jeudi 4 avril 2024

Désenchantée

Encore une ! Il y a de quoi se demander ce qui ne va pas ! Elles ne sont pas des cas isolés, ces femmes qui n'en peuvent plus du sexisme de certains hommes. Elles réagissent (se réveillent parfois) et s'interrogent. C'était le cas de Majé dans Ne plus tomber (en amour) mais aussi de Mona Chollet dans Réinventer l'amour ou de Victoire Tuaillon dans Le cœur sur la table.
Et bien sûr, c'est le cas d'Ovidie dont le livre La chair est triste hélas (2023) vient de sortir en poche.
Parce qu'elle a mis beaucoup d'énergie, de temps et d'argent pour être au top "sur le grand marché de la baisabilité", comme elle l'écrit, l'autrice ressort de ses expériences totalement désenchantée.
Elle est dans un tel état d'écœurement vis-à-vis de l'hétérosexualité qu'elle a décidé de faire grève.
Elle aurait pu arrêter sans en faire toute une histoire, puisqu'après tout la plupart des gens, en couple ou pas, ne font plus l'amour et ne semblent pas s'en porter plus mal.
Sauf qu'Ovidie est autrice, documentariste, spécialiste des questions de sexualité, militante et féministe. Donc elle écrit et s'interroge sur ce qui a provoqué ce ras le bol et sur ce qu'elle voudrait. Elle pose des questions et n'a pas forcément les réponses à tout. En tout cas, elle nous invite à réfléchir aux rapports hommes-femmes, aux comportements de part et d'autre, aux injonctions et autres biais culturels.
Cela fait un petit livre autobiographique — mais un gros pavé dans la mare comme on les aime — très bien écrit, intelligent et captivant.
Oui, jetez-vous dessus : c'est passionnant.

Et je voudrais qu'on m'aime moi, pour ce que je suis et non pour ce que je représente. Qu'on m'aime et qu'on me laisse libre de vaquer à mes occupations, de la même manière que je respecterais la liberté de l'autre, parce que cette relation serait fondée sur la confiance et la sécurité. Je voudrais croire en un amour affranchi de notre culture de la domination, en un monde dans lequel il serait possible d'envisager l'égalité entre deux êtres, une « hétérosexualité qui trahirait le patriarcat », pour citer Mona Chollet. Je fantasme une société plus égalitaire, où les individus vivraient et travailleraient ensemble d'égal à égal et qui ouvrirait la voie à des relations d'un type nouveau, fondées sur l'affection mutuelle et non plus entachées par des questions de propriété, de possession, de valeur, de prix et d'échange.
Vous voyez bien que c'est strictement impossible.

Julliard, collection Points, n° P5733, 2024, 128 pages.

On peut aussi écouter le podcast avec Victoire Tuaillon : La dialectique du calbute sale ou le podcast avec Tancrède Ramonet : Qu'est-ce qui pourrait sauver l'amour ?

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