Paysage perdu est un livre de souvenirs, souvent liés à des lieux, mais surtout à des personnes (dont les noms ont parfois été modifiés) écrit avec une intelligence et une pudeur délicate et passionnée, par une dame qui approche maintenant les 80 ans. Certains chapitres étaient déjà parus dans des revues et ont été rassemblés, augmentés.
Au commencement, nous sommes des enfants imaginant des fantômes qui nous effraient. Peu à peu, au cours de nos longues vies, nous devenons nous-mêmes ces fantômes, hantant les paysages perdus de notre enfance.Joyce Carol Oates a écrit peu d'ouvrages autobiographiques (mis à part les extraits de ses journaux), ils sont donc faciles à compter. Il y a notamment le très émouvant J'ai réussi à rester en vie, en hommage à son mari Raymond Smith. Pour les autres (romans, essais, poésie, nouvelles, pièces de théâtre), plus d'une centaine — elle-même ne sait pas combien elle en a écrit.
L'œuvre d'un écrivain est une transcription codée de sa vie. L'œuvre (publique) témoigne de la vie (privée). À mesure que les années passent, toutefois, la vie intime/secrète s'effaçant pour se réduire à ses grandes lignes, la clé du code elle-même finit par se perdre, car les secrets passés ne sont jamais aussi irrésistiblement secrets que les actuels. Mais l'œuvre reste, les livres restent, comme un genre de témoignage.
Déjà édité en 2004, j'avais lu La foi d'un écrivain et l'ai relu avec grand plaisir.
Enseignante en écriture créative (ou création littéraire), elle sait parler de littérature, de l'obsession d'écrire et du processus de création. Elle se sort donc à merveille de questions impossibles comme : pourquoi écrivez-vous ? pourquoi lisez-vous ? comment devient-on écrivain ? qu'est-ce qui vous inspire ? qui vous inspire ?
Elle évoque également son goût pour la course, son atelier, la question du dédoublement de la personne et de l'écrivain (un thème qui traverse ses romans), mais aussi chez d'autres écrivains les questions de l'échec et de l'autocritique.
Deux livres passionnants sur la littérature d'une dame qu'on aurait bien aimé avoir comme professeur.
Éditions Philippe Rey, traduits par Claude Seban, 2017.
- La foi d'un écrivain, 160 pages.
- Paysage perdu, 432 pages.
Mes autres chroniques sur Joyce Carol Oates :
- Valet de pique ;
- J'ai réussi à rester en vie.
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