jeudi 3 janvier 2019

Le mythe du mérite

Avec beaucoup d'ironie et d'humour, Gilles Vervisch démonte, dans Peut-on réussir sans effort ni aucun talent ? Les mirages du mérite, les préjugés et contradictions de la réussite.
L'auteur, agrégé de philosophie, cite ces "petites phrases" ou attitudes de personnes soi-disant self made man (ou woman dans le cas de Léa Seydoux) qui se font croire et nous font croire n'être parties de rien pour réussir ou n'ont compté que sur leur talent et leurs efforts. Certes, il faut du talent, parfois des efforts, mais aussi pas mal de chance et de conditions extérieures... (être né quelque part, notamment) car il semblerait que le mérite ne réponde à aucune loi.
Nous adorons les entrepreneurs qui réussissent, héros des temps modernes, mais leurs parcours sont des exceptions.
Qu'est-ce que la réussite ? Cette question que les philosophes triturent dans tous les sens depuis des millénaires ne trouve pas de réponse. Or, des "gourous" (ainsi que les hommes politiques et quelques personnes qui cherchent à justifier leur réussite) vous la résument en quelques points à appliquer. Comme s'il suffisait de se donner un peu de mal et de persévérer pour mériter de réussir selon le principe que "quand on veut on peut".
Un raté n'aurait donc qu'à s'en prendre à son manque de combativité ?
Que penser alors des artistes qui n'ont "connu" le succès qu'après leur mort ? La liste est longue mais prenons Van Gogh. Peut-on dire qu'il a raté sa vie ? Méritait-il la vie qu'il a mené ? Et ces autres artistes qui ont triomphé de leur vivant et sont complètement oubliés aujourd'hui : ont-ils usurpé leur gloire ?
Et pourquoi les métiers les plus utiles et pénibles (là aussi la liste est longue mais prenons les éboueurs) sont-ils les plus ingrats, c'est-à-dire souvent les plus mal payés ? La situation la plus élevée dans l'échelle sociale, la gloire ou l'argent n'ont donc rien à voir avec l'utilité, le travail et les efforts (prenons Kim Kardashian). La notion de mérite n'a donc aucun sens car le monde est totalement injuste. C'est comme au foot, l'équipe gagnante n'est pas forcément la meilleure ni la plus méritante mais il en faut une. Le problème, c'est que les autres équipes sont des perdantes, même si elles méritaient de gagner.
La morale de l'histoire ? Il faudrait se montrer plus solidaire envers ceux qui ont eu moins de chance, au départ ou en cours de route.
En tout cas, ce questionnement philosophique, aussi passionnant que plaisant à suivre, mérite vraiment d'être lu.

Le Passeur éditeur, 2019, 160 pages.

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