lundi 18 novembre 2024

L'énergie dans l'assiette

Et si la fatigue venait de notre alimentation ? Ou plutôt si notre vitalité dépendait aussi de ce que nous mangeons ?
La cheffe Émilie Félix propose, dans L'énergie, ça se cuisine, de booster notre énergie avec une approche originale en cinq étapes, et des conseils simples.
Elle se base sur des principes ancestraux et multiculturels et vise le bien-être de tous, à tous les âges. Elle nous aide à comprendre ce que signifie manger et à faire le lien avec l'énergie vitale.
Il ne s'agit pas d'un livre de recettes, mais plutôt d'une autre façon, par exemple, de cuisiner, de découper (avec des schémas) et cuire les légumes.
Les cinq étapes sont : bien sélectionner et acheter ses produits, notamment selon la saison ; bien les conserver (avec des conseils sur la macération, la déshydratation, la congélation... ; bien les transformer, donc les découper, les cuire et les associer avec d'autres aliments.
Et pour finir les déguster d'une certaine façon et en fonction d'un repas, d'une année, d'un trouble particulier et dans un certain ordre de façon à faciliter la digestion, par exemple.
C'est une bible de l'alimentation, très instructive et passionnante, avec beaucoup d'illustrations.
Comme le disait Hippocrate : "Que ton alimentation soit ta meilleure médecine."

Le Cherche Midi éditeur, 2024, 336 pages.

lundi 21 octobre 2024

Ah ! ça ira

Laure Murat découvre, en lisant Proust, que sa famille aristocratique a servi de modèle à l'écrivain (et certains membres y figurent sous leur propre nom). Il a, en effet, été reçu par ses arrières-grands-parents.
En rupture avec son milieu, l'autrice est considérée comme une "fille perdue" pour cause d'homosexualité.
Mieux encore, elle trouve, dans À la recherche du temps perdu, une consolation car il décrit comme personne les siens où tout n'est qu'apparence et représentation, codes et rituels, traits d'humour et bons mots... sans jamais rien dire. C'est le règne de la mise en scène et de l'hypocrisie, du grand vide.
Elle décode au fil des pages de cet essai, Proust, roman familial, ce que représente sa famille et sa propre expérience.
Elle clame son amour de la littérature — et surtout de Proust qu'elle lit entre réalité et fiction. C'est une révélation et une libération car il lui donne les clés pour s'affranchir de cette caste et de ce qu'on attend des filles de sa lignée : se marier et avoir des enfants.
De sa vie personnelle, elle ouvre les portes vers l'universel et l'émancipation possible de chacun.
Elle ne manque pas d'humour et de bons mots, et son propos fait sens.

Le livre a reçu le Prix Médicis de l'essai 2023 et le Prix Jean d'Ormesson 2024.

Robert Laffont, 2023, 252 pages.

dimanche 20 octobre 2024

Les mets et les mots

Ryoko Sekiguchi, dans La terre est une marmite, s'interroge sur notre rapport à la nourriture avec ce petit pas de côté qui dérange un peu ou surprend, comme quand elle imagine quel goût pourrait avoir son propre corps !
Elle s'adresse aux enfants dans ce texte de conférence et n'hésite pas à mettre les pieds dans les plats pour mieux nous faire réfléchir.
Son grand-père était éditeur et sa mère dirigeait une école de cuisine. Donc l'autrice se sent héritière des deux domaines : les mots et les mets.
Traductrice, elle navigue entre les langues et les cuisines, car chaque culture culinaire a son langage et sa grammaire.
Elle affirme que la nourriture nécessite d'être nommée, que tous les plats ont des noms, même si on les invente. Parfois, le manque d'habitude ou la façon de nommer peut changer notre "vision", notre goût, nos sens.
Entre philosophie et poésie, une façon étonnante de voir, goûter et comprendre ce que nous mangeons.

Bayard, 2024, 90 pages.

mercredi 16 octobre 2024

Cinquante nuances de plats

Voilà un essai instructif et plein d'humour sur L'histoire de l'humanité en cinquante plats, de l'Anglaise Uta Seeburg, qui commence par Comment bien cuisiner le mammouth ?
En effet, que sait-on des premiers hommes et de leurs activités de chasseurs-cueilleurs ? À quoi servaient les épices à la Renaissance ? Comment le contenu de notre assiette d'aujourd'hui y est arrivé ?
On apprend mille et une anecdotes sur la façon de manger et les ingrédients, ici ou là, au fil du temps.
On commence donc par le mammouth, vers 11 000 ans avant notre ère, jusqu'aux dîners par temps de pandémie de Covid, partout dans le monde, en passant par le hamburger américain (1948), la soupe de vermicelles chinoise (1958), le pique-nique vers 1790, les nigiri sushi japonais (vers 1830), le curry indien (vers 1500), le tea time anglais (vers 1700), la potée d'agneau de Babylone (vers 1730 avant notre ère), la langouste belle aurore française (1933)...
Forcément, on a longtemps mangé ce qu'on trouvait à proximité. Les famines ou le commerce international ont changé la donne, pour le meilleur et pour le pire. Et l'on se rend compte que, finalement, les circuits courts et l'autonomie alimentaire des territoires permettraient de résister aux crises...
C'est très documenté et on se délecte.
Un essai vraiment savoureux !

Buchet-Chastel, 2024, 256 pages.

Quand on aime, on ne compte pas ?

On s'en doutait bien et on le savait depuis longtemps mais Lucile Quillet (textes) et Tiffany Cooper (dessins) le prouvent par A + B dans Le prix à payer : le couple hétéro appauvrit les femmes. (Le sous-titre est : Pourquoi le couple hétéro appauvrit les femmes et nuit à l'amour.)
Lucile Quillet transforme ici son essai (paru en 2021 aux Liens qui Libèrent) en BD et fait les comptes en trois parties : avant le couple, pendant le couple et après le couple. C'est consternant, évidemment, mais raconté avec le plus possible d'humour.
Le tabou de l'argent cache des a priori sur la question, surtout pour les femmes. Par exemple, si elles parlent trop d'argent, elles passent pour vénales. Sinon, on fait comme si elles n'y comprenaient rien (et elles n'y sont pas du tout encouragées).
Déjà, d'une manière générale, leurs salaires sont moins élevés. C'est limite mal vu si elles gagnent davantage que l'homme dans un couple. Ajoutons que leurs dépenses sont plus élevées, comme les "frais de représentation" (esthétique et cosmétique), ou de contraception.
Même à salaire égal, les rôles traditionnels ont vite fait de les cantonner à certaines activités et tâches, comme le fait de mettre de côté leur carrière si leur compagnon est muté ou s'ils ont des enfants. Sans parler de tout le travail gratuit (avec la charge mentale qui va avec) qui n'est jamais comptabilisé en contre-partie.
Le partage des frais, au prorata, n'est pas vraiment équitable selon la façon dont on calcule ou ce qui est payé par l'un ou par l'autre. C'est clairement expliqué : 1 + 1 = parfois -1 !
Bref, socialement, être une femme implique des obligations personnelles, physiques et économiques qui ne sont n'est pas prêtes de se résorber.
Mais cela peut se comprendre : qui a envie de perdre ses privilèges ?

Leduc et Les Liens qui libèrent, 2024, 176 pages.

lundi 14 octobre 2024

Japon d'hier et d'aujourd'hui

Comme le dit Françoise Moréchand-Nagataki, personnalité franco-japonaise très connue au Japon, dans sa préface : "Celui qui visite le Japon n'en revient jamais complètement. Une part de lui-même demeure là-bas. C'est le cas de Pierre-Antoine Donnet."
Pour qui s'intéresse à ce pays et ses habitants, le livre de Pierre-Antoine Donnet,
Japon. L'envol vers la modernité
, est agréable à lire et complet sur ce pays complexe, son histoire, ancienne et moderne, sa société, le rôle des femmes, l'éducation, les jeunes, le rapport à la nature, les traditions, les codes, ses ressources, ses difficultés, son insularité, sa politique...
L'auteur a été correspondant à Tokyo pour l'agence France-Presse : il peut ainsi témoigner de ce qu'il a réellement connu et démythifier quelques a priori, par exemple les idées reçues sur les geishas.
Si on ne perce pas les secrets impénétrables des Japonais, on s'en rapproche de très près.

L'Aube, 2024, 344 pages.

L'art et la manière d'écrire

Quel joli titre que ce Nécessaire d'écriture, écrit à deux, par Jean Rouaud et Nathalie Skowronek !
Plutôt que de faire référence à une boîte à outils, il est plus délicat d'évoquer le nécessaire de couture. C'est aussi plus adéquat, quand on connait l'histoire de la famille de l'autrice dans le milieu de la couture et du prêt-à-porter (voir Un monde sur mesure). Il est question, comme pour un vêtement, de bâtir, de faufiler, d'assembler, de garder les chutes, de créer un patchwork comme un ajustement de hasards heureux qui fera œuvre.
C'est surtout un travail de minutie, de patience et de persévérance.
Pas à pas, ou plutôt point après point, à chaque étape et pour chaque partie d'un texte, les auteurs guident les "jeunes romanciers" : le sujet, l'inspiration, le titre, l'incipit, le style, l'influence, le genre, les dialogues, etc.
De nombreux exemples et extraits d'œuvres, pour s'entraîner "à la façon de", donnent aussi envie de lire d'autres livres, de combler nos lacunes toujours plus béantes et sans fond. Car lire et écrire sont indissociables.
Bien sûr, les deux auteurs, qui sont romanciers et animent des ateliers d'écriture, témoignent de leurs propres expériences.
S'il n'y a pas vraiment de recette magique pour bien écrire, il y a de grandes lignes à respecter, des méthodes à adopter et de bons ingrédients à utiliser.
Ces conseils, pistes de réflexions n'ont d'autre but que de démythifier la page blanche et de donner envie de se lancer. C'est donc un livre qui inspire.

Seghers, 2024, 320 pages.