jeudi 15 mars 2018

Cavalier seul

Le cavalier de Derek Munn est l'histoire de toute une vie, par petites touches, dans le désordre, en courts chapitres et au gré des souvenirs, peut-être, d'un homme d'une autre époque, peut-être, mais dans un style très contemporain. Au lecteur de reconstituer le puzzle, de se laisser traverser par le mystère des images qui surgissent.
Toute une vie, c'est-à-dire une lente décomposition (dans les deux sens du terme) et quelques morts pudiquement évoqués, où la souffrance semble lointaine ou tenue à distance. Malgré l'affection de son entourage, Jean garde toujours une retenue avec les autres.
Il s'est conformé à l'image attendue de son père et gère les terres héritées. Il fait ce qu'on attend de lui — mis à part ce voyage à cheval qu'il décide, seul, lui qui est habituellement si indécis, si à côté de lui-même (de ses bottes devrait-on dire alors que, justement, ces chaussures laissent des traces tout le long du récit), entre rêverie, contemplation et réalité.
Derek Munn est d'une grande subtilité pour décrire les moments invisibles et fugaces, les non-dits, les regrets, la fatalité d'un destin, mais aussi les beautés concrètes de la nature, ses parfums et ses couleurs.
Édité comme le précédent Vanité aux fruits par L'Ire des marges — qui accorde une grande importance à l'objet livre, cousu de fil rouge apparent et présenté sous étui — le texte est d'autant plus précieux et mystérieux.

CHAPITRE XXIX
Un chapitre comme un ciel blanc, vaste comme un dos tourné, comme un regard inattentif. Chapitre de passage où on ne voit pas le temps passer, où sont rassemblés divers moments, heures, jours, semaines, mois entiers éparpillés sur de nombreuses années, qui n'ont pas laissé de traces.

Éditions L'Ire des marges, collection Majuscules, 2018, 296 pages.

Lire aussi ma chronique sur Vanités aux fruits.

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