mercredi 10 mai 2017

"J'aime quand la forme parle"

Pierre-Louis Rivière est professeur d'arts plastiques, musicien, comédien, metteur en scène, auteur de pièces de théâtre (Garson, Carousel, Émeutes...), de romans (Notes des derniers jours, Le vaste monde, Clermance Kilo, Voyante extralucide, Todo mundo) et aussi de nouvelles dans la revue Kanyar : Double Salto Arrière et Novela.
Un artiste multiforme, donc, et surtout intéressé par la forme, justement, surtout quand elle parle.

Tes thèmes de prédilection sont l'errance, la déambulation, la ville, et bien sûr la créolité. Originaire de l'île de La Réunion, tu as vécu au Brésil, deux pays que l'on retrouve dans tes œuvres sans qu'ils soient cités. 
Pierre-Louis Rivière : Je suis frappé par les similitudes du brésilien et du créole réunionnais. Au départ, le roman devait s'intituler Créoles, en souvenir du magnifique Dubliners de Joyce. Todo mundo n'était que le sous-titre mais il est finalement devenu le titre du livre. En créole réunionnais, todo mundo se dit tout domoun, ce qui est phonétiquement très proche. Ces correspondances sont logiques puisque la route maritime pour venir à La Réunion passait par le Brésil, donc beaucoup de mots ont transité de cette façon. Cela se retrouve dans les noms de plantes que les voyageurs rapportaient du Brésil. Par exemple, le xuxu (prononcé chouchou) brésilien a donné le chouchou à La Réunion et non la christophine comme on l'appelle aux Antilles.
Je me suis amusé à rédiger, pour mon usage personnel, un petit glossaire de tous ces mots et ces expressions très proches. Todo mundo porte notre proximité créole et je pense qu’il fait, en fin de compte, un meilleur titre.

Le thème du mélodrame est également très présent dans ton œuvre.
J'aime bien jouer avec les ressorts du mélodrame, les histoires de famille, les secrets, les revers de fortune, les problèmes de filiation, de descendance qui, dans nos pays créoles, se compliquent de l'incertitude de la couleur de peau, plus ou moins noire, blanche, beige...

C'est surtout la forme qui est très importante, comme ces déambulations qui résonnent avec les pensées du narrateur dans la construction de Todo mundo, par exemple.
Oui, les écritures journalistiques ne m'intéressent pas. Il semble pourtant que les éditeurs préfèrent des sujets chocs qui résonnent avec l'actualité. Je suis, quant à moi, davantage influencé par l'art contemporain et le travail que je fais avec les étudiants de l'école d'art où j'enseigne. Je suis très attaché à la forme et j'aime quand la forme parle, quand les opérations plastiques ont du sens en soi, fuient l'illustration pour chercher la métaphore ; par exemple, lorsqu'une déchirure dans la forme résonne avec une déchirure du personnage. J'aime travailler avec les processus d'écriture, jouer avec les structures. Dans Le Vaste monde, par exemple, je raconte une histoire sans fin où la succession aléatoire des aventures évoque le chaos incompréhensible du monde, où tout finit sur un champ de ruines. Mais la forme, c’est aussi la géographie du roman, les territoires d’errance, les lieux et leurs complexités qui sont toujours, pour moi, à l’origine de l’écriture.

Des projets ?
Oui, je continue à écrire. J'ai d'autres espaces en tête et deux chantiers en cours.

À suivre, alors !

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