dimanche 19 août 2018

Mots croisés avec le père

C'est à son père que Marc-Émile Thinez rend hommage dans L'éternité de Jean ou l'écriture considérée comme la castration du maïs. Une malle pleine de Jean (papiers griffonnés, de coupures de journaux, de calepins, de lettres et de tracts) inspire l'auteur qui se souvient des mots du père et de ceux qu'il avait lui-même hérité de sa propre mère.
Il imbrique ces fragments de textes du père avec les siens, en planches, tableaux, épisodes poétiques ; les entremêle comme les mots croisés que le père affectionnait, armé de son dictionnaire usé. Le père ne lisait que L'Humanité, jamais de livres.
Il est question de la castration (du maïs, liée au métier du père, et de celle exercée sur le fils), de la filiation et de ce que l'on fait des mots, proférés, répétés ou écrits.
D'où viennent les mots ? Qu'est-ce que l'écriture ? semble s'interroger l'auteur qui cite Borges, Pessoa, Nietzsche, Claudel, Deleuze, Cioran...
Lui croise les mots comme on croise le fer. Tous les soirs dans la cuisine. Enfin seul. Jusqu'à 1 h du matin la table ronde est réquisitionnée. Le Larousse et Jean font pression sur une Humanité à plat. Quelques heures plus tard, je bois mon chocolat avant l'école en déchiffrant la vérité de l'Huma imprimée sur la toile cirée, vérité inversée, vérité partielle, des mots tronqués, d'autres qui manquent, dehors il fait noir, le monde est encore raplapla, la cuisine sent le tabac froid.
Éditions Louise Bottu, 2018, 140 pages.

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