Une zone blanche est un territoire où le réseau téléphonique ne passe pas. Le narrateur est un musicien célèbre qui débarque dans une ZAD (zone à défendre) où vivait son frère qui a disparu et qu'il a un peu perdu de vue. La zone à défendre est une zone humide, qui abrite une écrevisse rare, menacée par un projet d'enfouissement de déchets. Ce n'est pas son milieu, ni la voie qu'il a choisi. Mais petit à petit, il va faire connaissance avec ses habitants, leurs sympathisants, leurs valeurs, leur mode de vie, leurs combats... mais aussi leurs opposants.
Des souvenirs d'enfance vont surgir. En même temps, il va découvrir la vie que menait son frère ces dernières années.
L'auteur nous entraîne d'emblée dans son histoire, un thriller qu'on ne peut plus lâcher. Le style coule et joue avec les mots avec une grande justesse, une pointe d'humour et beaucoup d'émotions. Les images jaillissent avec force et élégance.
Jocelyn Bonnerave a également écrit une thèse sur l'improvisation musicale. On le sent dans son élément pour parler de sons et de concerts. Du bon son, sans fausse note.
Un excellent roman, sur le fond et la forme. À défendre.
Un passage particulièrement savoureux :
Mes pas me mènent au chantier d'Émeline. Le lieu a été baptisé « West » par les premiers occupants, il y a trois ou quatre ans un simple hangar au départ, devenu peu à peu une maison en paille, située en vis-à-vis de la vieille ferme de Jussy par rapport à la route. Jussy ressemble à « J'y suis » : presque logiquement, les nouveaux venus inventèrent « Jirest », ce qui en disait long sur leur ténacité. Les habitants de la ZAD adorent jouer avec les mots, s'appuyer ainsi sur le cadastre existant pour créer de nouveaux noms. Ça part dans tous les sens. À côté du Gros Caillou, deux yourtes se sont montées, d'abord Petit Genou puis Grand Hibou. Le lieu-dit « Les fosses noires » a créé « Les vraies rouges ». Une ancienne maison de maître est devenue « La villa mais d'ici ». La bibliothèque installée dans une fermette, non loin d'un silo à grains, est appelée « L'ivraie ». Les premiers jours, je souriais avec un peu de complaisance en découvrant ces jeux de mots qui me semblaient faciles, pas si éloignés des trouvailles de coiffeurs, les terribles Créa'tif, Capill'hair, etc. Maintenant que les paroles aristocratiques de mes chansons ne me comblent plus, j'en suis à jalouser cette inventivité qui, sous couvert de blague, donne à des espaces toujours menacés de destruction une vraie pérennité. Même détruit, Jirest demeure, Jirest est un mot, un bon mot dans les mémoires.
Éditions La Brune au Rouergue, 2021, 224 pages.
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