plus clair et d'air plus pur qu'au milieu de l'hiver. Il n'y a pas d'odeur plus parfumée que celle de la neige fraîchement tombée sur les branches des sapins. Il n'y a pas de silence plus parfait que celui d'une nuit étouffée sous les flocons d'un début de tempête. J'aime cette saison parce que les choses y sont claires. On sait exactement ce qui se passe dans les bois quand tout est blanc. La moindre forme de vie laisse une trace. Les branches sans feuilles permettent de voir clairement les corneilles en haut des cimes. Les rivières sont des routes pour s'enfoncer au plus profond de l'inconnu. On n'est pas emmêlé dans les broussailles, on file droit, en raquettes ou en ski-doo. C'est une sensation de fuite qui n'est possible que dans la neige. Ceux qui se plaignent du froid n'ont jamais passé une nuit dehors à moins quinze devant un feu de camp et sous la lune qui éclaire comme en plein jour.
Que dire de plus ? Mille choses encore, mais surtout qu'il faut lire Taqawan absolument.
Quidam éditeur, 2018, 208 pages.
Lire aussi mes chroniques sur :
- Aller aux fraises
- Oyana.
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