vendredi 27 décembre 2024

Les arbres sacrés

L'arbre, cet être vivant qui plonge ses racines dans la terre et s'élève vers le ciel, est sacré dans bien des cultures dans le monde. Impressionnant par sa taille et sa longévité, sa présence est bénéfique.
L'autrice et ethnobotaniste Aurélie Valtat nous emmène, à travers tous les continents, découvrir 25 essences vénérées ici ou là : du chêne européen au cerisier japonais en passant par le baobab malgache.
Une exploration des rituels et légendes qui entourent les arbres, avec de superbes photos à l'appui.

Eyrolles, 2024, 208 pages.

Voir aussi le film La Puissance de l'arbre de Jean-Pierre et Anna Duval avec l'ingénieur forestier Ernst Zürcher auprès des arbres remarquables suisses. 



mardi 26 novembre 2024

Dans les arcanes de l'édition

Pascal Bresson s'inspire du roman de David Foenkinos, Le mystère Henry Pick, pour le scénario de la bande dessinée du même nom. Les dessins sont d'Ilaria Tebaldini.
L'histoire se passe dans le monde de l'édition.
Une éditrice passionnée, qui travaille chez Grasset (l'éditeur de Foenkinos), publie un jeune romancier qu'elle trouve talentueux.
Ils tombent amoureux et s'installent ensemble. Malheureusement, son livre est un échec.
Elle trouve ensuite un manuscrit génial dans une bibliothèque qui reçoit les manuscrits refusés (à condition qu'on vienne les déposer en personne). L'auteur, le fameux Henri Pick, est mort mais cachait bien son jeu. En tout cas, il n'a pas le profil d'un écrivain.
Le livre rencontre un grand succès. Mais un critique littéraire enquête car il ne croit pas à cet auteur.
Qui est le véritable et mystérieux écrivain ? 
La morale de l'histoire n'est-elle pas que le succès d'un livre ne tient pas toujours à son texte mais à l'histoire qui plane autour ?

La Boîte à bulles, 2024, 168 pages.

Deux Nothomb, deux ovations

Elle écrit plus vite que son ombre, au creux de la nuit, et ne publie que le quart.
Franchement chapeau ! (c'est le cas de dire, eu égard à sa collection).
L'impossible retour est le récit d'un voyage avec une amie française, la photographe Pep Beni, qui a gagné un séjour d'une dizaine de jours au Japon pour deux et a décidé de prendre Amélie pour guide.
Ce périple est rocambolesque et plein d'humour, bien que source d'angoisses et d'émotions.
La quatrième de couverture est aussi brève que juste : 

"Tout retour est impossible, l'amour le plus absolu n'en donne pas la clef."

C'est une variation de son roman La nostalgie heureuse, récit romancé d'un autre retour au Japon. 

Dans cet élan de plaisir de lecture, je m'attaque à Psychopompe.
Là aussi, la quatrième de couverture est parfaite :

"Écrire, c'est voler."

Où Amélie Nothomb nous raconte sa passion pour les oiseaux depuis l'enfance et son fantasme de voler, qu'elle a sublimé dans l'écriture.
Je serai aussi brève que ces quatrièmes : bravo !

Albin Michel, 2024 et 2023, 160 pages.

Lire aussi mes chroniques sur :
- La Nostalgie heureuse ;
- Une forme de vie.

lundi 18 novembre 2024

L'énergie dans l'assiette

Et si la fatigue venait de notre alimentation ? Ou plutôt si notre vitalité dépendait aussi de ce que nous mangeons ?
La cheffe Émilie Félix propose, dans L'énergie, ça se cuisine, de booster notre énergie avec une approche originale en cinq étapes, et des conseils simples.
Elle se base sur des principes ancestraux et multiculturels et vise le bien-être de tous, à tous les âges. Elle nous aide à comprendre ce que signifie manger et à faire le lien avec l'énergie vitale.
Il ne s'agit pas d'un livre de recettes, mais plutôt d'une autre façon, par exemple, de cuisiner, de découper (avec des schémas) et cuire les légumes.
Les cinq étapes sont : bien sélectionner et acheter ses produits, notamment selon la saison ; bien les conserver (avec des conseils sur la macération, la déshydratation, la congélation... ; bien les transformer, donc les découper, les cuire et les associer avec d'autres aliments.
Et pour finir les déguster d'une certaine façon et en fonction d'un repas, d'une année, d'un trouble particulier et dans un certain ordre de façon à faciliter la digestion, par exemple.
C'est une bible de l'alimentation, très instructive et passionnante, avec beaucoup d'illustrations.
Comme le disait Hippocrate : "Que ton alimentation soit ta meilleure médecine."

Le Cherche Midi éditeur, 2024, 336 pages.

lundi 21 octobre 2024

Ah ! ça ira

Laure Murat découvre, en lisant Proust, que sa famille aristocratique a servi de modèle à l'écrivain (et certains membres y figurent sous leur propre nom). Il a, en effet, été reçu par ses arrières-grands-parents.
En rupture avec son milieu, l'autrice est considérée comme une "fille perdue" pour cause d'homosexualité.
Mieux encore, elle trouve, dans À la recherche du temps perdu, une consolation car il décrit comme personne les siens où tout n'est qu'apparence et représentation, codes et rituels, traits d'humour et bons mots... sans jamais rien dire. C'est le règne de la mise en scène et de l'hypocrisie, du grand vide.
Elle décode au fil des pages de cet essai, Proust, roman familial, ce que représente sa famille et sa propre expérience.
Elle clame son amour de la littérature — et surtout de Proust qu'elle lit entre réalité et fiction. C'est une révélation et une libération car il lui donne les clés pour s'affranchir de cette caste et de ce qu'on attend des filles de sa lignée : se marier et avoir des enfants.
De sa vie personnelle, elle ouvre les portes vers l'universel et l'émancipation possible de chacun.
Elle ne manque pas d'humour et de bons mots, et son propos fait sens.

Le livre a reçu le Prix Médicis de l'essai 2023 et le Prix Jean d'Ormesson 2024.

Robert Laffont, 2023, 252 pages.

dimanche 20 octobre 2024

Les mets et les mots

Ryoko Sekiguchi, dans La terre est une marmite, s'interroge sur notre rapport à la nourriture avec ce petit pas de côté qui dérange un peu ou surprend, comme quand elle imagine quel goût pourrait avoir son propre corps !
Elle s'adresse aux enfants dans ce texte de conférence et n'hésite pas à mettre les pieds dans les plats pour mieux nous faire réfléchir.
Son grand-père était éditeur et sa mère dirigeait une école de cuisine. Donc l'autrice se sent héritière des deux domaines : les mots et les mets.
Traductrice, elle navigue entre les langues et les cuisines, car chaque culture culinaire a son langage et sa grammaire.
Elle affirme que la nourriture nécessite d'être nommée, que tous les plats ont des noms, même si on les invente. Parfois, le manque d'habitude ou la façon de nommer peut changer notre "vision", notre goût, nos sens.
Entre philosophie et poésie, une façon étonnante de voir, goûter et comprendre ce que nous mangeons.

Bayard, 2024, 90 pages.

mercredi 16 octobre 2024

Cinquante nuances de plats

Voilà un essai instructif et plein d'humour sur L'histoire de l'humanité en cinquante plats, de l'Anglaise Uta Seeburg, qui commence par Comment bien cuisiner le mammouth ?
En effet, que sait-on des premiers hommes et de leurs activités de chasseurs-cueilleurs ? À quoi servaient les épices à la Renaissance ? Comment le contenu de notre assiette d'aujourd'hui y est arrivé ?
On apprend mille et une anecdotes sur la façon de manger et les ingrédients, ici ou là, au fil du temps.
On commence donc par le mammouth, vers 11 000 ans avant notre ère, jusqu'aux dîners par temps de pandémie de Covid, partout dans le monde, en passant par le hamburger américain (1948), la soupe de vermicelles chinoise (1958), le pique-nique vers 1790, les nigiri sushi japonais (vers 1830), le curry indien (vers 1500), le tea time anglais (vers 1700), la potée d'agneau de Babylone (vers 1730 avant notre ère), la langouste belle aurore française (1933)...
Forcément, on a longtemps mangé ce qu'on trouvait à proximité. Les famines ou le commerce international ont changé la donne, pour le meilleur et pour le pire. Et l'on se rend compte que, finalement, les circuits courts et l'autonomie alimentaire des territoires permettraient de résister aux crises...
C'est très documenté et on se délecte.
Un essai vraiment savoureux !

Buchet-Chastel, 2024, 256 pages.

Quand on aime, on ne compte pas ?

On s'en doutait bien et on le savait depuis longtemps mais Lucile Quillet (textes) et Tiffany Cooper (dessins) le prouvent par A + B dans Le prix à payer : le couple hétéro appauvrit les femmes. (Le sous-titre est : Pourquoi le couple hétéro appauvrit les femmes et nuit à l'amour.)
Lucile Quillet transforme ici son essai (paru en 2021 aux Liens qui Libèrent) en BD et fait les comptes en trois parties : avant le couple, pendant le couple et après le couple. C'est consternant, évidemment, mais raconté avec le plus possible d'humour.
Le tabou de l'argent cache des a priori sur la question, surtout pour les femmes. Par exemple, si elles parlent trop d'argent, elles passent pour vénales. Sinon, on fait comme si elles n'y comprenaient rien (et elles n'y sont pas du tout encouragées).
Déjà, d'une manière générale, leurs salaires sont moins élevés. C'est limite mal vu si elles gagnent davantage que l'homme dans un couple. Ajoutons que leurs dépenses sont plus élevées, comme les "frais de représentation" (esthétique et cosmétique), ou de contraception.
Même à salaire égal, les rôles traditionnels ont vite fait de les cantonner à certaines activités et tâches, comme le fait de mettre de côté leur carrière si leur compagnon est muté ou s'ils ont des enfants. Sans parler de tout le travail gratuit (avec la charge mentale qui va avec) qui n'est jamais comptabilisé en contre-partie.
Le partage des frais, au prorata, n'est pas vraiment équitable selon la façon dont on calcule ou ce qui est payé par l'un ou par l'autre. C'est clairement expliqué : 1 + 1 = parfois -1 !
Bref, socialement, être une femme implique des obligations personnelles, physiques et économiques qui ne sont n'est pas prêtes de se résorber.
Mais cela peut se comprendre : qui a envie de perdre ses privilèges ?

Leduc et Les Liens qui libèrent, 2024, 176 pages.

lundi 14 octobre 2024

Japon d'hier et d'aujourd'hui

Comme le dit Françoise Moréchand-Nagataki, personnalité franco-japonaise très connue au Japon, dans sa préface : "Celui qui visite le Japon n'en revient jamais complètement. Une part de lui-même demeure là-bas. C'est le cas de Pierre-Antoine Donnet."
Pour qui s'intéresse à ce pays et ses habitants, le livre de Pierre-Antoine Donnet,
Japon. L'envol vers la modernité
, est agréable à lire et complet sur ce pays complexe, son histoire, ancienne et moderne, sa société, le rôle des femmes, l'éducation, les jeunes, le rapport à la nature, les traditions, les codes, ses ressources, ses difficultés, son insularité, sa politique...
L'auteur a été correspondant à Tokyo pour l'agence France-Presse : il peut ainsi témoigner de ce qu'il a réellement connu et démythifier quelques a priori, par exemple les idées reçues sur les geishas.
Si on ne perce pas les secrets impénétrables des Japonais, on s'en rapproche de très près.

L'Aube, 2024, 344 pages.

L'art et la manière d'écrire

Quel joli titre que ce Nécessaire d'écriture, écrit à deux, par Jean Rouaud et Nathalie Skowronek !
Plutôt que de faire référence à une boîte à outils, il est plus délicat d'évoquer le nécessaire de couture. C'est aussi plus adéquat, quand on connait l'histoire de la famille de l'autrice dans le milieu de la couture et du prêt-à-porter (voir Un monde sur mesure). Il est question, comme pour un vêtement, de bâtir, de faufiler, d'assembler, de garder les chutes, de créer un patchwork comme un ajustement de hasards heureux qui fera œuvre.
C'est surtout un travail de minutie, de patience et de persévérance.
Pas à pas, ou plutôt point après point, à chaque étape et pour chaque partie d'un texte, les auteurs guident les "jeunes romanciers" : le sujet, l'inspiration, le titre, l'incipit, le style, l'influence, le genre, les dialogues, etc.
De nombreux exemples et extraits d'œuvres, pour s'entraîner "à la façon de", donnent aussi envie de lire d'autres livres, de combler nos lacunes toujours plus béantes et sans fond. Car lire et écrire sont indissociables.
Bien sûr, les deux auteurs, qui sont romanciers et animent des ateliers d'écriture, témoignent de leurs propres expériences.
S'il n'y a pas vraiment de recette magique pour bien écrire, il y a de grandes lignes à respecter, des méthodes à adopter et de bons ingrédients à utiliser.
Ces conseils, pistes de réflexions n'ont d'autre but que de démythifier la page blanche et de donner envie de se lancer. C'est donc un livre qui inspire.

Seghers, 2024, 320 pages.

lundi 7 octobre 2024

Les gens, c'est nous

Quand Philippe Delerm annonce que Les Gens sont comme ça (sous-titre : et autres petites phrases métaphysiques), il parle bien souvent de nous, ou de quelqu'un que nous connaissons tous.
C'est toujours avec tendresse et indulgence qu'il dissèque et analyse les expressions toutes faites que nous employons sans trop réfléchir, parfois sans trop savoir exactement quoi dire.
Ces tournures s'emploient dans des situations particulières qu'il se plait à décrire avec l'acuité et la clairvoyance qu'on lui connait. Dans de courts textes dont il a fait sa spécialité, il nous en révèle toutes les minuscules intentions et les sous-entendus.
C'est comme s'il développait les points de suspension et les silences, comme s'il faisait apparaître les pensées des gens. Et les gens, c'est nous : nous ne pouvons qu'approuver ce qu'il décèle.
Il s'agit souvent de façons de parler anodines et populaires, pas spécialement élégantes, souvent agaçantes, auxquelles on ne ferait pas attention. En tout cas, on n'en ferait pas l'éloge. Mais il les attrape avec des pincettes, les observe au microscope, les grossit en construisant une histoire et/ou un développement métaphysique et les rend soudain intéressantes : elles deviennent prétexte (pré-texte) à des textes littéraires. C'est épatant.
Je dirais même : c'est Oulipien ! 

En voici quelques-unes :
Je ne souhaite cela à personne
Tu me donneras la recette
Ah oui, non mais moi
Moi, je crois beaucoup à ça
Elle m'a fait une angine
C'est ni fait ni à faire
Tu vas sortir de ta zone de confort
C'est mignon
T'inquiète
C'est que du bonheur

(et ce sera le mot de la fin)

Seuil, 2024, 120 pages.

D'autres chroniques sur les livres de Philippe Delerm :
- Les i
nstants suspendus ;
- New York sans New York ;
La vie en relief ;
- L'extase du selfie et autres gestes qui nous disent ;
- Et vous avez eu beau temps ? La perfidie ordinaire des petites phrases ;
- Journal d'un homme heureux ;
- Je vais passer pour un vieux con et autres petites phrases qui en disent long ;
- Elle marchait sur un fil ;
- Les eaux troubles du mojito et autres belles raisons d'habiter la terre. 

dimanche 6 octobre 2024

Le pouvoir de la nature

Kathy Willis a fondé et dirigé l'Institut de biodiversité de l'université d'Oxford qui vise à protéger la biodiversité, puis est devenue directrice scientifique des Jardins botaniques royaux de Kew, à Londres. Entourée de plantes, ces échanges quotidiens ont changé sa façon de les considérer.
Elle a remarqué, au fil des jours, l'influence de cet environnement végétal : elle ressentait un profond sentiment de bien-être.
Elle s'est donc basée sur des études scientifiques pour écrire ce livre intitulé : Naturel. Pourquoi voir, sentir, toucher et écouter les plantes nous fait du bien.
Dans une forêt, un espace vert, un jardin, en jardinant ou en nous occupant de nos plantes d'intérieur, tous nos sens (vue, ouïe, odorat, toucher) sont naturellement connectés à l'environnement : au bout d'un moment, nous nous sentons rééquilibrés, c'est-à-dire apaisés si nous étions stressés, et revigorés si nous étions fatigués.
Je ne peux qu'être convaincue par cet essai, puisque moi aussi je suis autrice d'un livre sur les bienfaits de la nature sur notre santé : Quand les arbres nous inspirent.

Seuil, 2024, 320 pages.


Les mères dépossédées de La Réunion

Comme l'écrit Sophie Adriansen, la scénariste de ce livre illustré par Anjale : "Si l'affaire des enfants de la Creuse a fait l'objet de traitements — documentaires, fictionnels* — comme d'actions en justice, celle-ci, concernant pourtant la même île, était restée sous silence. Jusqu'à ce que les travaux de Françoise Vergès et de Jarmila Buzkova l'exhument en 2017 et 2018. Pendant que dans l'Hexagone, des femmes se battaient pour le droit à la contraception et à l'IVG, pendant que des médecins risquaient la prison en pratiquant des avortements clandestins, à La Réunion, d'autres femmes étaient avortées et stérilisées sans leur consentement."
Le roman-essai graphique Outre Mères. Le scandale des avortements forcés à La Réunion croise donc les deux situations, en Métropole et surtout à La Réunion, et retrace comment, dans les années 70, des femmes sont victimes d'interruptions de grossesses forcées et de stérilisations, sans même qu'elles en soient informées.
Il montre très bien comment un réseau de médecins a permis cela, sans que cela n'alerte vraiment la Sécurité sociale et encore moins le Planning familial qui semblait même partie prenante.
Ou comment les effets de la colonisation vont jusque dans le corps des femmes en décidant à leur place.
Bravo à Anjale, dessinatrice du Margouillat, qui a rendu cette histoire encore plus émouvante.

Vuibert, 2024, 208 pages.

* Lire l'excellent album de bande dessinée, Piments zoizos, de Tehem sur ce sujet.

Demain est un autre jour

C'est une lecture que l'on pourrait remettre au lendemain, mais le titre est positif : Petit éloge de la procrastination. Il y aurait donc de bons côtés à ce que l'on nous présente comme un défaut ?
Emmanuel Villin nous propose de laisser son livre dans notre pile de livres à lire ou de suivre ses exemples, extraits de la littérature.
Je n'ai pas procrastiné : la curiosité l'a emporté et c'est avec gourmandise que j'ai lu cet essai instructif et plein d'humour.
En effet, un des chapitres ne comporte qu'un titre et une page blanche : Où l'auteur s'adonne à une tâche autre que la rédaction de ce livre.
Nous luttons avec plus ou moins de succès contre cette tendance qui nous guette insidieusement : remettre à plus tard ce que nous devions déjà faire hier...
L'auteur nous apprend qu'il existe une société des Amis de Bartleby, ce personnage de Melville qui bat tous les records d'inertie et de procrastination. C'est un des premiers adeptes du quiet quitting, ou démission silencieuse en français, qui consiste à en faire le moins possible au travail sans se faire licencier.
Sinon, à dose raisonnable, ce n'est généralement pas une maladie, comme l'attestent les neurosciences. Il y a des situations que l'on reporte parce qu'elles ne sont pas plaisantes. Et parfois, ce n'est pas le bon moment. Faire une pause, c'est aussi recharger les batteries. Les génies ont su se servir de ce décalage dans le passage à l'action.
Il y a aussi des procrastinations intelligentes et d'autres qui le sont moins. Par exemple, on perd son temps à scroller sur Internet en enrichissant les GAFAM. Or, on ne perd pas son temps en lisant ce livre.
Enfin, Emmanuel Villin, après avoir puisé dans sa bibliothèque, nous décline sa playlist des chansons nonchalantes qui invitent à la paresse.

Éditions Les pérégrines, 2024, 178 pages.

mardi 17 septembre 2024

Sur les traces de Truman Capote

Au printemps 2023, la journaliste argentine Leila Guerriero part en résidence d'écriture en Espagne, exactement là où Truman Capote s'était retiré de la vie trépidante de New York pour écrire une grande partie de son chef d'œuvre : De Sans froid.
De ses traces des années 60, il ne reste pas grand-chose, mais la journaliste en fait une enquête passionnante, tout en nous racontant l'histoire de ce livre et de son influence néfaste sur Truman Capote.
En effet, malgré le succès phénoménal, c'est comme si tous ces morts, ces fantômes, le poursuivaient, ainsi que ses vieux démons.
Ce qui est particulièrement intéressant, c'est que l'autrice argentine, connue pour son journalisme narratif, s'intéresse à ce style que Truman avait inventé pour De Sang froid : le roman de non-fiction. Donc finalement, leurs façons de travailler ne sont pas si éloignées.
Dans ce sens aussi, elle marche sur ses traces, et brillamment.

Elle s'appuie sur la correspondance de Truman Capote, de cette époque de l'écriture du livre, où il est beaucoup question, justement, des affres de la création.
Intitulé Quatre meurtres et un bal en noir et blanc, ce livre reprend aussi un entretien pour le New York Times. Il est publié en poche, également chez Rivages.
Reste à lire De Sang froid, mais âmes sensibles s'abstenir.

Rivages, 2024, 128 pages.


jeudi 12 septembre 2024

À couper le souffle

L'autrice du roman Coupez !, Laure Desmazières, est scénariste ; la narratrice de l'histoire aussi. Le tout est une course folle, à couper le souffle, un livre impossible à lâcher. Le scénario dans le scénario est tellement rocambolesque que cela ne doit même pas refléter la réalité de certains tournages.
Ça coupe beaucoup dans le cinéma. D'abord, en plein tournage, une coupe dans le budget oblige à faire des coupes dans le scénario. C'est à la scénariste de sauver la situation, pour sauver le film. On lui demande de supprimer les scènes les plus coûteuses, celles qui se passent dans un hôtel de luxe, sauf que ce sont ses scènes préférées. Les chambres d'hôtel (ou pas) sont d'ailleurs des lieux de prédilection de la narratrice : c'est là que tout se trame, que tout se joue.
Elle cherche à contourner la situation grâce au procédé de l'ellipse, qui permet de faire comprendre sans montrer.
Évidemment, elle n'a qu'un week-end pour s'exécuter (c'est le cas de le dire, car couper est très douloureux). Le temps, c'est de l'argent : l'équipe ne doit pas attendre trop longtemps. Il est pas mal question d'argent dans ce roman, surtout celui qui manque : les découverts, les dettes, la précarité du milieu du cinéma.
Et devant cette urgence, au lieu de rester enfermée dans sa chambre d'hôtel pour écrire, la narratrice va se trouver mille autres urgences à régler, comme se faire payer, par exemple, selon son contrat. Alors que tout le monde lui met la pression pour trouver une idée, on a l'impression qu'elle perd un temps précieux en allant voir les uns et les autres, en rendant visite à ses parents, en retournant sur les lieux d'un traumatisme. Elle veut tellement que le film se fasse (elle a déjà travaillé sept ans sur l'écriture) qu'elle cherche le consensus. On verra que chacun y ajoute son grain de sel.
Finalement, ce roman parle de ce que l'on ne voit jamais, de l'invisible de la création : les années de travail pour qu'un film voit le jour, les embuches, les coulisses, les discussions, les disputes, les idées qui viennent de façon improbable, ou qui passent à la trappe.
Il y a aussi les traumatismes qui tombent dans un trou noir (refoulés, donc coupés de la mémoire) et dont le questionnement tourne en boucle sans trouver de sens.
C'est un premier roman tout à fait singulier, écrit par une professionnelle de l'écriture et du scénario : on a l'impression que ça part dans tous les sens, mais elle nous emporte avec elle, entre comédie et film noir.

Quidam éditeur, 2024, 182 pages.

dimanche 1 septembre 2024

En finir avec Guillaume Richter

Pauvre folle est l'histoire de Clotilde Mélisse, le double de Chloé Delaume, principalement autrice d'autofiction poétique.
Le temps d'un voyage en train vers l'Allemagne, elle réfléchit, s'interroge, se triture les méninges et exhume ses souvenirs, ses drames familiaux et surtout l'histoire d'amour avec Guillaume Richter.
En pleine contradiction avec ses principes, elle est bien consciente de sa dissonance cognitive. Féminine, avec un goût prononcé pour son apparence vestimentaire, elle est féministe engagée (l'un n'empêche pas l'autre). Elle nous fait d'ailleurs part, dans tout un chapitre, de 17 portraits de "couillidés" post #MeToo, écrits pour un podcast.
Elle est aussi un peu sorcière (son chat s'appelle Citrouille) et d'une nature fantaisiste et excessive.
Sa relation passionnelle est essentiellement épistolaire. C'est une fiction à deux, une histoire dans l'histoire, entre deux amants d'encre, entre elle et lui (qu'elle écrit elleetlui). Or, il est en couple et gay. Mais cette relation impossible est, pour l'écrivaine, impossible à abandonner car littéraire. Car, pour elle, ils créent ensemble un univers parallèle et onirique dans une clairière imaginaire, qui place la fiction et la poésie au-dessus de tout.
Dans un ultime rituel de pensée magique, la pauvre folle d'amour tentera d'en finir avec ses rêves, au bout d'un long voyage en train, au pied du château d'Heidelberg, haut lieu du romantisme.

Le Seuil (2023) et Points n°6243 (2024), 240 pages.

samedi 31 août 2024

Une véritable épopée

Avec 70 gravures d'Hélène Bautista
Sur l'épaule des géants de Laurine Roux est l'histoire d'une famille originale sur plusieurs générations, une véritable épopée, pleine de rebondissements, qui rencontre la grande histoire : où l’on croise Pasteur, Picasso ou Albert Prince...
C'est un peu le mariage de la science et de la poésie, un récit plein d’esprit et de fantaisie, de détails truculents, d'humour, de jeux de mots.
Il y a des drames, mais malgré tout une atmosphère joyeuse et lumineuse, et beaucoup d’émotions (on s’évanouit souvent en fin de chapitre).
Les thèmes foisonnent : les animaux et la nature, la nourriture, le vin... On mange, on boit, on philosophe.

Les femmes sont fortes et portent toutes des noms de fleurs, comme Églantine, Marguerite, Violette, Rose, Camélia...
Les chats sont malins, doués de paroles, et portent des noms de philosophes.
L'histoire est écrite sous forme de courts chapitres, façon feuilleton, ce qui a donné l'idée aux éditeurs de l'illustrer de 70 magnifiques gravures d'Hélène Bautista (qui rappellent le style de Félix Vallotton), et qui en fait un superbe objet.

C'est particulièrement réjouissant, brillant et plein d'humour.

Le Sonneur, 2022, 384 pages.

jeudi 22 août 2024

Alors ? C'est très bien !

Clémentine Mélois, artiste et autrice Oulipienne bien connue pour ses pastiches de couvertures de livres, Cent titres, rend dans ce récit, Alors c'est bien, un hommage original à son père, le sculpteur Bernard Mélois.
Original, parce que son père était un sculpteur très original. L'hommage est donc à son image : plein d'humour pince-sans-rire, fantaisiste, touchant, hors du commun.
Entre souvenirs et bons mots, il s'agit aussi du récit de l'enterrement lui-même atypique, spectaculaire, festif.
Il aurait apprécié.

— Je suis fier de toi, ma petite chérie. Je suis fier de ce que tu es et de ce que tu fais.
— Ooh... Moi aussi, je suis fière de toi, Papa.
— Tu me poursuis, tu voles de tes propres ailes en mon nom.
— Olala, Pap, tu sais bien que je n'aime pas quand tu es solennel !
— Oh mais laisse-moi donc être fier ! Tu serais en taule, on la ramènerait moins !

L'exercice de l'hommage est périlleux. Clémentine le réussit brillamment. Alors ? C'est très très bien.

Gallimard, collection L'arbalète, 2024, 208 pages.

mercredi 21 août 2024

Poésie noire et rocambolesque

Le premier roman de Cyril Anton, Le nain de Whitechapel, se situe à la fin du XIXe siècle, à la même époque où ce quartier londonien, pauvre et insalubre, a connu le tueur en série Jack l'Éventreur.
Dans ce roman, c'est un gang nommé Tabula Rasa qui perpétue les crimes.
Un nain, issu d'une famille riche et abandonné à cause de son apparence, part sur les traces de ces criminels dans ce quartier peuplé de laissés pour compte et cabossés de la vie, pas nés comme il faut, qu'il tentera de protéger.
L'histoire sombre et inquiétante, d'une imagination foisonnante, se place dans la lignée des films Freaks, Delicatessen, Elephant Man, ou dans l'univers de Tim Burton.  
Ce roman noir est un conte gothique complètement fou, aux multiples rebondissements, plus macabres et fantastiques les uns que les autres, dans une atmosphère de cabinet de curiosités. 

Le Sonneur, 2024, 192 pages.

lundi 19 août 2024

Faut-il défendre la nouvelle ?

Le dossier du dernier numéro de la revue Décapage porte sur la nouvelle, grâce à 21 écrivains qui la défendent.
Oui, il semblerait qu'il n'y ait qu'en France qu'il soit nécessaire de défendre la nouvelle, ce genre qui n'a pas la cote parce qu'il ne fait pas recette.
Mais pourquoi ce désamour ? Certains, comme Belinda Cannone, avancent que la nouvelle a mauvaise presse. Les journalistes et critiques littéraires auraient du mal à résumer un recueil quand les textes passent du coq à l'âne. Donc pas d'articles = pas de ventes.
Ce n'est sûrement pas la seule raison, mais j'ai toujours eu du mal à obtenir des arguments précis et surtout valables (en fait, il n'y en a pas).
Donc les éditeurs rechignent à en publier et, s'ils le font, évitent parfois de le préciser sur la couverture. On préfère annoncer des "fictions courtes", ce qui est, somme toute, une bonne définition.
Sa brièveté permet de la lire en une seule fois. Alors qu'on manque de temps pour lire de vrais livres, la nouvelle devrait être à la mode.
Si on peut la lire vite, il est déconseillé de les enchaîner. Il faut les laisser décanter, voire les reprendre au début pour mieux saisir leur profondeur.
La nouvelle laisse des portes ouvertes au lecteur pour l'inviter à la réflexion (et participer à la création, de même que le regardeur fait le tableau).
Et lire une nouvelle, c'est déjà lire de la littérature. Si c'est bon, c'est bon, que le texte soit court ou long.
Donc oui, il faut arrêter de discriminer les histoires courtes et il faut les défendre.
Lisez ce numéro de Décapage et vous comprendrez.

Revue Décapage, Flammarion, n° 69, printemps-été 2024.

mardi 13 août 2024

24 heures sur 24

H24, 24 heures dans la vie d'une femme est un recueil de 24 nouvelles courtes, écrites par 24 écrivaines du monde entier (Europe, Afrique, Amérique...), pour rendre compte de la vie des femmes dans des situations quotidiennes, plus ou moins violentes et toujours choquantes.
Ces nouvelles, écrites à la première personne, sont inspirées de faits réels, de l'incident (presque) banal au drame, quand les femmes sont harcelées, insultées, rabaissées, reléguées à des corps, battues, violées, assassinées, souvent dans le cadre familial.
Ces femmes sont nos sœurs, nos mères, nos amies, nos voisines... leurs portraits sont sensibles, parfois drôles, toujours percutants.
Parmi toutes ces belles plumes, on retrouve Lydie Salvayre, Siri Hustvedt, Lola Lafon, Agnès Desarthe, Anne Pauly, Christiane Taubira, Chloé Delaume, Alice Zeniter...
Ces histoires ont aussi inspiré à des réalisatrices des épisodes de la série H24 diffusée sur Arte (voir ici), avec de grandes comédiennes, comme Diane Kruger, Noémie Merlant, Valéria Bruni-Tedeschi, Romane Bohringer...
Des textes brefs qui racontent, de l'intérieur, la colère, la honte, de toutes les femmes du monde, à n'importe quel moment du jour et de la nuit.

Actes Sud et Arte éditions, 2021, 192 pages.

samedi 10 août 2024

Les couleurs du cœur

Gueule Demi de Benoît Reiss est un conte poétique où il est question d'enfants abandonnés et recueillis, de peintres et de peinture, de nature...
Il y a de la magie dans l'air, de la beauté, de la lumière, des couleurs — comme le bleu de la mer —, et beaucoup de mystères...
Les personnages n'ont pas de prénoms mais des surnoms : L'Envolée, Bleu, Gueule Demi...
Les chapitres semblent se succéder dans le désordre, comme un puzzle en construction qui se révèle peu à peu.
À la suite d'un accident, un homme devient monstrueux et rejeté, mais une jeune fille devinera ses talents cachés...
C'est un livre qui ne se raconte pas, mais qui se déguste, phrase après phrase.

Éditions Fugue, 2023, 176 pages.

mardi 6 août 2024

Cheminer vers Nancy

La collection "Je chemine avec..." est une série d'entretiens menés par Sophie Lhuillier avec des personnalités de différentes disciplines. Pour la littérature, c'est Nancy Huston.
Elle nous raconte son histoire, son enfance, et comment elle a fait de ses souffrances et traumatismes des "cadeaux en mal" de la vie.
C'est ainsi que nous cheminons avec elle dans son passé et son présent, ses rencontres, les tournants et les tourments de sa vie, ce qui a fait qu'elle est devenue écrivaine et ce qui l'anime ou la mine. Et bien sûr, le féminisme et son engagement politique.
Elle parle bien sûr d'écriture, de sa façon de travailler, et comment elle a écrit ses livres, romans ou essais, dont L'espèce fabulatrice qui est celui dont elle est le plus fière.
Sophie Lhuillier l'interroge aussi sur ses lectures et les écrivains qui la touchent, sur ce qui fait un bon roman.
Si les livres des écrivains qui parlent de leur métier sont souvent inspirants, celui-ci l'est tout particulièrement : mon exemplaire est annoté, marqué, souligné au fil des pages. J'y reviendrai certainement.

Seuil, 2021, 176 pages.

Lire aussi les autres chroniques sur Nancy Huston :
- L'espèce fabulatrice ;
- Démons quotidiens ;
- Prodige ;
- Reflets dans un œil d'homme ;
- Bad girl. Classes de littérature.

dimanche 28 juillet 2024

À propos de Duras

Je voudrais parler de Duras est la retranscription de plusieurs entretiens entre Yann Andréa et Michèle Manceaux, qui se sont déroulés en 1982. Yann Andréa avait souhaité parler de l'écrivain, avec qui il vivait depuis deux ans, pour écrire son portrait. Il n'avait pas encore écrit ses livres où il abordera ses relations avec l'écrivain.
Auparavant, il lui vouait déjà un véritable culte et lui avait écrit pendant des années. Ils ont fini par se retrouver et ne plus se quitter.
Mais leur immense amour, absolu et fusionnel, a également des revers, surtout pour lui qui est sous emprise et n'arrive pas à vivre sans elle.
Il a parfois l'impression de ne pas exister, de n'avoir plus aucune liberté et de vivre une fiction. En effet, elle l'avait rebaptisé Andréa, au lieu de Lemée, comme elle s'était elle-même rebaptisée Duras au lieu de Donnadieu.
Il rapporte des attitudes et des propos de Duras assez édifiants, comme : "Non, vous n'existez pas, vous n'existez qu'en fonction de moi" ou bien : "Vous n'existez pas, mais si, vous existez, puisque c'est moi qui vous fait exister".
Elle lui dit quoi penser, comment s'habiller, qui fréquenter... Sacrée Duras.
Malgré tout, il parle d'elle avec beaucoup d'admiration et de délicatesse.

Un très beau film, Vous ne désirez que moi, a été réalisé d'après ces entretiens par Claire Simon, avec les excellents Swann Arlaud, dans le rôle de Yann Andréa, et Emmanuelle Devos dans le rôle de Michèle Manceaux.

Points, 2024, 96 pages.

 

lundi 24 juin 2024

Un reflet dans le portrait

La grand-tante de l'autrice, Diglee ou Maureen Wingrove, est un véritable personnage de roman : fascinante, atypique, exubérante, séductrice, expansive et finalement très secrète.
Bien après sa mort, la petite-nièce lui écrit une longue lettre, un tendre hommage, puisqu'elle a été son modèle, son inspiratrice : Atteindre l'aube.
Au fil des découvertes, la lettre devient une enquête sur cette femme énigmatique qui ne s'est jamais mariée.
Déjà, elle s'était inventé un prénom flamboyant, Georgie, plus original que le trop simple Josette de son baptême. Elle portait également une perruque argentée et n'ouvrait jamais sa porte tant qu'elle n'était pas apprêtée et parfumée, donc en tenue d'apparat avant d'entrer en scène aux yeux de ses visiteurs, fut-ce une proche parente. Que cachait-elle ?
En retraçant son portrait, en fouillant dans les papiers personnels, familiaux et publics, en explorant l'arbre généalogique commun, les enregistrements et les photos, c'est finalement un reflet dans le miroir qui se dessine, un auto-portrait, une réflexion sur les liens familiaux, la relation au père des femmes de la lignée, et donc la relation aux hommes, à l'amour.
L'héritage n'est pas forcément tel qu'on le croit et se transmet à la dérobée.

Plus j'avance dans mon récit, plus je comprends les sous-textes de cette histoire, plus mon cheminement féministe m'éloigne de toi, de ma compréhension sensible de toi. Ça me chagrine et ça me perturbe. Je perds de vue ta force et ta lumière, et c'est comme si je soulevais bien malgré moi des voiles que j'aurais tant aimé garder baissés. Comme si tout était plus beau nimbé de flou.

Un récit captivant et une introspection féministe réjouissante.

Points, 2024, 194 pages.

mercredi 12 juin 2024

L'appel de la forêt

Diana Beresford-Kroeger est botaniste et biochimiste clinique, spécialiste de la médecine forestière et des bienfaits de la nature.
Elle a notamment publié trois livres en France, chez Tana, Notre forêt (40 chemins pour guérir la Terre et découvrir les bienfaits des arbres) et La voix des arbres, en 2023, et La Vie douce en 2024.
Autant de livres pour découvrir les bienfaits de la nature et du règne végétal du point de vue scientifique (biochimie, botanique), écologique, historique, culturel, thérapeutique et spirituel.
Pour l'amour des arbres qui ont le pouvoir de nous sauver : des lectures inspirantes !

Éditions Tana, 224, 240 et 256 pages. 


samedi 25 mai 2024

Dans les pas des aventuriers

Voilà un auteur, Nicolas Ngo, qui sait partager avec bonheur et philosophie ses expériences de toutes sortes, littéraires et vécues.
En effet, nous pouvons nous inspirer de ceux qui ont vécu des situations extrêmes pour mieux gérer notre stress au quotidien, mieux appréhender nos relations avec des personnes difficiles (au travail ou en famille), etc.
C'est donc ce que nous démontre avec brio l'auteur dans Comment faire de sa vie une aventure.
Ce jeune homme a quitté un bon poste dans un ministère pour partir à l'aventure et surtout tester scientifiquement les conditions de vie en situations extrêmes : jungle humide et dangereuse, désert torride, grand nord glacial.
Qui peut le plus, peut le moins. Autrement dit, il faut relativiser et savoir sans cesse s'adapter, oser suivre ses intuitions, dépasser ses peurs, se préparer à mourir pour vivre intensément, persévérer, savoir s'entourer, cultiver sa vie intérieure, savoir se ressourcer (dans la nature, notamment, ce que je ne peux que confirmer), se transformer, etc.
Il invite par exemple à faire un travail sur soi pour progresser plus vite et éviter de faire subir aux autres ses problématiques personnelles.
Un essai passionnant, un guide de voyage intérieur, plein de bon sens et de sagesse, qui fourmille de bons conseils et d'astuces.

Tana, 2024, 176 pages.


mercredi 22 mai 2024

Un maillon fort

Camille Lextray apporte un fameux maillon à la chaîne de réflexion sur le patriarcat dans son essai Briser la chaîne : Misogynes de mères en filles ?
Elle part du constat que ce sont souvent nos mères qui, en voulant nous mettre en garde contre les violences faites aux femmes, nous inculquent plus fortement les injonctions et les modèles attendus — qui sont donc complètement intégrés.
Elle décortique également ce rôle de mère et ce qu'il suppose dans nos sociétés.
Fort intéressant également, l'autrice démontre comment le patriarcat rend les femmes hostiles envers elles-mêmes, entre elles et comment la "solidarité féminine" ne serait souvent qu'une légende tant elle est sanctionnée.
Quant aux tentatives de rébellion ou d'indépendance d'esprit, elles se retournent souvent contre celles qui ont osé lutter ou souligner les inégalités — au lieu de coopérer et soutenir passivement le patriarcat.
Et au passage : bon courage à celles qui crient haut et fort, c'est-à-dire publiquement, leur féminisme ! Elles sont nombreuses à faire les frais de leur combat contre les injustices car le retour de bâton est disproportionné (bannissement, harcèlement et menaces, notamment sur les réseaux sociaux).
Camille Lextray explique donc pourquoi le système est si difficile à contrecarrer et comment les initiatives individuelles ne servent pas à grand-chose. C'est un peu comme faire sa part de colibri pour sauvegarder l'environnement : tout est à faire. Ou plutôt, tout est à défaire !
Un brillant essai jubilatoire tant il dit avec clarté et justesse ce que chacune et chacun pense ou pressent tout bas (ou souvent n'a même pas encore été jusque là...). Indispensable !

Leduc, 2024, 160 pages.

samedi 18 mai 2024

Révélation


Isild Le Besco, actrice, scénariste et réalisatrice, fait le récit de sa vie, son enfance et comment elle est devenue actrice dans Dire Vrai.
Elle explique notamment comment elle était la proie parfaite pour accepter l’inacceptable toute sa vie.
Dès son enfance dans une famille dysfonctionnelle (toutes les familles sont dysfonctionnelles, mais certaines le sont plus que d'autres !), elle a eu le réflexe de la dissociation : son corps n'est plus connecté à son esprit et à ses émotions.
Elle n'a jamais voulu passer pour une victime, jusqu'à ce qu'elle se prenne un coup dans le train par une personne sous l'emprise de la drogue.
En parlant d'emprise, cela devrait servir à toutes celles (j'utilise le féminin parce que la majorité des victimes sont des femmes) qui n'ont pas l'occasion de s'exprimer en public ou d'être publiées.
Le livre tombe à pic pour asséner le coup sur ces artistes, cinéastes — dont Benoît Jacquot et Luc Besson — et autres hommes de pouvoir (connus ou inconnus du coin de la rue) qui se croient tout permis. (Je me dis qu'en ce moment il y a en a qui doivent se faire discrets pour se faire oublier...)
Il faut du courage pour s'exprimer, se dévoiler, dire sa vérité quand on est de nature discrète : c'est s'exposer. Mais c'est aussi une question de survie, dit-elle. Cela passe par l'écriture et par un livre parce qu'il "n'y a que l'écriture qui permet de regarder son passé en face et de mettre chacun face à ses responsabilités." Il fallait au moins ces quelque 170 pages pour tout nuancer, peser chaque mot avec sensibilité.
Et l'on sent aussi cette urgence à dire enfin la vérité, cette libération.
D'ailleurs, ce livre est une telle confession qu'il est difficile de le laisser en cours : il faut le finir d'une traite, aller au bout.
C'est un témoignage émouvant, bouleversant et nécessaire.

Aujourd'hui, je me fais l'avocate de celle que j'étais, qui n'avait ni les mots, ni l'aisance sociale, ni l'entourage pour la protéger...
Ces exemples - parmi d'autres - illustrent comment une enfant se construit dans un monde d'adultes. Quels que soient ses interlocuteurs, elle est constamment ramenée à son rang de jeune fille inexpérimentée, bien qu'elle ait un contrat d'adulte.
Cette mécanique favorise le déséquilibre des forces, accroissant le sentiment d'illégitimité qui rend la jeune fille plus vulnérable. 

Denoël, 2024, 176 pages.

vendredi 17 mai 2024

Sur les routes du passé

Quel plaisir de s'embarquer à nouveau dans les errances, tribulations et réflexions des personnages de Pierre-Louis Rivière ! On entre dans son texte, tout en délicatesse et poésie, avec une grande délectation.
Pour ceux et celles qui ne connaissent pas l'île de La Réunion, où se situe une grande partie du roman, Ligne Paradis est un quartier rural de Saint-Pierre, en hauteur.
Les deux personnages principaux, Mad et Gabriel, qui se retrouvent après s'être perdus de vue depuis des années et se promènent régulièrement en voiture sur les routes tortueuses des Hauts de l'île.
Les noms des personnages valent qu'on s'y attarde un peu. Mad est le diminutif de Marie-Madeleine, personnage biblique, et veut aussi dire fou ou folle en anglais. Elle est d'ailleurs un rien fofolle, expansive et pleine de vie. Son nom est Técher — on entend T'es chair — et elle multiplie les aventures et les partenaires.
Les hommes, qui semblent plus éthérés, mystérieux et introvertis, portent des noms d'anges : Gabriel et Angi.
Au fil de ces longues virées, Mad se livre et se délivre peu à peu. L'habitacle du véhicule est le réceptacle idéal pour les confidences, alors que le paysage défile et que les deux protagonistes n'ont pas à affronter leurs regards en face à face. Elle cache des secrets et veut changer d'identité.
On ne sait presque rien du narrateur, mais lui aussi cache une vie secrète.
Un roman plein de tiroirs secrets, dont certains s'ouvrent et d'autres éveillent notre imagination. 

À rouler ainsi des heures durant le long des routes qui sinuent à travers le relief chaotique de l'île, il me semble que nous parcourons les milliers de vaisseaux sanguins qui irriguent un monstrueux cerveau de basalte. Nous sommes les particules infimes qui nous déplaçons le long des courbes infinies qui composent les circonvolutions du cerveau d'un géant assoupi. Mais peu à peu, nous devinons que les accidents du terrain se mêlent insensiblement aux méandres de notre propre cerveau. Nous venons à la rencontre de zones délaissées, à moitié effacées par le temps, nous frôlons des à-pic, nous nous tenons au bord de gouffres insondables, noyés de brume, nous longeons des ravines bouillonnantes.

Orphie, 2023, 240 pages.

Lire aussi :
- un entretien avec Pierre-Louis Rivière ;
- Todo mundo ;
- Clermance Kilo, voyante extralucide ;
- Le Vaste monde
;
-
Vertige.

jeudi 2 mai 2024

Mémoires vives

Le titre du roman de Keigo Higashino, Mondes parallèles, Une histoire d'amour, résume bien, mais partiellement, le sujet du livre puisqu'il s'agit aussi d'une grande histoire d'amitié.
C'est l'histoire de trois chercheurs en neuroscience, deux hommes et une femme, qui travaillent sur la réalité virtuelle et la mémoire, dans le même laboratoire.
Mais les deux hommes, qui sont liés depuis l'enfance par une profonde amitié, sont tous les deux amoureux de la femme.
Ce trio de chercheurs est donc tiraillé entre un très grand respect pour les autres et de très forts sentiments d'amour. Leurs vies personnelles et professionnelles sont inextricablement mêlées.
Par le jeu des flashbacks, tout s'emmêle entre les trous de mémoires, les faux (ou vrais) souvenirs, les fantasmes et la réalité. Tout est poreux, se confond ou s'inverse. Des disparitions inquiétantes et des incohérences commencent à se produire.
L'auteur nous tient brillamment en haleine dans ce dédale mystérieux jusqu'au dénouement final.

Actes Sud, traduit du japonais par Sophie Refle, collection Exofictions, 2024, 336 pages.

lundi 22 avril 2024

J'ai rendez-vous avec vous

Dans ce brillant essai, L'art du rendez-vous, le psychiatre Michel Debout décortique cette notion apparemment banale, mais pleine de sens et de dimensions.
L'auteur élève le rendez-vous au rang d'art et nous fait comprendre sa véritable portée.
Ce moment particulier, comme dans les tragédies du théâtre classique, est précis dans le temps, dans un lieu, avec une ou des personnes particulières et pour des raisons plus ou moins précises.
C'est une rencontre régie par des règles, implicites ou explicites, de respect et d'engagement. Manquer un rendez-vous peut avoir de lourdes conséquences.
Attendre le moment du rendez-vous n'est pas anodin non plus et permet de se projeter avec plus ou moins de plaisir selon l'objet du rendez-vous.
Notre rapport au temps est lié à nos rendez-vous quotidiens, périodiques ou exceptionnels. 

Préparation, partage et respect conditionnent l'ensemble des rendez-vous qui étayent notre quotidien, nourrissent notre personnalité tout autant qu'ils socialisent nos existences. Redonner aux rendez-vous toute leur importance et leur force dans la construction de nos vies, dans le rapport aux autres, dans le sens de l'histoire est la meilleure façon d'éviter de sombrer dans l'angoisse existentielle que le monde d'aujourd'hui, à travers la guerre, les violences et les désastres écologiques, nous propose comme destin.

Fondation Jean Jaurès, éditions de L'Aube, 2024, 120 pages.

mercredi 17 avril 2024

Faire histoire

Une fille sans histoire de Tassadit Imache est l'histoire d'une fille qui se croit, ou se voudrait, sans histoire.
Née d'un Algérien et d'une Française, elle vit dans ce métissage et cette confrontation des cultures, mais surtout elle subit le racisme, jusque dans sa famille qui bannit sa mère.
Il y a son histoire personnelle et singulière, et bien sûr l'histoire franco-algérienne, violente et douloureuse.
La narratrice rejette d'abord son histoire, laisse planer le doute sur l'origine de son nom à la consonance poétique. Finalement, elle va s'approprier son histoire et en faire toute une histoire, un roman.
Elle passe alors de la troisième personne du singulier, distante, à la première du pluriel, puis à la première du singulier. 
Ce premier roman, édité initialement en 1989 chez Calmann-Lévy, sera suivi par bien d'autres.
Tassadit Imache écrit notamment dans la postface : 

Il faut rendre leur visage et leur existence aux effacés, aux disparus, au lieu de les retirer aux ciseaux de la photo de famille ! Il faut livrer à tous les descendants la pluralité des récits de ce qui a été vécu, de ce qui s'est passé. Laissons s'écrire et se transmettre toutes les histoires de notre pays, qu'elles soient lues, reconnues de l'intérieur, dans l'intimité d'un roman, voir la place de chacun ensemble.

Un livre tout en émotions, avec une magnifique préface de Faïza Guène.

Hors d’atteinte, préface de Faïza Guène, 2024, 128 pages.

D'autres livres de cette belle maison d'édition, Hors d'atteinte, féministe de fiction et de non-fiction, installée à Marseille :
- Collectif Piment : Le Dérangeur. Petit lexique en voie de décolonisation ;
- Alexandra Frénod et Caroline Guibet Lafaye : On ne va pas y aller avec des fleurs. Violence politique : des femmes témoignent ;
- Daphné Ticrizenis : Ces grandes effacées qui ont fait la littérature ;
- Catherine Laurent : La possibilité d'un enfant ;
- Bruno Le Dantec : Et mon père un oiseau ? ;
- Mariame Kaba : En attendant qu'on se libère : vers une justice sans police ni prison.

Louise ou la vie sauvage

Une île pour elle d'Anne-Solange Muis est l'histoire de Louise, une étudiante en géographie qui part s'isoler quelques semaines sur l'île aux Moutons, au large de Concarneau, dans le cadre de son mémoire de maîtrise. L'îlot est (presque) désert, hormis la faune et quelques visiteurs qui débarquent, dans un esprit pas toujours respectueux de la nature et de la jeune femme.
L'autrice est géographe, comme sa narratrice, d'où une description à la fois littéraire, écologique et scientifique des lieux et de la vie rudimentaire dans un refuge pour marins.
Louise est presque coupée du monde avec juste un téléphone qui ne peut que recevoir des appels.
L'atmosphère est souvent chargée de tensions et de tourments car cette aventure, dont l'étudiante rêvait, n'est pas si routinière qu'on pourrait l'imaginer. Les nouvelles qui arrivent de la terre ferme deviennent inquiétantes, comme la météo.
Petit à petit, la jeune femme fait corps avec les éléments, la nature environnante de cette île, qui est un personnage à part entière et semble la retenir. L'espace de liberté de l'île est aussi une prison.
Ce premier roman très réussi est d'une grande sensibilité. À la fois parcours initiatique et récit d'aventures, c'est aussi une réflexion sur l'écologie et sur le rapport des femmes à la nature (et aux autres), parfois risqué.

Jamais, dans les récits de voyage, il n'était question de la vie de ces aventuriers laissée derrière eux, de ce qu'ils avaient dû sacrifier pour vivre leur périple. Pourquoi les défis des explorateurs étaient-ils toujours si héroïques ? Pourquoi ne parlaient-ils jamais de l'endurance psychologique qu'ils devaient supporter lors de l'épreuve ? Louise aurait voulu trouver dans ces pages autre chose que les raisons qui poussent ces hommes à s'aventurer à l'autre bout du monde — celles-là, elle les connaissait déjà — mais celles qui les amènent, en dehors du challenge physique, à continuer quand tout s'arrête autour d'eux.

Phébus, 2024, 192 pages.

Anne-Solange Muis a également créé les éditions Terre Urbaine, dont ces ouvrages :
- GénérationT pour la Terre (recueil de nouvelles sur l'écologie) ;
- Gilles Fumey : Feu sur le breakfast ! (histoire et démythification du petit déjeuner).

D'autres chroniques aux éditions Phébus :
-
La Dérobade de Jeanne Cordelier ;
- Certaines n'avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka ;
- Quand l'empereur était un dieu de Julie Otsuka.

Un chantier d'écriture

Au moment où je commence l'animation d'un atelier d'écriture, forcément, je veux lire La Voix des Saules de Nathalie Skowronek. Certes, le contexte et les participants sont différents, mais je me demande aussi où me mènera cette nouvelle expérience... Je suis surtout curieuse de découvrir le dernier livre de l'autrice*.

Et je suis captivée de bout en bout.

Je vous propose de tenter l'aventure de l'écriture. Vous verrez, c'est un lieu magnifique. On est là et pas tout à fait là, à la fois extrêmement lucides et dans l'abandon le plus complet. Le réel, la rêverie, ce qui est advenu, ce qu'on projette, toutes les frontières deviennent poreuses, c'est un espace de grande liberté, le meilleur que je connaisse.

Le texte autobiographique raconte comment, en animant un atelier d'écriture dans un établissement psychiatrique, Les Saules, qui prône l'art comme thérapie, elle est confrontée à ces personnes atteintes de troubles. Les frontières deviennent poreuses. Petit à petit, ces rencontres la renverront, malgré elle, aux démons qu'elle redoute d'affronter.
Les participantes et participants tombent le masque et se moquent parfois des faux-semblants.
Les choses ne se passent pas tout à fait comme prévu. La narratrice va devoir faire face.
Ce récit intime et captivant est tout ce chantier, ce chamboulement qui nous bouleverse aussi.
Un récit intime très émouvant et passionnant, dans la veine de Karen et moi.

Grasset, 2024, 176 pages.

* Lire aussi mes chroniques sur :
-
Karen et moi
- Un monde sur mesure

L'esprit des terrasses

Les beaux jours reviennent.
Le temps des terrasses
de Pascal Lardellier est le livre idéal à lire en terrasse, la vôtre, celle de vos amis, des cafés, des guinguettes... C'est un des lieux typique de l'art de vivre à la française ou à la méditerranéenne, un lieu de rencontres, mais aussi d'observation des passants et des occupants des tables voisines... Cet esprit des terrasses est tout entier dans ce recueil préfacé par Philippe Delerm.
Les histoires de ces nouvelles se déroulent sur toutes sortes de terrasses, de la plus décontractée en bord de route, à la plus chic d'un café parisien. Elles sont le théâtre, public ou privé, de rencontres, de moments joyeux ou dramatiques, d'aventures inattendues ici ou ailleurs...
Les personnages sont toujours très finement décrits. Certainement parce que l'auteur, qui est anthropologue, a un regard affûté d'observateur des comportements et relations entre homo sapiens.
Toujours est-il qu'il s'exprime magistralement dans la capture de ces instants de vie.

Les ateliers Henry Dougier, collection Littérature, préface de Philippe Delerm, 2024, 144 pages.