Pourquoi être heureux quand on peut être normal ? de Jeanette Winterson. Le titre donne le ton tragi-comique du livre, une autobiographie où l'autodérision est un combat pour la liberté de penser et de vivre.
Adoptée par une femme peu aimante, mystique, voire dérangée, la petite fille, puis l'adolescente, devra lutter pour survivre dans ce milieu hostile à bien des égards (la petite ville anglaise industrielle d'Accrington, près de Manchester, ne donne pas envie de s'y installer non plus).
Esprit frondeur, elle s'enfuit définitivement de chez ses parents adoptifs alors qu'elle
est encore mineure. Elle fait ensuite des pieds et des mains pour intégrer Oxford et décide assez tôt qu'elle deviendra écrivain.
Elle avait déjà commencé à écumer en cachette la bibliothèque municipale en lisant les auteurs par ordre alphabétique, alors que les livres étaient proscrits à la maison.
L'hymne de l'école d'Accrington était “Louons maintenant les grands hommes“, un choix on ne peut plus inapproprié pour une école de filles, mais qui a contribué à faire de moi une féministe. Où étaient les femmes célèbres — ou n'importe quelle femme — et pourquoi n'avaient-elles droit à aucune louange ? Je me suis jurée de devenir célèbre et de recevoir les honneurs mérités quand je reviendrais.
En effet, elle gagne son pari avec son premier roman Les oranges ne sont pas les seuls fruits qui remporte aussitôt un succès. Féministe, elle trouve son salut par la lecture puis par l'écriture.
J'essayais d'échapper à l'idée reçue selon laquelle les femmes écrivent toujours sur "l'expérience" — dans les limites de ce qu'elles connaissent — contrairement aux hommes qui écrivent sur ce qui est grand et audacieux — le grand schéma des choses, l'expérimentation avec la forme.
Pour elle, il n'est jamais trop tard. Malgré tout, elle ne garde pas de rancœur et choisit le pardon pour avancer.
Freud, l'un des maîtres du récit, savait que, contrairement à ce que suggère le temps linéaire, le passé n'est pas figé. On peut revenir en arrière. On peut reprendre les choses où on les a laissées. On peut réparer ce que d'autres ont brisé. On peut parler avec les morts.
Sa trajectoire exceptionnelle prouve que la lecture et l'écriture peuvent changer la vie.
L'Olivier, traduit de l'anglais par Céline Leroy, 2012, 276 pages (existe aussi en poche).
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