
Dans
Sortilège de
Christian Garcin, suite à une vision fantomatique, Ezra Bembo fuit sa maison de Marseille et part vivre en ermite dans une grotte, au milieu du désert, dans un autre continent.
La vie solitaire ne l'effrayait pas. Même, il la voulait. Les routes
là-bas étaient vastes, les déserts effrayants, les nuits sans
complaisance. Les ciels étaient de fer, et lui se sentait pierre. Le
dernier bar qu'il avait fréquenté ressemblait à ceux qu'il avait vus
avant, et tous semblaient sortis tout droit d'un de ces multiples films
où rôdent les épaves en fin de course, où danse la poussière, et
durcissent les cœurs de ceux qui s'y échouent.
Souvent, dans l'œuvre de Christian Garcin, des passerelles et des souterrains communiquent d'un livre à l'autre. Dans ce recueil de deux nouvelles publié en 2002, réédité en 2014, on trouve déjà les thèmes du repli, de la fuite dans un pays lointain et des grands espaces comme dans
Selon Vincent. Mais aussi d'autres clins d'œil comme ce nom de Bembo qui deviendra le Bembo Café dans
Des femmes disparaissent tenu par une certaine Misra Samjak, la même ou l'homonyme, qui tient ce bar perdu au milieu de nulle part dans
Sortilège (qui n'est pas sans rappeler cette gargote nommée Ruta Sur, perdue à l'extrême sud du Chili et tenue par une Allemande dans
Selon Vincent).
La nouvelle suivante,
Cinq jours et une éternité, fait réapparaître Ezra Bembo quelques années après son exil. Il confie à Gaspard un mystérieux paquet (que celui-ci s'empresse d'ouvrir) à remettre à un couple de bergers.
La mort, les momies et le morbide rôdent dans ces deux nouvelles. Beaucoup de secrets et de mystères planent et nous hantent longtemps après la lecture, bien au-delà de l'histoire portée par un style sensible. On sent une urgence, une échappée nécessaire, loin de tout, une façon de se retrouver et de se reconstruire après avoir coupé les ponts ou brûlé ses traces.
Et toujours des liens tendres avec des femmes apportent un peu d'espoir et de bienveillance, un autre refuge dans ce monde hostile.
Éditions Champ Vallon, 2002 et 2014, postface de J.-B. Pontalis, 128 pages.
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