mardi 16 septembre 2025

Une clairvoyance sur la malvoyance

Selina Mills, philosophe et journaliste, est malvoyante de naissance et sait qu'elle ne verra bientôt plus beaucoup. 
Face aux diverses réactions et préjugés que cela provoque chez les autres, elle se dit qu'il y a un sujet à creuser, bien que la cécité touche des millions de personnes dans le monde. Près de 217 millions de personnes souffrent de troubles visuels plus ou moins sévères.
Elle se lance alors dans des recherches et partage sa propre expérience dans Voir sans voir. Réflexion sur la cécité
Son objectif est de tenter d'expliquer ce que "ne pas voir" signifie, au quotidien pour les personnes qui vivent avec (ou sans), et pour les autres. 
Pour sortir de ce flou, elle plonge dans la mythologie, l'histoire et la culture religieuse, donc dans les croyances, les tabous, les idées reçues et autres fantasmes. 
Comment et pourquoi voit-on, imagine-t-on la vue et la vie des malvoyants dans la réalité et dans la fiction ? 
Cela pose aussi les questions du rapport au corps, à nos sens et au handicap car les malvoyants sont vus tantôt comme des héros et tantôt comme des victimes.
Une grande enquête et un beau témoignage, très accessibles et passionnants, qui nous éclairent !

Les Pérégrines, 2025, 240 pages. 

Parfois, je n'accroche pas (et puis finalement, si !)

L'attachée de presse, après m'avoir gentiment envoyé le livre, me demande si j'ai eu l'occasion d'en prendre connaissance et, si oui, ce que j'en ai pensé.
C'est délicat. Une (amie) libraire m'avait recommandé l'auteur. Mais j'ai beau reprendre ce livre à différents moments, je n'arrive pas à rentrer dedans. Je suis bien obligée de le constater.
Je pourrais ne pas lui répondre, mais j'ai pris la peine de commencer la lecture, de persévérer, de recommencer, de sauter des pages... Rien n'y fait ; ce n'est pas de la désinvolture de ma part.
Alors je lui écris : "Puisque vous me le demandez, je vous avoue que, malgré l'intérêt du style, je n'arrive pas à entrer dans l'histoire et me laisser porter.
J'ai repris ma lecture à plusieurs reprises car, parfois, ce n'est pas le moment. J'ai sauté des pages, puis des chapitres, mais rien n'y fait : je n'accroche pas du tout. J'en suis vraiment désolée. J'en suis déçue aussi, mais j'espère que le livre trouvera ses lecteurs.
"

Voilà, c'est comme ça. Parfois, je n'accroche pas.

Et parfois, longtemps après, un beau jour, on reprend le livre, dans un autre état d'esprit, avec un regard neuf... et là, on accroche et on se demande pourquoi on n'avait pas apprécié. On doit appeler cela des biais cognitifs.

Cela ne vous arrive jamais ?

dimanche 7 septembre 2025

Quand Albin écrit et dessine

Mes battements est un petit bijou d'écriture et d'illustrations.
Albin de la Simone sait tout faire avec talent, humour et poésie : dessiner, jouer de la musique, chanter, écrire... Apparemment, il aime cuisiner aussi. En tout cas, il aime manger de bonnes choses (il décrit ses petits déjeuners d'hôtels pendant les tournées) et dessiner les ingrédients de ses placards, en noir et blanc ou en couleurs superbes (mais aussi ses instruments, les paysages, etc.). 
Il raconte très bien, par petites touches, des moments de sa vie, son enfance, ses tracas, ses tournées, ses collaborations, ses emmerdes (vraiment, dont une anecdote hilarante dans un avion, avec beaucoup d'autodérision). 
Bref, c’est drôle, c'est délicat, c’est émouvant, c’est beau. 
Le titre est énigmatique : Mes battements de quoi ? de cœur ? d’ailes ? de mesure ? tout cela à la fois ?
Comme je le disais, ce livre est un petit bijou, mais qui aurait justement mérité d’être imprimé en plus grand format (le double carrément), et dans un corps de texte plus grand aussi, tellement on a envie de se plonger dans les détails de ses dessins... Peut-être un gros bijou, un beau-livre augmenté pour une réédition ou une suite ?
Pur chef d'œuvre !

 Actes Sud, 13 x 19, 2025, 144 pages.

samedi 6 septembre 2025

Avaler des préjugés et déguster avec bon sens

Quand il s'agit de manger, pour notre santé ou notre plaisir, on entend tout et son contraire : injonctions et alertes. 
Le nutritionniste Anthony Berthou a de sérieuses références, s’intéresse à la nourriture depuis plus de 30 ans et s'appuie sur des références scientifiques, ce qui laisse supposer que nous pouvons lui faire confiance. 
Dans Remettez du sens dans votre assiettes, il s'attaque aux idées reçues, histoire d'éclairer notre lanterne en cohérence avec notre propre mode de vie.
Il est très difficile de résumer ce livre passionnant car chaque aliment va dépendre d'un ensemble de paramètres différent pour chacun.
Alors, café ou pas ? Cela découle à la fois de la façon de le filtrer, des métabolismes, de l'heure à laquelle on le boit et surtout de quoi on l'accompagne car la consommation d'alcool, de tabac ou de médicaments sollicitent trop le foie. 
Combien d’œufs par semaine pouvons-nous manger ? Là aussi, cela résulte de notre mode de vie, de la façon de les cuire, de leur provenance, de l'heure à laquelle nous les consommons et de ce que nous mangeons par ailleurs.
Ainsi, vous saurez tout sur le gluten, l'avocat, la noix de cajou, les galettes de riz, le vinaigre de cidre (qui ferait maigrir), le sucre, les produits laitiers, le soja, le saumon, le chocolat, le vin rouge (et le French paradox), les surgelés, l'équilibre alimentaire, le nombre de repas (et le jeûne intermittent), l'eau, l'activité physique...
Anthony Berthou nous propose aussi des outils pour mieux répartir les aliments au cours de la journée et sur les aliments importants à avoir chez soi.
Bon app !

Actes Sud, préface de François-Régis Gaudry (qui a dévoré le précédent livre de l'auteur : Du bon sens dans notre assiette), 2025, 256 pages. 

vendredi 5 septembre 2025

Delerm sur Dickens

Quand un grand écrivain, Delerm, écrit sur un autre grand écrivain, Dickens, c'est retrouver le style juste et subtil du premier pour donner envie de relire le second.
Cette fois-ci, Philippe Delerm s'intéresse aux dernières années de la vie de Dickens, dans une forme plus longue que ses textes courts habituels, mais que l'on retrouve entre deux chapitres pour mettre en exergue une pensée, un détail... Alors une seule phrase résonne longtemps en nous.
Le suicide exalté de Charles Dickens est une réflexion sur les paradoxes et mystères de ce grand écrivain qui cherche les applaudissements au théâtre et la frénésie des tournées mondiales jusqu'au burn-out, alors qu'il est déjà comblé par le succès de ses livres. 
Que fuit-il ? Que recherche-t-il ?
Delerm nous fait surtout ressentir cette fameuse atmosphère à la Dickens avec la sensibilité que nous lui connaissons.
Un régal de lecture ! 

D'où tenait-il cette certitude de séduire et de tenir en haleine de la même manière en suscitant le rire ou en faisant frissonner de peur ? C'est le prodigieux côtoiement de ces deux univers en apparence antagonistes qui constitue Charles Dickens. Cela passe par l'écriture bien sûr, un style efficace qui ne se perd pas dans des parenthèses dilatoires; une tenue, une exigence de vocabulaire allant parfois jusqu'à la préciosité, et permettant au plus fort d'une action ce petit retrait, un détachement, une ironie qui font du lecteur un complice. 

Ne dirait-on pas que Delerm parle de lui-même avec cette "ironie qui font du lecteur un complice" ? 

Le Seuil, 2025, 132 pages.

D'autres chroniques sur les livres de Philippe Delerm :
Les Gens sont comme ça et autres petites phrases métaphysiques ;
- Les instants suspendus ;
- New York sans New York ;
La vie en relief ;
- L'extase du selfie et autres gestes qui nous disent ;
- Et vous avez eu beau temps ? La perfidie ordinaire des petites phrases ;
- Journal d'un homme heureux ;
- Je vais passer pour un vieux con et autres petites phrases qui en disent long ;
- Elle marchait sur un fil ;
- Les eaux troubles du mojito et autres belles raisons d'habiter la terre. 

Métamorphose du cheminement

Émilie Saitas, autrice et illustratrice belge, raconte son pèlerinage de 1 200 km sur l'île de Shikoku au Japon, dans La Mue. C'est le fameux parcours des 88 temples.
En effet, si le chemin est infesté de reptiles — dont la symbolique est bien plus positive en Orient —, une marche aussi longue, riche en péripéties agréables ou éprouvantes, marque forcément et opère un changement intérieur. 
Son récit dessiné est sensible, émouvant, amusant parfois car elle n'hésite pas à se moquer d'elle-même. 
On est content de partager à distance ses moments pénibles, notamment la fatigue, la tristesse, les longs sentiers escarpés ou cheminements le long des routes bitumées ou des tunnels. 
Mais on l'envie lors des moments joyeux d'extase devant la beauté des paysages ou de magie des rencontres et des lieux. 
En effet, elle nous fait part de ses échanges avec d'autres pèlerins. 

Jusqu'ici, j'avais considéré ce pèlerinage comme un exploit à réaliser. Une quête. Trouver mon chemin, enchaîner les kilomètres ou braver la pluie était un défi...

Des habitants lui viennent parfois en aide, comme ce monsieur qui, ne la voyant pas arriver, est allé à sa rencontre alors qu'elle s'était perdue.

C'est à cet instant précis que j'ai compris que mis à part moi-même, personne ne me mettrait à l'épreuve.  Bien au contraire. 

Tana éditions, 2025, 19 x 25 cm, 160 pages.  

Sur ce chemin des 88 temples, lire aussi ma chronique sur Comme un feuille de thé à Shikoku et d'autres livres sur le Japon.


mercredi 3 septembre 2025

Contre la finance fossile

Lionel Astruc interroge Lucie Pinson dans son livre Activiste d'éliteMéthodes et victoires de Lucie Pinson contre la finance fossile qui retrace le parcours et les luttes de cette écologiste de premier plan.
En effet, Lucie Pinson s'est d'abord engagée avec les Amis de la Terre, avant de fonder Reclaim Finance en 2020, une ONG de 42 salariés dont l’objectif est de mettre le système financier au service des impératifs sociaux et écologiques. 
Classée en 2023 par le magazine Time parmi les personnes les plus influentes au monde pour le climat, elle a obtenu le prix Goldman, considéré comme le Nobel de l'environnement.
Pour elle, alerter ne suffit pas : il faut agir.
En effet, elle s'attaque à la source, c'est-à-dire à ceux qui financent l'expansion de la production des énergies fossiles, ce qui génère la destruction de milieux naturels, de la pollution et participe au réchauffement climatique, etc. 
Pour cela, ses équipes emploient des "méthodes rigoureuses, professionnelles, conçues et calibrées à parti du résultat recherché, en se dotant de moyens et d'outils à la hauteur des enjeux et des lobbys auxquels s'attaquer, en montrant une détermination absolue, jusqu'à obtenir gain de cause en menant un rapport de force expert alternant dénonciations et dialogue."
Et ce sont nos banques et assurances qui financent, parfois avec notre argent. 
Donc notre pouvoir d'action individuel consiste notamment à changer de banque pour s'opposer à la finance fossile, et bien sûr à s'engager aux côtés des mouvements citoyens, dans les associations, etc.
Très accessible, ce livre écrit sous la forme d'entretien est vraiment aussi passionnant qu'inspirant !

Actes Sud, collection Domaine du Possible, 2025, 144 pages.

lundi 1 septembre 2025

Surmonter les blocages et les obstacles

Qu'est-ce que lEndurance créative selon Mike Schnaidt ? C'est une méthode pour stimuler les créatifs et vous et moi en panne d'inspiration, que ce soit dans son travail ou sa vie.
Très utile en cas de coup de mou !
L'auteur, qui est designer, a interrogé des collègues, mais aussi une astronaute, une illustratrice, un architecte, une consultante en organisation (Marie Kondo), un photographe, une prof, un sommelier... et des sportifs, dont un marathonien, une vététiste, une volleyeuse... et encore une écolière et un peintre... sur leurs méthodes pour surmonter les blocages et les obstacles et relever les défis. 
Résultat : une multitude d'exemples, conseils, astuces, exercices et idées pour bien organiser sa journée, relancer ses projets, réveiller sa créativité, mais aussi prendre du recul sur son parcours. 
Et tout cela avec une mise en page créative (évidemment) et pimpante.
C'est le livre à garder sous la main pour résister au stress, présenter ses idées, réussir un entretien, briser la routine, rebondir et persévérer avec optimisme !
Allez hop ! je m'y remets.

Éditions Pyramyd, 19 x 23,5 cm, 2025, 160 pages. 

Semer l'amour du vivant

Notre rapport au vivant — car nous faisons partie de la nature — devrait être intégré dans la formation et l'apprentissage dès le plus jeune âge, notamment par l'enseignement en plein air. 
De nombreux exemples et études prouvent que les enfants se développent mieux, comprennent mieux le monde qui les entoure et agissent en conscience en prenant soin d'eux et des autres, humains et non-humains.
Nous formons un tout : le dérèglement climatique et la dégradation de la planète, de la faune et de la flore se répercutent sur notre santé, notre bien-être, notre survie.
C'est ce que développent Anne-Marie Presti et Sabine Oppliger dans cet essai qui rassemble récits, entretiens, partages d'expériences et idées d'activités pratiques : À l'école du vivant. S'éduquer par et pour la nature.
Les autrices écrivent en préambule :

C'est une piste possible et intéressante pour aller vers une écologie plus enthousiasmante, plus optimiste et "plus désirable".

Pédagogues, sociologues, historiens, biologistes, herboristes, élèves et parents... contribuent à cette réflexion sur l'école de la vie, selon le principe de la biodiversité, dans un esprit poétique et sensoriel. 
Ce livre ne s'adresse pas qu'aux professionnels de l'éducation mais à tous les citoyens qui rêvent d'un monde plus serein et respectueux en transformant leurs pratiques. Des rêves naissent des actions.
Une lecture foisonnante, concrète et réjouissante !

Actes Sud, préface d'Ernst Zürcher, 2025, 272 pages. 

vendredi 29 août 2025

Résister, c'est créer

J'avais parlé de ce texte court et crucial, Indignez-vous, de Stéphane Hessel à sa sortie, en 2010. 
Voilà que l'ouvrage culte sur le pouvoir de l'indignation, maintes fois réimprimé et traduit, vient d'être réédité par la formidable maison Rue de l'échiquier. 
Il est malheureusement plus que jamais d'actualité face à la montée de l’extrême droite, des totalitaristes et autres fous furieux inquiétants, mais aussi du rachat des médias par une poignée de milliardaires. 
Or, "sans presse libre, il n'y a plus de contre-pouvoir, plus de récits qui échappent aux intérêts économiques ou partisans" nous rappelle Salomé Saqué dans sa préface. Quant aux fausses informations, elles ont pour conséquence que plus personne ne croit en rien. 

Stéphane Hessel écrivait : Il nous appartient de veiller tous ensemble à ce que notre société reste une société dont nous soyons fiers.

Cette nouvelle réédition est également augmentée d'un biographie de Stéphane Hessel et d'une postface des éditeurs pour raconter l'histoire passionnante de ce texte indispensable.

Si vous avez déjà ce livre, relisez-le. 
Mieux encore : rachetez-le et offrez-le.
 

Rue de l'échiquier, collection Indigène*, 2025, 64 pages. 

* du nom de la maison d'édition qui avait édité ce livre en 2010. La collection permettra justement de rééditer les titres essentiels de son catalogue et d'autres textes inédits.

Lire ma première chronique en cliquant ici.

mardi 26 août 2025

S'enfuir des cages dorées

Le titre du dernier roman de Chloé DelaumeIls appellent ça l'amour, laisse imaginer le thème. 
On jubile déjà de la façon dont cette écrivaine singulière va s'emparer du sujet des prédateurs et des pièges dorés dont ils usent pour attirer leurs victimes. 
Elle relève le défi magistralement et traite le problème — puisque ç'en est un — par divers points de vue. 
Elle expose elle-même, page 60, le procédé :

Si je suis de ce récit la narratrice, c'est pour aider l'autrice autant que l'héroïne à trouver l'antidote, et permettre à leurs sœurs d'imposer leur refus en un chœur sororal ; j'existe pour que le réel soit enfin modifié. 

L'histoire : ses amies ont loué un appartement dans une ville où la narratrice a vécu autrefois, ce qui la replonge dans le tourment d'un traumatisme et d'une relation dont elle a honte, car elle ne s'est pas levée et ne s'est pas cassée. 
Elle finit par se confier, et chacune de ses amies apporte son éclairage en fonction de son vécu pour tenter de faire changer la honte de camp. 
Elles trouvent un moyen de contourner l'impossible mission. 
C'est judicieux, instructif et inventif grâce au style poéticomique et tranchant à la fois de Chloé Delaume.
Une lecture d'utilité publique et poétique.

Seuil, 2025, 178 pages. 

Lire aussi mes chroniques sur Pauvre folle et 24 heures dans la vie d'une femme.

lundi 25 août 2025

Sur les traces d'un odonatophile*

Inclassable texte que ce manifeste poétique : Je ne suis pas une libellule, de Gwenaël David !
C'est bien l'intérêt puisqu'il est à la fois un plaidoyer pour les libellules (et la nature en général), un rapport de naturaliste, un texte littéraire, politique, écologiste, philosophique et bien d'autres choses encore... Un texte foisonnant et fascinant, comme ces myriades d'insectes que nous ne remarquons pas parce que nous ne les connaissons pas.
Justement, l'auteur nous transmet sa passion et son émerveillement pour les libellules, demoiselles et autres cousines des zones humides, et nous raconte ses explorations à côté de chez lui, comme à l'autre bout du monde. 
S'il chasse les libellules, c'est bien sûr de façon pacifique pour mieux les observer. À l'imaginer avec son filet, qui rappelle une épuisette, il aurait davantage l'air d'un pêcheur ou d'un cueilleur, avec un parapluie japonais (outil qui sert à recueillir délicatement les insectes) pour les observer, les photographier et les répertorier. 
S'il ne se lasse pas de ses investigations, il se désespère aussi — comme nous — de l'état du monde et du recul des populations de libellules et de leurs habitats...

Il y a ce que je vois, ce que je cherche, ce que je trouve, ce que je croise, ce qui me distrait, ce que je ne comprends pas, ce dont je me souviens. il y a le présent primitif de ma quête, les vestiges du passé et les intuitions déjà sombres du futur. Il y a l'histoire de ces sites, qui se niche dans les pierres, les flaques, les rencontres, et à laquelle je dois l'état ou la nature des milieux que j'arpente. J'observe pour mon érudition et pour le plaisir de voir vivre des créatures chez elles. Pour approcher ce truc, cette intelligence sans cerveau, cette puissance phénoménale, ce frémissement. Mais en tant que naturaliste je transforme mes observations en témoignages dans le but d'informer, de rendre compte, voire d'être utile.

C'est ainsi qu'il nous embarque dans ses excursions où il nomme chaque rencontre par son nom latin. Il s'engage et s'interroge, nous fait part de ses remarques, par exemple sur le vocabulaire qui lave plus vert, ou bien de son regret que l'écologie ne devienne plus qu'une affaire de spécialistes alors que les amateurs, comme lui et bien d'autres, peuvent apporter des points de vue intéressants. 
Une formidable leçon de choses, sur le terrain et sur les traces de notre cher écrivain entomologiste Jean-Henri Fabre.

Cause perdue éditions, 2025, 80 pages. 

À suivre : Cause perdue est une toute nouvelle maison d'édition, née en 2025,  qui publie des livres politiques et littéraires. 

* Odonatophile : qui aime les odonates, insectes dont font partie les libellules.

Enquête sur un passé caché

Lionel Duroy, dans son roman Un mal irréparable, met en place un  ingénieux dispositif pour raconter des pans cachés de l'Histoire de la Roumanie par le prisme d'un écrivain qui enquête sur le passé et les origines de ses parents, dont il ne sait pas grand-chose. 
En effet, pour le préserver d'une histoire douloureuse ils ont préféré se taire, voire inventer un autre parcours. Malgré tout, les traumatismes se révèlent par d'autres moyens, plus difficiles à décoder, et créent un mal irréparable.
C'est donc à partir d'une correspondance partielle et de quelques documents qu'il va remonter le temps et partir en Roumanie sur les quelques pistes et traces dont il dispose. 
Au fil des rencontres, le fils découvre alors le lourd secret de ses parents victimes d'une histoire impitoyable que victimes et oppresseurs, chacun pour ses raisons, voulaient cacher. 
La fiction permet ainsi d'informer et de révéler les zones d'ombres de l'Histoire qu'il serait difficilement supportable d’aborder frontalement. C'est tout le talent de Lionel Duroy, qui a été reporter de guerre, pour nous prendre par la main en douceur et nous entraîner dans les horreurs de la violence.
Un roman aussi captivant que poignant, d'une grande humanité et servi par un style fluide qui coule de source jusqu'au dénouement ultime : la dernière pièce du puzzle. 

Jamais une question de ma part, c'est entendu, mais aussi comme ils ont été habiles à détourner ma curiosité, à me montrer du doigt l'Ouest quand j'aurais dû regarder à l'Est, à me pousser dans les bras de l'Amérique quand notre histoire, mon histoire, était en Roumanie. Un moment, j'ai le sentiment que le sol pourrait se dérober sous mes pas, ou plutôt mes roues, puisque je fonce vers le Barăgan avec l'impression que tout ce que j'ai vécu jusqu'à présent ne fut qu'une construction artificielle, un château de sable sans fondations, tandis que ce qui m'attend là-bas pourrait bien être ma part manquante, celle que j'interroge vainement quand je me mets soudain à trembler.

Éditions Mialet-Barrault, 2025, 384 pages.

dimanche 10 août 2025

Sans histoires, vraiment ?

L'essai d'Alice Zeniter, Je suis une fille sans histoire, fait partie de ces œuvres d’utilité publique, pour celles et ceux qui écrivent, qui lisent, qui regardent des films, qui croient aux histoires... Parce que, insidieusement, quand on nous raconte des histoires, on utilise des procédés, des schémas narratifs, vieux comme le monde (remontons à Aristote).

Une bonne histoire, aujourd'hui encore, c'est souvent l'histoire d'un mec qui fait des trucs. Et si ça peut être un peu violent, si ça peut inclure de la viande, une carabine et des lances, c'est mieux.

Alors, ça vous intéresse de savoir comment sont construits les récits ? 
Lisez ce petit (par la taille) livre, très instructif et drôle, qui explique par la sémiotique (c'est sérieux) mais de façon rigolote, comment les récits sont politiques, comment la fiction nous affecte (et donc nous manipule, comme les informations qui transitent via la presse et autres réseaux), et donc comment on pourrait...

"donner la parole à des personnes silenciées, publier des récits qui ont été étouffés ou n'ont pas eu la chance de se former.

L'Arche, 2021, 110 pages.  

Écouter le podcast Renverser la table de Victoire Tuaillon avec Alice Zeniter : Comment écrire de nouveaux récits.

Lire aussi ma chronique sur 24 heures dans la vie d'une femme.

mardi 29 juillet 2025

Trash et subtil

Notre ami Serge Scotto, écrivain overpunk, dont les romans noirs sont des pépites (Au Temps pour moi, Gagnant à vie, Le Crapaud qui fume, une excellente nouvelle dans le recueil Marseille Noir, etc.) a également des talents de scénariste et dessinateur de bandes dessinées (Ingrid de la jungle, une série sur Pagnol et autres BD historiques et sérieuses). Mais je ne vais pas vous énumérer son impressionnante bibliographie : une petite recherche sur internet vous en donnera un aperçu. 
Une de ses dernières créations est la série de bandes dessinées Renar et Blérô, un pur produit overpunk qui allie à merveille les blagues potaches et les jeux de mots (plus ou moins) subtils. 
Ce sont les aventures d'un renard et d'un blaireau qui philosophent dans la forêt et, au passage, se moquent gentiment des autres. Ce serait une version des fables de La Fontaine, sans aucune morale mais tout aussi caustique.
Franchement, parfois, il faut oser... et c'est ce qui est drôle. 
Rien n'arrête cet auteur — à la fois énervé, amusé et amuseur — à la gouaille inénarrable, qui vous transforme n'importe quelle anecdote en aventure rocambolesque. À l'oral comme à l'écrit, il fait feu de tout bois et souvent de presque rien. 
Cela donne un cocktail plus qu'étonnant, entre Molotov et Bloody Mary, explosif et gouleyant, lourdaud et frais, régressif et inventif. 
Bref, une lecture politiquement incorrecte qui fait du bien !

Prestance, 2024, 64 pages. 

samedi 12 juillet 2025

Poèmes de l'invisible

Notes fantômes de Sylvain Jamet est un recueil de 58 poèmes, classés en quatre parties : Portrait d'un homme en pièces, Choses rêvées, Choses vues, Enfances
Ces notes évoquent forcément les Notes de chevet de Sei Shônagon.
Composées d'une ou deux phrases pour la plupart, elles saisissent des instants ou des sensations fugaces, presque imperceptibles. 
Si ces notes sont fantômes, c'est peut-être parce qu'elles révèlent une part d'inconscient, de rêve, d'imaginaire, d'étrange, dans une réalité décalée, hallucinée. 
Magie de la poésie.

Note sur le vent
Il dormait la moitié de la nuit, passait le reste à écouter les rafales de l'autre côté du mur. Le vent formait une structure dont il n'avait pas la clé, mais dont il pouvait sentir les angles saillants et les parois mobiles lorsqu'il fermait les yeux. 

Note sur la fin du monde
Quand il rentra et trouva sa maison dévastée, quelques minutes avant la fin du monde, il n'appela pas la police, mais s'assit au milieu du salon et attendit que la nuit vienne. Mais la nuit ne vint pas. On avait dérobé davantage qu'il n'aurait su le dire. 

Éditions Louise Bottu, 2025, 78 pages. 

Poèmes chinois connus par cœur

Guilhem Fabre, sinologue et poète, a rassemblé et traduit dans l'anthologie Instants éternels. Cent et quelques poèmes connus par cœur en Chine, des poèmes classiques que les Chinois connaissent encore par cœur. 
Appris à l'école, ces vers font partie de la mémoire collective et sont couramment cités lorsqu'ils tombent à propos lors d'une situation quotidienne. 
Le livre est magnifiquement mis en page. Chaque poème traduit du chinois a sa version originale en idéogrammes, mais surtout il est accompagné d'une biographie de l'auteur et d'éléments de contexte, pour une meilleure compréhension de la culture chinoise. Cependant, la plupart des poèmes sont d'une clarté universelle, alors qu'ils ont été écrits il y a des siècles, et pourraient se passer de commentaires (voir ci-dessous). 

La couverture et les pages intérieures sont des œuvres contemporaines fascinantes de la série Artifical Wonderland de Yang Yongliang. De loin ou au premier coup d’œil, on croit voir des peintures anciennes de la période Song. En les observant de plus près, on découvre des paysages urbains et industriels : les montagnes sont couvertes de forêts de gratte-ciels, de chantiers et d'usines. Cela se passe également de commentaires sur une civilisation qui évolue aussi vers le pire.

Mais voici trois poèmes, choisis presque au hasard, pour oublier la folie du monde.

L'impromptu du retour au pays 
Mon pays quitté jeune j'y reviens en vieillard 
J'ai conservé l'accent seules mes tempes sont blanches 
Les enfants me regardent comme un inconnu 
Et riant me demandent de quel pays je viens 
(He Zhizhang 659-744)

Pensées d'amour 
Les pois d'amour naissent dans le Midi 
Printemps venu leurs rameaux refoisonnent 
J'aimerais que vous en cueilliez beaucoup 
Pour que vivent nos pensées croisées 
(Wang Wei 700-761)

Pitié pour les paysans 
Sarcler les pousses en plein midi 
Quand sa sueur ruisselle jusqu'en terre 
Qui sait dans son assiette en prenant son repas 
La peine qu'il y a en chaque grain de riz 
(Li Shen 772-846)

Érès, collection Po&sy a parte, 2025, 422 pages. 

mercredi 9 juillet 2025

Thriller littéraire, de livre en livre

Dans la boîte à livres d'Éric Dautriat est un thriller littéraire : sa lecture tient en haleine et l'histoire tourne autour des livres, neufs et d'occasion, en passant par les libraires, les bouquinistes et les boîtes à livres. 
C'est une ode à la lecture, à la littérature et à la poésie, dont Giono et Rimbaud. 
Le roman se passe autour du Ventoux et notamment dans la vallée du Toulourenc, mais aussi en Guyane via les flash-back de Jacques, le personnage principal. En effet, ce dernier se sent menacé par un inconnu qui le traque et qui semble connaître son passé trouble.
Ce thriller est aussi un conte fantastique grâce à un chat doué de parole (à la manière de Jiminy Cricket), plein de malice et de sens de la repartie. Il défend, comme de bien entendu, la condition animale, mais aussi la condition des femmes.
L’histoire est pleine des rebondissements, jusqu'à la fin, avec une belle trouvaille de boucle et de mise en abîme parfaite. 
On peut voir aussi dans ce roman un ressort psychanalytique sur la nécessité de se pencher sur ses zones d'ombre, si on ne veut pas les voir ressurgir. Ici, la fiction vient réveiller le passé et hanter la "réalité" du présent. 
Un roman brillant, réjouissant, plein d'humour et de poésie.

Éditions Esprit des Lieux, 2025, 224 pages.

Lire aussi ma chronique sur Le Brisement de la mer du même auteur.

vendredi 4 juillet 2025

Plumes et coquilles

Élodie Llorca joue sur les mots, avec délice et férocité, dans La Correction
Son personnage François est correcteur dans une revue. Plutôt introverti, il est hanté par la mort de sa mère dont il ne se remet pas. Il fantasme sur sa patronne qui le fascine. Son collègue exubérant, qui est tout son contraire, l'appelle le Recteur et ne lui pardonne pas ses corrections. Jusque là, tout est à peu près normal. 
Mais l'autrice, de sa belle plume inventive, insuffle une tension et une poésie dans cette histoire, presque banale, écrite à la première personne du singulier ; car, en effet, notre François est singulier. 
Quelqu'un lui voudrait du mal en sabotant son travail, pourtant méticuleux et obsessionnel. Tout en faisant la chasse aux coquilles, il fuit la réalité et se réfugie dans sa coquille. Ce drôle d'oiseau se fabrique des pensées tourmentées, entre fantasmes, hallucinations et réminiscences du passé. 
Sa femme, avec qui il est franchement distant, lui tend des perches pour ouvrir le dialogue, ce qu'il refuse obstinément, même par écrit. 
Il recueille un oiseau moribond et se comporte bizarrement avec lui. En effet, il est beaucoup question de volatiles et de subtils décalages dans le vocabulaire (coquille, plume...), à une lettre près (mort/mot ; cage/page ; calotte/culotte), ce qui crée des coquilles, des lapsus écrits et de magnifiques perles.

Rivages poche, 2025, 208 pages. 

mercredi 25 juin 2025

Darwin intime

C'est la biographie en bande dessinée la plus désopilante, incroyable mais vraie : Dans les pantoufles de Darwin (je vous laisse apprécier le titre), de Camille Van Belle et Adrien Miqueu
Les auteurs sont scientifiques (donc très sérieux) et se sont basés notamment sur l'immense correspondance de Charles Darwin, soit 15 000 lettres éditées en 30 volumes. Et visiblement, ils se sont beaucoup amusés de découvrir le personnage tel qu'on ne l'imagine pas.
Cela donne un portrait en creux, intime, du chercheur, également vu par son entourage, sa famille, ses amis... un sacré caractère, mais aussi drôle et attachant. 
On y apprend notamment qu'il a élevé des pigeons pour les étudier, puis s'est passionné pour les orchidées. Il s'est aussi beaucoup intéressé à ses enfants, d'abord pour ses expériences scientifiques, puis s'est il extasié sur leurs comportements (dixit sa femme). 
Il avait aussi de nombreux amis (et on les comprend) qui l'ont beaucoup soutenu.
Un régal !

Éditions Alixio, 2024, 200 pages.


mardi 24 juin 2025

Apprendre de ses erreurs

C'est bien connu : les erreurs font partie de l'apprentissage, voire l'accélèrent. Lorsqu'on "paye" une erreur, on ne la refait pas. Dans le milieu professionnel, c'est monnaie courante. 
Et c'est bien ce droit à l'erreur que revendique Cécile Gevrey-Guinnebault dans son essai-récit : Chères erreurs : 40 chroniques pour transformer les boulettes en pépites
L'autrice est coach
et s'inspire de la démarche de Palo Alto. Au lieu de camoufler ses bévues et ratages, elle nous les raconte avec beaucoup de verve et d'humour. 
Elle a pris soin de transposer ses expériences et de modifier les noms des personnes pour que personne ne puisse se reconnaître, et respecter ainsi la confidentialité des missions qu'on lui a confiées. 
Ses erreurs sont classées en différentes catégories : commerciales, marketing,  contractuelles, politiques, stratégiques, éthiques, relationnelles, émotionnelles, etc. 
Son livre s'adresse à tous ceux qui travaillent en entreprise ou à leur compte, et notamment dans les domaines du management, des ressources humaines, du conseil et du coaching. 
On la lit avec grand plaisir, parce que c'est drôle, instructif et surtout cela décomplexe : oui, faire des erreurs arrive à tout le monde. 

Enrick B. Éditions, 2025, 218 pages.

Bien vieillir

Le scandale du groupe Orpéa (qui a changé de nom depuis, pour tenter d'améliorer son image), révélé par Victor Castanet dans son livre Les Fossoyeurs, a fait prendre conscience de la façon dont nos personnes âgées étaient traitées, et surtout des travers de la financiarisation des maisons de retraite. Certes, il y a un net progrès depuis les dortoirs collectifs des auspices du début du siècle dernier, mais ce n'est pas encore l'idéal. 
Les trois auteurs de Bonjour Vieillesse, dont le sous-titre est Quand le bien vieillir devient un projet de société, sont Guillaume Desnoës, Thibault de Saint Blancard et Clément Saint Olive.  
Ils sont aussi les trois cofondateurs d'Alenvi, une entreprise qui propose un service d’accompagnement des personnes âgées à domicile. Ils nous invitent à réfléchir aux différentes manières de mieux nous occuper de nos aïeux, et donc de réfléchir à notre propre futur... 
Ils citent en exemple des initiatives heureuses où les personnes âgées se sentent plus utiles et où les personnes qui s'occupent d'elles sont davantage considérées. 
Il s'agit notamment de se demander ce que cela apporte aux unes et aux autres, et moins de ce que cela coûte. 
Et, surtout, ils proposent de réfléchir et participer à un Manifeste du bien vieillir. Vaste et beau programme !

Éditions de l'Aube, 2025, 120 pages.

jeudi 24 avril 2025

Marcher rend meilleur

Voilà un petit essai qui nous conforte dans l'idée que marcher fait du bien ! Thierry et Mary Anne Malleret exposent en dix chapitres Dix bonnes raisons d'aller marcher.
S'appuyant sur leur propre expérience et sur les études scientifiques, ils détaillent pourquoi c'est bon pour le corps, le cerveau, l'esprit, la prise de décision, pour s'ajuster à l'accélération du monde, mais aussi pour l'égalité, l'économie, l'environnement, l'inspiration, la créativité et la pensée... et pourquoi cela devrait être rendu obligatoire vu les profits.
La marche tout simplement nécessaire. Car, comme les auteurs l'écrivent en conclusion : 

On peut décider d'aller marcher avec l'idée spécifique d'engranger les différents bénéfices qu'offre cette activité : la garantie d'être en bonne santé et tout un tas de raisons utilitaires ; mais on peut aussi aller marcher pour le seul plaisir de le faire, et pour le bonheur de vivre le moment présent, pour un instant d’euphorie ou d'apaisement.

En effet, il y a des jours où on a la flemme, mais en se forçant un peu, on ne le regrette jamais.
Et inutile d'aller au bout du monde, de gravir des montagnes, même si c'est plus bénéfique et agréable au milieu des arbres, il suffit de faire le tour du pâté de maisons.

Éditions Paulsen, 2025, 160 pages (version poche et initialement publié en 2017).

D'autres livres sur la marche :
- Marcher de Henry D. Thoreau ;
- Marcher, Éloge des chemins et de la lenteur de David Le Breton ;
- Randonneuses, le guide de Clémence Blot et Camille Chrétien ;
- Passage piéton. Récit d'une détox numérique par la marche de Laurence Bril ;
- Rando-vin Provence et Corse de Romy Ducoulombier.



mardi 22 avril 2025

Marcher seule ou en groupe

Pour celles qui apprécient les bienfaits de la randonnée, voici LE guide pour les randonneuses, c'est-à-dire pour les femmes, jeunes et plus âgées. Même s'il s'adresse en priorité aux femmes, comme il est très instructif, le guide est également à recommander aux messieurs qui pourraient s'étonner de certains conseils et déconstruire certains préjugés ou croyances.
Contrairement à ce que disent les autrices, Clémence Blot et Camille Chrétien (avec la participation scientifique de Chloë Chaudemanche), sur les limites de leur ouvrage pratique, il est très complet. Il aborde aussi bien les points techniques de la randonnée (préparation et itinéraire) que les aspects physiques particuliers aux femmes, des règles à la ménopause.
Il y a notamment ces questions qui préoccupent et freinent les femmes, comme la sécurité et la confiance en soi, car il est souvent délicat de partir marcher seule.
De nombreux témoignages de femmes de tous âges qui marchent enrichissent les propos et les nombreux conseils et astuces au fil des pages. Très agréable à lire, c'est le guide indispensable à avoir et à offrir pour les marcheuses !
Et bons chemins !

Éditions du Chemin des Crêtes, 2025, 256 pages.

chez le même éditeur : Rando-vin Provence et Corse


jeudi 17 avril 2025

Une indéfectible amitié

Anton est un adolescent qui vit dans une famille d'accueil. Son meilleur compagnon est un chien-loup avec qui il arpente la forêt.
Il est témoin d'une scène où une petite fille échappe à des passeurs. Il l'aide à se cacher.
À partir de là, leur amitié est scellée. Pour éviter les rouages administratifs qui la ferait placer dans une famille d'accueil, il demande de l'aide à un voisin énigmatique, manchot mais rompu à l'art de la guerre.
Dans le roman Pamoja !, Jérôme Lafargue nous embarque dans un périple mystérieux de réseaux clandestins et de caches souterraines dans la forêt.
Il est aussi question d'anciens guerriers et d'enfants cobayes... mais surtout de solidarité et d'une indéfectible amitié car Pamoja signifie ensemble en swahili.

Anton avait appris à éviter avec soin les lieux dans lesquels les embrouilles fleurissaient comme pâquerettes et boutons d’or au printemps. Son instinct le guidait, et ne le trahissait jamais. Là, il le somma d’aller voir de plus près.

Quidam éditeur, 2025, 172 pages.

Lire aussi la chronique sur le superbe roman L'ami Butler.

vendredi 4 avril 2025

Des photos et des femmes

Pour son quatrième livre, Michelle Willi écrit des histoires courtes, de trois pages environ, en vis-à-vis de très belles photos dont elle est également l'autrice pour la plupart.
Son recueil a pour titre Des moments d'Elles car elle donne la parole à des femmes ou les met en lumière. Elle fait naître des instants suspendus, des bribes d'histoires, des moments cruciaux de la vie de ces femmes qui ont tous les âges, de l'état d'embryon jusqu'à une centenaire.
Les situations dramatiques — une femme battue, une enfant abusée... —, ou plus quotidiennes et émouvantes, sont finalement éclairées par un éclair de magie. 

Éditions sous le vent, 2025, 70 pages.

L'ouvrage est en vente à la librairie Montfort de Vaison-la-Romaine, au Point presse et à l'office de tourisme d'Entrechaux (Vaucluse).

Lire aussi ma chronique sur un autre ouvrage de Michelle Willi : L'Attente.

mercredi 2 avril 2025

Nouvelles de l'étrange

Fidèle à son style étrange et dérangeant (lire cette autre chronique sur l'autrice), la Japonaise Yôko Ogawa nous invite, dans ce recueil de nouvelles, Scènes endormies dans la paume de la main, dans le huis-clos des théâtres, parfois abandonnés ou décoratifs, ou juste à côté pour suivre une femme qui ne va pas aux spectacles mais collectionne les autographes.
En japonais, le théâtre se dit "boîte" et il y en a aussi.
La scène est un univers à part, celui du faux, de l'illusion qui dit vrai, du spectacle qui laisse à distance le public. Comme dans ces nouvelles qui nous emmènent dans un univers envoûtant, étonnant, mais auquel l'autrice arrive à nous faire croire car il est aussi familier...
Le titre poétique et énigmatique fait probablement référence au recueil de nouvelles Récits de la paume de la main de Yasunari Kawabata où il écrit : Montrez-moi votre âme en la posant sur la paume de ma main. Telle une boule de cristal. Et moi, je la dessinerai avec mes mots...

Actes Sud, 2025, 288 pages.

lundi 17 mars 2025

Le monde fascinant des mousses

Comme Olivier Liron, nous sommes nombreux (moi par la première) à être fascinés par les mousses. Ceux qui ne le sont pas encore liront son Éloge des mousses et le deviendront.
Nous savons peu de choses sur ce végétal qui n'a pas de racines, vert comme l'espoir (mais pas seulement), spongieux parfois, aux aspects si différents.
Les bryophytes, de leur nom savant, font partie des plus anciennes plantes terrestres, descendantes des algues, et sont quasiment immortelles puisqu'elles se régénèrent dès la première goutte d'eau.
À les observer de près, nous voyons des îles, des paysages, dans ces minuscules coussins... Elles évoquent des tapis de fraîcheur.
À la fois scientifique, sensible et poétique, cet Éloge des mousses allie nature et culture, et nous transporte aux pays des merveilles du vivant.
Point n'est besoin d'aller au bout du monde pour admirer les jardins de mousses japonais : ces belles discrètes sont au coin de la rue, ou au fond des bois. Il suffit d'ouvrir l’œil.
D'ailleurs, l'auteur invente le terme de moussothérapie pour parler de cet émerveillement si particulier à la vue et au toucher des mousses.
Comme nous le comprenons !

Rivages, 2025, 160 pages.

Lire aussi mes chroniques sur Louange des mousses de Véronique Brindeau et le roman Mousse de Klaus Modick.

dimanche 16 mars 2025

Les ateliers de Jeanne Benameur

Jeanne Benameur, plus connue pour ses romans et recueils de poésie, a écrit un "Récit de transmission" : Vers l'écriture.
C'est son expérience des ateliers d'écriture qu'elle a conduit et qu'elle partage.

Je crois au verbe. À sa puissance à nous transformer. Je crois à la silencieuse insurrection du mot juste. 

Dans cet essai, l'autrice aborde ce qui se joue dans le fait d'écrire, aussi bien pour les personnes cultivées que pour celles qui ont perdu l'habitude ou le goût d'écrire.
En tant qu'animatrice d'ateliers, elle parle de ses expériences, des tentatives, des difficultés et des émotions qu'elle a traversées.
Si une consigne est donnée pour écrire, il est bon aussi qu'elle soit contournée, détournée, avec humour et inventivité. 

Actes Sud, 2025, 176 pages.

samedi 15 mars 2025

Façons d'écrire

"Les choses ne sont pas difficiles à faire, ce qui est difficile c'est de nous mettre en état de les faire", disait le sculpteur Constantin Brancusi.
Oui, créer est souvent difficile (parfois joyeux), mais comment conjurer l'inquiétude ?
Si l'on s'intéresse à la création littéraire, comment vaincre les difficultés pour se mettre à écrire, s'organiser, trouver du temps, puis persévérer ?
Ce sont les questions qu'a posé Belinda Cannone à une quinzaine d'auteurs et autrices de romans, nouvelles, essais ou poésie : Nathalie Azoulai, Jean-Christophe Bailly, Miguel Bonnefoy, Emmanuel Carrère, François-Henri Désérable, Jean Echenoz, Jérôme Garcin, Cécile Guilbert, Lilia Hassaine, Marie-Hélène Lafon, Gérard Macé, Nicolas Mathieu, Marie Ndiaye, Maria Pourchet, Jean-Pierre Siméon.
Belinda Cannone partage également ses propres marottes et pratiques, car chacun invente et trouve ses rituels, ses manies, ses méthodes pour commencer à écrire, trouver un rythme (ou pas), résister aux doutes.
Certains affirment qu'ils n'ont pas de routine ou de discipline (comme Marie Ndiaye), mais la plupart se plaisent dans certaines conditions et processus, des lieux, avec certains objets...
Leurs "habitudes" sont parfois très originales, et c'est cette diversité qui est intéressante.
Quant aux lecteurs qui écrivent (ou en ont envie), et cherchent un "truc" qui leur convienne, pour lancer des chantiers — et tenir la route —, ils trouveront forcément, dans ce foisonnement passionnant, de quoi s'inspirer.
Formidable !

Éditions Thierry Marchaisse, 2025, 2028 pages.

Lire aussi les chroniques sur d'autres ouvrages, dirigés avec Christian Doumet, de Belinda Cannone chez le même éditeur :
- Dictionnaire des mots manquants
- Dictionnaire des mots en trop
- Dictionnaire des mots parfaits.

Écouter un entretien avec Belinda Cannone à propos de ce livre.

jeudi 13 mars 2025

Habitantes des rues

Vivre dans la rue doit être une des expériences les plus éprouvantes et fragilisantes qui soit pour un être humain, et d'autant plus pour une femme.
Berenice Peñafiel enseigne notamment la sociologie, l'anthropologie du corps et la sociologie de la précarité. Elle s'est penchée sur le sort de ces femmes qu'elle nomme "habitantes des rues", et qui sont très peu étudiées dans les enquêtes sur les sans abri, et donc presque invisibles, cachées.
Elles vivent dans la rue, donc dans la précarité la plus totale puisqu'elles n'ont aucune commodité ni protection.
Alors qu'elles sont vulnérables et parfois isolées, l'autrice ne les présente pas comme des victimes (bien qu'elles soient sans cesse en danger, harcelées...), mais comme actrices de leur vie car elles mettent en place des stratégies pour résister. Elles doivent en permanence s'adapter pour conserver leurs affaires, manger, trouver un endroit pour la nuit, accéder à des toilettes, se laver, garder une hygiène au moment des règles. Ce qui est à recommencer chaque jour et chaque nuit, été comme hiver. Et le moindre imprévu devient fatal.
À partir d'enquêtes et de témoignages sur le quotidien d'une dizaine de femmes aux parcours très différents, l'autrice mène une étude concrète, bouleversante et poignante.

Terre Urbaine, collection L'esprit des Villes, 2025, 208 pages (préface de David Le Breton).

lundi 10 mars 2025

Histoires à dormir debout

Les vingt-cinq Nouvelles nocturnes de Bernard Quiriny sont fantaisistes, invraisemblables, à dormir debout.
Ses univers et ses personnages sont totalement décalés, farfelus, cruels, étranges, troublants... avec le plus grand naturel.
Il arrive que la mort n'ait pas de prise sur certaines personnes ou qu'elles ne présente pas de danger, ou que les crimes soient commis à des fins plus ou moins futiles et sans trop de culpabilité (Comment j'ai rencontré Sherlock Holmes, Le Puits, Le barrage sur la Rustule).
Les lieux, rues ou maisons, gardent parfois la mémoire de leur passé (Trois maisons hantées).
Elles sont parfois drôles et absurdes, comme celle de l'étudiant qui écrit et soutient une thèse sur rien (Le gai savoir) ou les Amusants musées.
Surprises à toutes les pages !

La plus courte nouvelle et la plus poétique :

Nouvelle nocturne
Un jour le soleil fatigué brillera moins, nous n'aurons plus le choix qu'entre le soir et la nuit.

Rivages, 2025, 224 pages.

Lire aussi la chronique sur Histoires assassines.

Pour une révolution tranquille

Comment écrire un livre sur la paresse alors que cela demande un travail colossal, que la charge mentale est déjà énorme et le manque d'argent à l'avenant ?
C'est le défi des autrices canadiennes Geneviève Morand et Natalie-Ann Roy, dans cet essai Libérer la paresse, qui se sont déjà penchées sur les péchés capitaux — version féministe — dans les ouvrages collectifs Libérer la colère et Libérer la culotte (sur la luxure).
Est-ce que la paresse est un droit ? Est-ce que le repos n'est qu'une façon de mieux travailler ?
Même le congé pour maladie ne donne pas droit à la paresse tant il est précisément calculé pour nous faire reprendre du service à peine remis sur pieds.
Le collectif d'autrices dénonce tout ce qui peut mener au burn-out (mais qui peut avoir le bon côté de permettre de se découvrir) et se demande qui peut se permettre de rien faire (fare niente en italien). Même se révolter et se battre contre le système demande beaucoup d'énergie, tout comme résister.
Le droit à la paresse n'existe pas vraiment, hors privilégiés, donc savourez ces minutes volées à l'activité par une "révolution tranquille".
Un livre dense et passionnant.

En annexe, un beau texte d'Heather O'Neill : Un lit à soi

Les éditions du Remue-Ménage, 2025, 290 pages (illustrations).

Avec Sayaka Araniva-Yanez, Joëlle Basque, Roxanne Bélair, Rébecca Boily-Duguay, Gabrielle Boulianne-Tremblay, Emilie S. Caravecchia, Zed Cézard, Josiane Cossette, Karine Côté-Andreetti, Marie-Pierre Duval, Yara El-Soueidi, Florence Sara G. Ferraris, Amélie Gillenn, J.D. Kurtness, Melissa Mollen Dupuis, Geneviève Morand, Heather O’Neill, Joanie Pietracupa, Nathalie Plaat, Pascal Raud (tiens, un garçon !), Shirley Rivet, Natalie-Ann Roy, Catherine Voyer-Léger et Cathy Wong.

Célébrons la beauté du vivant !

C'est bientôt le printemps et la plus belle saison (selon ma subjectivité) pour célébrer la beauté du vivant.
Le botaniste Francis Hallé dans ce très beau livre, La beauté du vivant, nous convie — à travers ses nombreux et propres dessins — à un voyage en quête de beauté dans le monde végétal, mycologique, animal, humain...
Sa définition (en construction) de la beauté n'est pas celles des dictionnaires, trop restrictives et se contentant de décrire l'effet sur l'être humain. La connaissance peut aussi aider à rapprocher l'homme de la nature, bien que certains scientifiques méprisent la notion de beauté.

"La Beauté du vivant doit être la jeunesse et l'audace, le bonheur et l'émerveillement qui nous font voir la nature pour ce qu'elle est, le vrai Paradis sur terre, l'antidote parfait au capitalisme débridé, et à ses productions qui nous envahissent, béton, parkings, publicité omniprésente, bruits de moteur et gaz d'échappement", écrit l'auteur en introduction.

La beauté est parfois invisible, comme l'étrange "sentiment océanique" (au sens d'infini) qui est une expérience psychique qui nous submerge un instant et donne l'impression de disparaître, ou de faire vraiment partie de la nature (ce qui devrait être notre nature).
Ce sentiment de plénitude absolue peut aussi arriver en ville, ou devant un livre comme celui-ci, mais il est plus courant de le ressentir en pleine forêt.

Actes Sud, 2024, 160 pages (22 x 32 cm), préface d'Ernst Zürcher.

dimanche 9 mars 2025

Objets intersidéral et littéraire

Le cinquième diamant d'Éric Faye est l'histoire d'un couple d'astrophysiciens et chasseurs d’astéroïdes américains qui découvre et observe un objet intersidéral inconnu.
Pendant ce temps, des phénomènes étranges se passent en Russie où des missiles sont mystérieusement mis en veille. Pour eux, c'est forcément l'œuvre des Américains. Ce n'est pas le cas, mais la CIA est sur le coup.
Y a-t-il une autre vie dans une autre galaxie ? Les scientifiques ne sont pas tous d'accord sur la découverte. Un débat télévisé — comme toujours en fonction de l'orientation et de l'habileté des invités — n'aide pas à informer clairement. Les complotistes et les religieux s'en mêlent.
Intimidations, empoisonnements, vols de documents, secrets d'État, désinformation, énigmes scientifiques, concurrence entre chercheurs, mais aussi tourments personnels et parentaux... sont autant de rebondissements et d'ingrédients foisonnants pour une intrigue passionnante.
Si le roman prend un air de roman d'espionnage, il est bien plus que cela.
Ce n'est certainement pas un hasard si le couple vit à Concord où Henry David Thoreau avait construit sa cabane.
En tant qu'ancien journaliste, Éric Faye s'appuie sur des faits et situations réels. Son roman frôle la réalité ; raison de plus pour qu'il donne des frissons...

Le Seuil, 2025, 352 pages.  

À lire aussi d'autres chroniques sur les livres de l'auteur dans ce blog :
- Fenêtres sur le Japon
- Dans les pas d'Alexandra David-Néel
-
Nagasaki
-
Malgré Fukushima - Journal japonais

samedi 8 mars 2025

Niki, artiste grandiose

Pourquoi l'artiste Niki de Saint Phalle fascine autant ? Est-ce dû à sa beauté, son histoire, son avant-gardisme, son féminisme, son talent, son succès international ?
Films, œuvres littéraires et bien sûr expositions ne cessent de lui rendre hommage, de s'inspirer de sa vie et de son œuvre, de la façon dont elle a réussi à transformer sa colère et ses blessures en art. 
Ses œuvres sont un exutoire violent comme les Tirs, puis deviennent plus gaies et colorées avec ses immenses Nanas.
Dès l'enfance, elle est décalée, incomprise partout, et ne supporte pas l'éducation rigide de sa mère. Elle-même aura du mal à être mère.
Charlotte Barberon peint un portrait kaléidoscopique et captivant de Niki de Saint Phalle dans son roman biographique En plein ventre. Elle inclut des textes autobiographiques de l’artiste.
Les chapitres chronologiques sur son parcours depuis l'enfance alternent avec des chapitres intitulés Hon, comme cette œuvre monumentale exposée en 1966 au musée d'art moderne de Stockholm qu'elle parcourt encore juste avant l'ouverture au public de l'exposition.
On y croit.

Ateliers Henri Dougier, 2025, 280 pages.

Sur Niki de Saint Phalle, lire aussi :
- Mon secret
- Comment Niki de Saint Phalle est devenue artiste.

jeudi 6 février 2025

Les filles prennent leurs pages

Le numéro 2 de FanMzine (lire l'entretien avec l'éditrice et directrice artistique Julie Legrand), la revue de création littéraire et visuelle, est sorti à La Réunion (depuis quelque temps déjà...).
Si FanMzine est un fanzine qui ouvre ses pages exclusivement aux femmes, il n'est pas réservé aux lectrices. Les lecteurs sont les bienvenus aussi, bien sûr !
L'œuvre de la couverture est signée par la talentueuse Flo Vandermeersch dont les bandes dessinées parues dans Le Cri du Margouillat sont toujours hilarantes et pertinentes (pour visiter son site, c'est par là).
Plus d'une trentaine d'autrices et artistes ont participé à ce numéro 2 sur le thème de la Terre, donc de l'écologie : nouvelles, poèmes, illustrations ou photos d'objets d'art.
Ce sont autant d'angles différents donc de surprises. L'un de mes textes préférés est Enfants de Gaïa de Catherine Coulombel.
Et bravo à toutes !

APDV, 2024, 100 pages.
Pour se procurer ce numéro envoyer un message à Julie Legrand ou aller sur la page Paypal via Facebook)

mardi 4 février 2025

Ce fascinant Higginson, presque oublié

Christian Garcin "rencontre" pour la première fois Thomas Wentworth Higginson dans un petit livre qui rassemble un choix de lettres d'Emily Dickinson. Thomas et Emily ont correspondu pendant vingt-quatre ans. C'est notamment grâce à lui que ses poèmes à elle ont été publiés.
Par ailleurs, l'homme a traversé l'histoire des États-Unis du XIXe siècle en s'impliquant corps et âme dans de nombreuses causes dont l'abolition de l'esclavage et le droit des femmes. En son temps, il fut reconnu comme un homme de lettres, et c'est pour cela qu'Emily s'est adressée à lui.
De pasteur à colonel, son parcours est pour le moins hors du commun et force l'admiration, mais ses contemporains ou traducteurs ne sont pas toujours tendres avec lui.
C'est entre autres ce qui a poussé Christian Garcin à s'intéresser à lui et à lui rendre justice dans ce récit biographique : La vie singulière de Thomas W. Higginson

À un siècle et demi de distance, et après l'avoir côtoyé pendant plusieurs mois avant et pendant l'écriture de ce livre, je ne peux m'empêcher de le trouver assez fascinant, Higginson — fascinant, et en même temps un peu agaçant. En fait, ce type est pour moi une énigme — c'est aussi une des raisons pour lesquelles j'ai entrepris la rédaction de ce livre.

Ce n'est pas la première fois que Christian Garcin s'intéresse aux illustres ou anonymes oubliés, comme dans Les vies multiples de Jeremiah Reynolds ou les quarante portraits poétiques (dont celui d'Emily Dickinson) de Vidas et Vies volées, pour leur redonner vie.
Et la littérature, c'est rendre vivant.

Actes Sud, 2020, 336 pages.

Un entretien et d'autres chroniques sur les ouvrages de l'auteur :

- Un entretien avec Christian Garcin
-
Une Odyssée pour Denver - Un inédit de Norwich Restinghale
- Du bruit dans les arbres
Le Bon, la Brute et le Renard
- Petits oiseaux, grands arbres creux
-
Selon Vincent
- Les oiseaux morts de l'Amérique
- Dans les pas d'Alexandra David-Néel

- Les vies multiples de Jeremiah Reynolds
- Jeremiah & Jeremiah
- Vétilles
- J'ai grandi
- Labyrinthes et Cie, La jubilation des hasards et Carnet japonais
- La neige gelée ne permettait que de tout petits pas
- Sortilège 
- Des femmes disparaissent
- Les nuits de Vladivostok
- Romans pour la jeunesse