Avec Pas Liev, Philippe Annocque construit un thriller psychologique addictif et intenable où, comme à son habitude, fond et forme sont savamment tramés.
Liev a visiblement quelques petits soucis. Il se rend à Kosko pour un poste de précepteur mais les enfants sont absents. En attendant leur retour, il a du mal à comprendre ce qu'on attend de lui, du mal à communiquer avec les autres. En proie à de troublants moments d'absence, il n'écoute pas vraiment ce qu'on lui dit et passe à côté d'une partie des informations qui lui seraient utiles. Inversement, des détails prennent une importance délirante et obsessionnelle : hallucinations, fantasmes, transposition de souvenirs ?
Dans la scène la plus charmante et anodine où Liev part à
vélo avec Sonia, c'est la forme qui frappe avec une rupture dans la mise en page : les lignes imprimées se dédoublent sur deux colonnes, comme un jeu,
illustrant le sillage des cyclistes qui roulent de front. À moins qu'il
s'agisse d'un signe avant-coureur du dédoublement de Liev ?
Dans ce dédale, le lecteur, tel un détective, saisit le peu d'indices plausibles pour
imaginer le contexte : où sommes-nous ? dans quelle époque de
précepteurs et servantes ? dans quel milieu (social ou hospitalier) ?
qui débloque ? tout cela n'est-il pas le fruit de l'imagination de Liev ? une pure fiction ? mais alors qui est le narrateur si
ce n'est Pas Liev ? On pense à Bartleby de Melville, à Kafka... La tension monte crescendo.
Lors d'une course folle dans la nuit, le rythme effréné et la longueur des phrases nous pousse à bout. L'étau de l'atmosphère se resserre, s'enfonce dans les ténèbres, de plus en plus angoissant et addictif. Plus la notion des faits et du temps échappent à Liev et plus on brûle de connaître le dénouement final, fatal. Je plains le lecteur qui serait contraint d'interrompre sa lecture avant la fin.
Une histoire qui force l'imagination et l'admiration.
Quidam éditeur, 2015, 142 pages.
Hublots, le blog de Philippe Annocque.
Lire mes chroniques sur d'autres livres de l'auteur :
- Élise et Lise ;
- Liquide ;
- Vie des hauts plateaux.
Oh, ce que cela a l'air bien !! Un livre qui pourrait rendre fou son lecteur ?
RépondreSupprimerJe n'ai pas encore lu Philippe Annocque. "Vie des hauts plateaux", en lisant ton billet, me tente aussi beaucoup.
Liquide est excellent aussi.
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