vendredi 31 août 2018

Une vie sauvage

Dessin de couverture : Gabriel Gay
L'écart d'Amy Liptrot est considéré comme une révélation. C'est peu dire : c'est magnifique, entre noirceur et luminosité.
C'est le récit d'une jeune femme qui s'est égarée dans l'euphorie nocturne et alcoolisée de Londres et revient, après une cure de désintoxication, dans son archipel natal des Orcades, au nord de l'Écosse : des îles sans arbres, battues par les vents violents et où la nuit tombe à 15 heures à certaines périodes de l'année.
Amy Liptrot décrit parfaitement sa descente aux enfers, l'excitation des excès de la nuit suivie de la souffrance et la honte des brides de souvenirs pendant la gueule de bois. Ces hauts et ses bas reflètent étrangement la maladie de son père maniaco-dépressif, cette alternance de luminosité et de noirceur.
Toujours tentée par les extrêmes, elle se lance le défi d'une vie sobre, jour après jour, en se passionnant pour le travail à la ferme ou des missions ornithologiques ou botaniques pour compter des oiseaux rares (comme le râle des genêts) ou des primevères endémiques.
Cela donne lieu à des descriptions superbes de la nature, de cette terre sauvage, de la mer et du ciel avec ses aurores boréales, ses nuages noctulescents, ses pluies de météorites.
Quand je suis rentrée en cure de désintoxication, je me suis jetée dans le vide : mon avenir était un continent inconnu. J'ignorais ce qu'il adviendrait de ma vie quand je cesserais de la passer à boire. J'ignorais que je reviendrais aux Orcades ; j'ignorais que, l'été suivant, je n'aurais pas de plus cher désir que d'entendre le cri du râle des genêts ; j'ignorais que je goûterais aux joies des bains de mer en plein hiver et que je me mettrais sérieusement à écrire ; j'ignorais que je gravirais seule, en pleine tempête, une colline abrupte sur l'île la plus isolée du pays, par un après-midi glacial du mois de janvier. Je ne savais rien de tout cela — mais je voulais me donner la chance de le découvrir.
On est happé de bout en bout par le récit poétique et sur le fil du rasoir.

Éditions Globe, traduit de l'anglais par Karine Reignier-Guerre, 2018, 336 pages.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire