dimanche 22 septembre 2013

Le théâtre de soi

Boris Cyrulnik, dans Sauve-toi, la vie t'appelle, revient sur ses souvenirs d'enfance et d'adolescence. Il y revient (lire aussi Je me souviens) car il se rend compte, en confrontant sa mémoire à celle des autres, à quel point nous pouvons nous arranger avec notre propre histoire. En bon psy, il nous explique pourquoi nos scénarios sont parfois un peu à côté de la réalité : pour donner cohérence à notre représentation du passé, surtout lorsqu'on ne peut pas tout comprendre, et supporter ses angoisses quand l'existence est folle. On peut aussi voir son passé autrement que ce qu'il a été lorsqu'on a suffisamment évolué et pris du recul.
"Faire le récit de sa vie, ce n'est pas du tout exposer un enchaînement d'événements, c'est organiser nos souvenirs afin de mettre de l'ordre dans la représentation de ce qui nous est arrivé et c'est, en même temps, modifier le monde mental de celui qui écoute. Le sentiment qu'on éprouve après un récit de soi dépend des réactions de l'autre : que va-t-il faire de ce que j'ai dit ? Va-t-il me tuer, me ridiculiser, m'aider ou m'admirer ? Celui qui se tait participe au récit de celui qui parle."
Parler ou se taire sur son passé dépend de l'écoute que l'on obtient et peut modifier le discours. Inversement, l'imagination est toujours empreinte de son expérience.
"Dans toute œuvre d'imagination, il y a un récit de soi. Dans toute autobiographie, il y a un remaniement imaginaire. La chimère nommée "Fiction" est sœur jumelle de "Récit de soi"."
En conclusion, Boris Cyrulnik s'étonne du livre qu'il vient d'écrire : une autobiographie qui devient une défense de la judéité alors que, dans sa vie quotidienne, ce sujet occupe peu son esprit.
"J'en ai conclu que toute mémoire, tout récit de soi est une représentation de son passé. Mais on n'invente pas à partir de rien, on ne peut rien raconter si l'on n'a rien vécu. Il faut du vrai pour fouiller dans sa mémoire et trouver de quoi en faire une représentation, au théâtre de soi."

Éditions Odile Jacob, 2012, 304 pages.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire