En cherchant Bukowski à la bibliothèque, un petit livre attire mon attention : auteur inconnu (Anne Buisson), titre étonnant (Journal d'une serveuse de cafétéria) et mise en page sobre. Je prends.
Le titre complet est Journal d'une serveuse de cafétéria ou La vie ordinaire. Et justement, le style n'a rien d'ordinaire, une pépite brillante dans ce qui est morne et sans saveur. Tout devrait être déprimant : le travail harassant, sale et répétitif, les clients pas folichons et dragueurs, les menus basiques, l'uniforme ridicule, les blagues grasses des collègues, les trajets en métro...
La narratrice note des images marquantes ou de petits événements de la journée qu'elle transforme en prose poétique, simple et efficace, même lorsqu'il s'agit de choses banales ou répugnantes. Elle sublime son travail quotidien, en petites touches : "Cet optimisme, je le tiens de là, de la vie ordinaire qui s'acharne à me rendre vivante." Elle porte un regard distancié sur son quotidien pour mieux le supporter. Elle touche du doigt ce qu'est l'art : porter un regard différent sur le monde, sur tout et rien.
De la poésie, oui, mais pas seulement : en toile de fond, ce roman est une critique sociale. Son chef l'appelle "la syndicaliste". En dehors de son poste d'"hôtesse-buffet", on ne sait rien de ce qu'elle fait chez elle ou en vacances. Sauf qu'elle pense souvent à son papa qui est mort, usé par le travail, avant d'avoir profité de sa retraite.
Le roman a été adapté au théâtre mais il semble qu'Anne Buisson n'ait pas écrit d'autres romans. Dommage !
Éditions Farrago/Léo Scheer, 2002, 84 pages.
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