L'autrice du roman Coupez !, Laure Desmazières, est scénariste ; la narratrice de l'histoire aussi. Le tout est une course folle, à couper le souffle, un livre impossible à lâcher. Le scénario dans le scénario est tellement rocambolesque que cela ne doit même pas refléter la réalité de certains tournages.
Ça coupe beaucoup dans le cinéma. D'abord, en plein tournage, une coupe dans le budget oblige à faire des coupes dans le scénario. C'est à la scénariste de sauver la situation, pour sauver le film. On lui demande de supprimer les scènes les plus coûteuses, celles qui se passent dans un hôtel de luxe, sauf que ce sont ses scènes préférées. Les chambres d'hôtel (ou pas) sont d'ailleurs des lieux de prédilection de la narratrice : c'est là que tout se trame, que tout se joue.
Elle cherche à contourner la situation grâce au procédé de
l'ellipse, qui permet de faire comprendre sans montrer.
Évidemment, elle n'a qu'un week-end pour s'exécuter (c'est le cas de le dire, car couper est très douloureux). Le temps, c'est de l'argent : l'équipe ne doit pas attendre trop longtemps. Il est pas mal question d'argent dans ce roman, surtout celui qui manque : les découverts, les dettes, la précarité du milieu du cinéma.
Et devant cette urgence, au lieu de rester enfermée dans sa chambre d'hôtel pour écrire, la narratrice va se trouver mille autres urgences à régler, comme se faire payer, par exemple, selon son contrat. Alors que tout le monde lui met la pression pour trouver une idée, on a l'impression qu'elle perd un temps précieux en allant voir les uns et les autres, en rendant visite à ses parents, en retournant sur les lieux d'un traumatisme. Elle veut tellement que le film se fasse (elle a déjà travaillé sept ans sur l'écriture) qu'elle cherche le consensus. On verra que chacun y ajoute son grain de sel.
Finalement, ce roman parle de ce que l'on ne voit jamais, de l'invisible de la création : les années de travail pour qu'un film voit le jour, les embuches, les coulisses, les discussions, les disputes, les idées qui viennent de façon improbable, ou qui passent à la trappe.
Il y a aussi les traumatismes qui tombent dans un trou noir (refoulés, donc coupés de la mémoire) et dont le questionnement tourne en boucle sans trouver de sens.
C'est un premier roman tout à fait singulier, écrit par une professionnelle de l'écriture et du scénario : on a l'impression que ça part dans tous les sens, mais elle nous emporte avec elle, entre comédie et film noir.
Quidam éditeur, 2024, 182 pages.
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