L'ombre de Marguerite Duras se profile dans Seule Venise de Claudie Gallay. Pas seulement parce que la narratrice lit Le Barrage contre le Pacifique, sur les conseils du libraire Dino. Surtout par son écriture forte, simple et poétique, en petites touches justes.
Suite à une rupture amoureuse dont elle ne se remet pas, une Française vient loger à Venise dans une pension, quelques jours, quelques semaines. Dans le labyrinthe des ruelles, elle se laisse porter par le hasard et les rencontres, notamment ce libraire taciturne comme elle, mais aussi les hôtes de la pension, dont le patron, un jeune couple d'amoureux et un prince russe qui se dévoile peu à peu.
Il est question d'amour, qui se perd ou qui vacille, et aussi d'art, de littérature, de cinéma (Woody Allen est cité deux fois), de peinture. On croise le peintre Zoran Music qui vivait à Venise jusqu'à la fin de sa vie et qui a peut-être survécu des camps de la mort grâce à ses croquis. D'ailleurs, un des thèmes de ce roman serait la survie, grâce à l'art et les mots.
Venise (dont le nom Venitia serait dérivé du latin Veni etiam : reviens encore) est un personnage à part entière qui console, comme l'évoque le titre issu d'une phrase du livre : "Parce que seule Venise me console de ce que je suis vraiment". Et, ainsi réduit à ces deux mots, le titre renvoie aussi à la solitude, alors que la ville est, souvent, une destination prisée des amoureux et des multitudes de touristes.
Claudie Gallay connaît bien la ville et nous entraîne dans sa vie intime, de l'intérieur, et en hiver, une saison qui se prête idéalement à cette atmosphère mélancolique et profonde. Son style est comme ces musiques qui entrent droit au cœur, dont on ne se lasse pas et qu'on écouterait inlassablement.
Éditions Actes Sud, Collection Babel n° 725, 2006, 304 pages.
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