"Tu sais, ajouta-il, pour contrôler un peuple, il faut créer une grande dose de peur."En 2009, dans le cadre d'un programme de l'Union européenne, le grand reporter indien Anjan Sundaram est chargé d'enseigner le journalisme au Rwanda.
Bad News, derniers journalistes sous une dictature est le témoignage de cette expérience et de la découverte des mécaniques infernales de désinformation du gouvernement rwandais pour imposer une pensée unique aux médias — et à tout un peuple. Les journalistes participants au programme seront tour à tour oppressés, emprisonnés, manipulés, infiltrés, exilés...
C'est ainsi que les dictateurs détruisent les pays et prennent le pouvoir : ils s'attaquent d'abord à la liberté d'expression, puis aux institutions indépendantes et enfin à la libre pensée.Anjan Sundaram décortique la violence de la dictature : l'endoctrinement, la privation de liberté de penser et de s'exprimer, l'action forcée sans marge de manœuvre des habitants, comme lors du génocide qui a eu lieu quelques années auparavant. Et tout cela sous une apparence idyllique, de façon à recevoir des soutiens financiers et matériels des puissances et organisations étrangères.
La beauté était corrompue. Le silence avait été éventré, dévoilant sa menace. La fragilité du calme sautait aux yeux. Il était possible de vivre ici et d'aimer le calme éternellement, mais il fallait éviter d'en connaître le cœur et de s'en approcher.Et l'auteur témoigne aussi, malgré toutes ses convictions et tentatives de résistance, de son incapacité à faire face à l'implacable machine :
J'avais le sentiment de ne pouvoir me fier à rien ni personne. Je me sentais incroyablement seul.Un grand reportage vécu de l'intérieur du monstre et servi par une belle plume.
En annexes, la liste des pays et institutions majeures qui ont offert leur soutien au gouvernement rwandais, ainsi que celle, non exhaustive, des journalistes ayant subi des représailles après avoir critiqué le gouvernement.
Notons enfin le très beau travail de graphisme et de typographie du livre des éditions Marchialy qui publient quatre livres par an de « littérature du réel ».
Éditions Marchialy, traduit de l'anglais (Inde) par Charles Bonnot, 2018, 300 pages.
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