C'est un roman qui sent le terrain (et les odeurs corporelles aussi) et l'expérience vécus par un écrivain français, expatrié pour l'amour d'une Québécoise. Il se retrouve du jour au lendemain à faire des remplacements en urgence dans des garderies de Montréal.
La situation est quelque peu terrifiante (n'est-ce pas le rôle de personnes formées et qualifiées ?), mais que l'auteur prend à bras-le-corps (il faut bien gagner sa vie) et y met tout son grand cœur et son humour, puis son talent pour nous raconter cette expérience ébouriffante : ses journées, ses rencontres, avec les adultes, parents et éducateurs, et surtout avec les enfants.
Par la même occasion, nous voilà propulsés dans un Canada profond, quotidien, auquel on ne s'attend pas forcément (quoique, Éric Plamondon nous avait déjà ouvert la porte loin des cartes postales), celui des milieux défavorisés, des inégalités sociales, des éducateurs au bord du burn-out mais toujours d'une bonne humeur incroyable. Une rare fois, l'intérimaire en garderie est envoyé dans un quartier chic, ce qui n'est pas mieux, finalement :
Ce matin, Gaëtan avait la tête un peu à l'envers, il m'a envoyé dans une garderie anglophone du quartier financier.Entre chaque court chapitre, il cite de bons mots et des reparties des enfants, poétiques et touchantes dans leur maladresse ou leur inexactitude, comme la phrase qui sert de titre au livre.
Tous les enfants ont l'air d'être les enfants de Madonna. Décisionnaires. Vegan. Excentriques et méprisants. Ils me parlent comme à un enfant.
Pierre Terzian cite également des phrases écrites aux murs des garderies, des banderoles qui revendiquent davantage d'aides pour les services sociaux ou ces conversations glanées au fil des jours :
— Les gens ne réalisent pas comme c'est admirable, ce que vous faites...Un métier souvent ingrat, que Pierre Terzian met prodigieusement en valeur et où il s'amuse aussi beaucoup, à le vivre puis à l'écrire, avec la force d'un témoignage.
— Pardon ?
— Votre job. C'est admirable !
— Oh... Merci, mais moi... Je ne suis que de passage...
— Quand même... C'est admirable ! Et c'est un métier que personne ne met en valeur. C'est désespérant. Vous ne pensez pas ? Ce que ça dit de notre société, un tel mépris pour une tâche si noble ?
Parfois, je l'avoue : je joue avec les enfants. Et pourquoi pas ? J'en veux moi aussi, de cette couillonnade transcendante.Quidam éditeur, 2020, 236 pages.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire