Une année au foyer, troisième essai de l'auteur*, est donc une œuvre posthume et de, ce point de vue, poignante, mais néanmoins très agréable à lire car bien écrite, pleine d'humour et émaillée de références plus ou moins farfelues à la philosophie et aux techniques de management, voire de marketing. Sur l'air d'Une année en Provence de Peter Mayle, il s'interroge et fait le récit — mi-excédé mi-papa-poule — de son expérience de parent au foyer qui veille au bon déroulement du quotidien de la maison, emmène et va chercher ses trois enfants à l'école, fait les courses et les repas, en tentant d'adapter les règles de gestion d'une entreprise...
"Je ne sais pas si le fait de passer l'aspirateur suppose d'être né avec deux chromosomes X, ni si changer les couches ressortit plus à la dignité féminine qu'à la dignité masculine. Ces questions me dépassent, je l'avoue, et Aristote lui-même en a très peu parlé.
En revanche je suis catégorique sur un point : il n'est pas dans la nature de l'homme de penser à mettre un bonnet sur la tête de ses enfants alors qu'il ne neige pas, mais qu'il peut neiger. Cette faculté d'anticipation, cette forme très haute de prophétisme, n'est pas inscrite dans le cerveau masculin. Je ne sais pas si elle s'acquiert, mais si c'est le cas, je le jure, cela demande beaucoup de temps. Et cet apprentissage est un chemin de croix."Non sans humour encore, alors que, justement, il en fait tout un roman :
"Se dépasser sans cesse, investir des terres inconnues, réparer des chasses d'eau : telle est la vie héroïque du parent au foyer. Pensons-y toujours, n'en parlons jamais."Et plus loin, dans le même esprit :
"Si j'ai une assez haute idée de mon propre héroïsme, je suis bien obligé de le mettre en perspective avec celui des millions de mères qui le partagent mais ne s'en contentent pas, y conjuguant une vertu de modestie qui m'est pour l'instant assez étrangère."Et pour conclure :
"En France, entre deux et trois millions de personnes se coltinent au quotidien avec cette question, et n'éprouvent pas le besoin de le crier sur tous les toits. C'est à celles et aux quelques ceux qui osent faire le job sans en faire des tartines que ce livre est aussi dédié.
À leur fatigue, à leur énervement, à leur manque de reconnaissance, et aux joies infinies que ce travail leur réserve."Un beau témoignage qui se lit avec plaisir, comme un roman.
Éditions du Félin, 2014, 144 pages.
* Il a également publié, aux éditions du Félin, L'instinct de conservation et Au seuil du monde.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire