Lionel Duroy, dans son roman Un mal irréparable, met en place un ingénieux dispositif pour raconter des pans cachés de l'Histoire de la Roumanie par le prisme d'un écrivain qui enquête sur le passé et les origines de ses parents, dont il ne sait pas grand-chose.
En effet, pour le préserver d'une histoire douloureuse ils ont préféré se taire, voire inventer un autre parcours. Malgré tout, les traumatismes se révèlent par d'autres moyens, plus difficiles à décoder, et créent un mal irréparable.
C'est donc à partir d'une correspondance partielle et de quelques documents qu'il va remonter le temps et partir en Roumanie sur les quelques pistes et traces dont il dispose.
Au fil des rencontres, le fils découvre alors le lourd secret de ses parents victimes d'une histoire impitoyable que victimes et oppresseurs, chacun pour ses raisons, voulaient cacher.
La fiction permet ainsi d'informer et de révéler les zones d'ombres de l'Histoire qu'il serait difficilement supportable d’aborder frontalement. C'est tout le talent de Lionel Duroy, qui a été reporter de guerre, pour nous prendre par la main en douceur et nous entraîner dans les horreurs de la violence.
Un roman aussi captivant que poignant, d'une grande humanité et servi par un style fluide qui coule de source jusqu'au dénouement ultime : la dernière pièce du puzzle.
Jamais une question de ma part, c'est entendu, mais aussi comme ils ont été habiles à détourner ma curiosité, à me montrer du doigt l'Ouest quand j'aurais dû regarder à l'Est, à me pousser dans les bras de l'Amérique quand notre histoire, mon histoire, était en Roumanie. Un moment, j'ai le sentiment que le sol pourrait se dérober sous mes pas, ou plutôt mes roues, puisque je fonce vers le Barăgan avec l'impression que tout ce que j'ai vécu jusqu'à présent ne fut qu'une construction artificielle, un château de sable sans fondations, tandis que ce qui m'attend là-bas pourrait bien être ma part manquante, celle que j'interroge vainement quand je me mets soudain à trembler.
Éditions Mialet-Barrault, 2025, 384 pages.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire